EN IMAGES : Un village égyptien se bat pour perpétuer la tradition du papyrus ancien
QARAMOUS, Égypte - Il y a milliers d’années, émergea en Égypte une grande civilisation, au bord du Nil. Sur du papier à base de papyrus, les pharaons offrent une documentation de première main sur leur époque, par leurs descriptions de batailles, désastres naturels, récits de naufrages, registres financiers, documents officiels et même sortilèges religieux.
Aujourd’hui, à Qaramous, village au nord du Caire, dans le gouvernorat d’Ach-Charqiya (delta du Nil), des hommes partent récolter le papyrus, comme les Égyptiens de l’Antiquité plusieurs siècles avant eux. Dans de petits ateliers installés à leur domicile, des femmes rassemblent les tiges récoltées et entament le processus de transformation qui donnera le produit fini : du papier.
Selon ses habitants, l’histoire du village remonte il y a de cela 40 ans, en 1977, quand Anas Mustafa, professeur égyptien des Beaux-Arts, décida d’y cultiver le papyrus. Il enseigna à environ 200 habitants l’art de faire pousser du papyrus et de transformer cette plante en papier.
Mohamed el-Sayed, un des cultivateurs de papyrus, explique qu’en quelques années seulement la ville est devenue célèbre pour sa florissante économie du papyrus, et qu’environ 90 % des villageois des environs sont employés à la production.
El-Sayed, qui a hérité ce savoir-faire artisanal de son père et de son grand-père, explique qu’après la récolte des tiges de papyrus, ils ôtent l’écorce verte en la pelant avec leurs dents, pour ensuite découper le cœur blanc en tranches. Elles sont alors mises à tremper dans des barils de soude caustique.
Pour s’attendrir, les tranches doivent être mises à tremper pendant huit heures. Lors de l’étape suivante, les tranches sont disposées l’une à côté de l’autre pour former une feuille. Ces feuilles sont alors enveloppées dans des chiffons et comprimées dans une presse en fer. Finalement, elles sont posées sur des cartons, où on les laisse se dessécher au soleil.
Le produit est fini une fois qu’il a été décoré de motifs à l’imprimerie ; il est alors vendu dans les bazars du Caire, de Louxor et de Charm el-Cheikh. Le coût du produit fini, le papier de papyrus, varie entre 20 EGP et 500 EGP (de 90 centimes d’euros à 23 euros). Pourtant, la chute du nombre de touristes a fait baisser la demande en produits à base de papyrus.
En 2016, la fréquentation touristique s’est effondrée, passant de 9,3 millions à 5,4 millions, selon les statistiques officielles. Aux dires des habitants, la culture du papyrus est tombée de 500 à 30 hectares, voire moins.
Des années de tourmente politique – après le soulèvement populaire de 2011, suivi du putsch militaire de 2013 et d’une série de catastrophes aériennes, de bombardements et d’attentats – ont fracassé l’industrie du tourisme de ce pays.
« Il fut un temps où nous nous faisions seconder en embauchant entre cinq et dix ouvriers, en plus des membres de notre famille », se rappelle el-Sayed, « mais maintenant il n’en est plus question – baisse de la demande et maigres profits obligent ». Ce travail est désormais effectué entièrement par la famille d’el-Sayed. Traditionnellement, les enfants du village, quand ils ne sont pas à l’école, aident leurs parents à fabriquer le papyrus.
L’épouse de Mohammed, Oum Karim, rappelle que sa famille produisait 1 000 feuilles par jour, mais que désormais elle n’en produit qu’entre 50 à 100.
Dans une maison voisine, se trouve un petit atelier d’impression appartenant à Wagdy Mohamed Abdel Aal. Depuis l'âge de 7 ans, il colore les feuilles de papyrus et y imprime des motifs. La coloration des feuilles de papyrus se fait grâce à deux méthodes principales : la sérigraphie ou la peinture à la main.
La sérigraphie est la méthode d’impression la plus répandue, où, grâce aux tampons de soie porteurs des motifs, on obtient des dessins presque parfaits. La peinture imbibe la feuille et le motif est appliqué sur la feuille de papyrus. On répète le même processus en utilisant diverses couleurs.
Abdel Aal explique que la plupart de ses tampons de sérigraphie ont été copiés des fresques des pharaons découvertes dans les temples et sur des papyrus antiques. Sur des invitations de mariage, ils impriment aussi divers motifs, des lettres arabes calligraphiées par exemple, ou des versets religieux.
Les ateliers d’impression ont eux aussi souffert de l’effondrement de la demande. Selon les estimations d'Abdel Aal, le nombre d’ateliers dans le village est tombé de dix-sept avant la révolte de 2011 à six aujourd'hui.
En dépit de l’absence de soutien gouvernemental en faveur de cette industrie, les commerçants ont essayé par d’autres moyens de générer plus de demande pour leurs produits.
Les villageois ont présenté une proposition formelle aux gouverneurs successifs d’Ach-Charqiya, pour que le papyrus serve à la fabrication des certificats et aux documents officiels, les diplômes universitaires par exemple, mais un seul ancien gouverneur s’est montré intéressé. Le professeur Reda Abdel Salam avait promis de prendre cette proposition en considération, mais il a été limogé en 2015.
Abdel Aal n’envisage pas l’avenir avec optimiste et prédit que leur industrie pourrait souffrir à nouveau en raison du flottement de la livre égyptienne, qui a fait monter les prix des matériaux nécessaires à la production.
Traduction de l’anglais (original) par Dominique Macabiès.
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