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Festival de printemps de Beyrouth : sous la culture, la politique

Des artistes du monde entier célèbrent la liberté d’expression et la démocratisation de la culture au festival de Beyrouth
Les frères Khalifé jouent sous le regard attentif de la statue de Samir Kassir (MEE/Constance Léon)

La statue du journaliste libanais Samir Kassir (MEE/Julien Ricour-Brasseur)

BEYROUTH - Écrit de l’irrévérente plume du journaliste libanais Samir Kassir, assassiné le 2 juin 2005, « Beyrouth, le printemps des Arabes » est le titre d’un de ses éditoriaux les plus mémorables qui a donné son nom au Festival de Printemps de Beyrouth, organisé chaque année depuis 2009 par la Fondation Samir Kassir.

Cette fondation poursuit son combat : la lutte pour la liberté d’expression et la démocratisation de la culture au Liban. Douze ans après l’assassinat du journaliste et neuf ans après le lancement du festival, l’événement permet de garder vivantes sa mémoire et sa pensée. La gratuité des spectacles présentés donne accès à toutes les classes sociales et sans aucune discrimination générationnelle ou confessionnelle.

Depuis 2006, associée à la Fondation Samir Kassir, l’Union européenne remet le Prix Samir Kassir pour la liberté de la presse à des journalistes arabes se battant quotidiennement pour la liberté d’expression, contre la corruption au Moyen-Orient et la gouvernance arbitraire de certains pays, entre autres combats. Initialement, deux prix étaient attribués : celui du meilleur article d’opinion et celui du meilleur article d’investigation, décernés respectivement au Syrien Issa Ali Khodr et à l’Égyptienne Ghada Al-Sharif lors de cette édition 2017. À partir de 2013, un troisième est ajouté : celui du meilleur reportage audiovisuel, reçu ce vendredi 2 juin par l’Irakien Asaad Zalzali.  

La remise de prix (MEE/Julien Ricour-Brasseur)

C’est suite à cette cérémonie que le festival a démarré, avec au programme quatre spectacles, et cette neuvième édition a pu se féliciter d’être une nouvelle fois un succès. Comme l’explique Widad Jarbouh, coordinatrice des programmes au sein de la Fondation Samir Kassir : « Depuis ses débuts, le festival offre un aspect plus intellectuel à la culture beyrouthine et, surtout, un accès à celle-ci pour tous, en mettant en avant des artistes internationaux inédits au Liban et toujours au moins un artiste libanais ».

Cette année, le choix s’est donc porté sur la compagnie de danse américaine Bridgman/Packer, la chanteuse tunisienne Dorsaf Hamdani, la pièce de théâtre « Carnivorous » du metteur en scène libanais Issam Bou Khaled et, en tête d’affiche, les musiciens Bachar et Rami Mar Khalifé, fils du renommé Marcel, accompagnés de leur cousin Sary.   

Événements culturels et censure

Adepte du trois pas en avant, deux pas en arrière, le Liban est de temps à autre encore soumis à la censure religieuse et politique à l’encontre de certains événements culturels, comme cela s’est vu récemment avec les polémiques autour de la Beirut Pride (première Gay Pride du Liban) ou de la sortie du film « WonderWoman » (suite aux déclarations de l’actrice israélienne).

Si ce festival tient bon et se veut loin de tous ces tourments, nul ne pourra reprocher à quiconque d’au moins soulever la question de la politisation culturelle au pays du cèdre. Avec un album censuré par la Sûreté générale du Liban en 2016, c’est sous le regard attentif de la statue de Samir Kassir que les mains des frères Khalifé ont joué leurs mélodies transcendantes devant une foule captivée et ne pouvant se passer de ce vent libertaire cher au journaliste libanais, lui rendant ainsi le plus bel hommage de cette édition 2017.

« Le festival offre un aspect plus intellectuel à la culture beyrouthine et, surtout, un accès à celle-ci pour tous »

- Widad Jarbouh, coordinatrice des programmes au sein de la Fondation Samir Kassir

Toutefois, le musicien franco-libanais Bachar Mar Khalifé  confirme le pari réussi du Festival de Printemps de Beyrouth : « Tout est toujours un peu politisé au Liban mais il existe des festivals comme celui-ci qui donne tout pour la culture et, même si c’est une sorte de politique, ce n’est que celle de ramener la culture qu’on ne voit pas, qui n’est pas la culture de masse. Il existe un public qui a soif de cela. »

En définitive, ce festival est devenu un événement incontournable en cette fin de printemps pour tout amoureux de l’art et a apporté depuis ses débuts une poussée d’optimisme quant au retour de Beyrouth sur le devant de la scène culturelle régionale, empreint de ce désir de liberté d’expression pour laquelle Samir Kassir s’est vu ôté la vie. Alors, à la question de savoir si les évènements culturels au Liban ont toujours un arrière-goût de politique, Gisèle Khoury, journaliste libanaise et veuve de Samir Kassir, tranche : « Non. Il n’y a plus de politique au Liban ».

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