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Les pieds-noirs restés après l’indépendance : des Algériens à part entière

Les Français d’Algérie qui n’ont pas quitté le pays après l’indépendance étaient environ 200 000 en 1963, et 30 000 en 1993. Un grand nombre a rejoint la France pendant la décennie noire
Français d’Algérie attendant de quitter l’aéroport d’Alger le 20 mai 1962 (AFP)
Français d’Algérie attendant de quitter l’aéroport d’Alger le 20 mai 1962 (AFP)
Par AFP à ALGER, Algérie

Soixante ans après les accords d’Évian marquant la fin de la guerre d’Algérie et le départ des colons après 130 ans d’occupation française, les Européens pieds-noirs, restés sur leur terre natale, se définissent comme de « vrais Algériens ».

« Mon seul regret est de n’avoir pas vraiment appris l’arabe », explique à l’AFP Marie-France Grangaud, née il y a bientôt 84 ans en Algérie.

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« Jusqu’à la terminale, il n’y avait aucun élève algérien dans ma classe », se souvient cette dame qui vivait alors dans un milieu « exclusivement européen ».

Née à Chlef, à 200 km à l’ouest d’Alger, elle passe sa petite enfance non loin de là, chez sa grand-mère paternelle à Oued Rhiou, son père ayant rejoint le front au début de la deuxième guerre mondiale (1939-1945).

À son retour, la famille déménage à Alger pour scolariser Marie-France car « il n’y a pas d’école » dans son village.

Dans une réunion de jeunes protestants, elle fait la connaissance de Jean-Paul Grangaud. Ils se marient le 10 mars 1962, une semaine avant les accords d’Évian (centre-est de la France) de cessez-le-feu entre l’armée française et les indépendantistes du FLN.

Peu avant l’indépendance en juillet, Marie-France suit en France son mari, appelé sous les drapeaux, mais le couple « rentre définitivement » début 1963 quand M. Grangaud est affecté à Alger.

« Nous voulions plutôt connaître les Algériens »

Durant les années 1961-1962, ce médecin a tissé des liens avec des militants du FLN auxquels il fournissait des médicaments et du sang, selon son épouse.  

Comme les « Grangaud », certains « pieds-noirs », parfois engagés dans la lutte pour l’indépendance, ont choisi de rester.

« [Mes enfants] ont grandi ici, fait l’école algérienne et parlent l’arabe couramment »

- Marie-France Grangaud, Française d’Algérie

« Les pieds-noirs [colons européens] étaient tous très attachés à l’Algérie, c’est pour cela que partir était un drame pour eux », relate-t-elle.

Environ 200 000 en 1963, ils n’étaient plus que 30 000 en 1993, selon l’historienne Hélène Bracco. Et un grand nombre a rejoint la France pendant la décennie noire (1992-2002).

« Nous n’avons pas cherché à vivre avec les autres Européens restés en Algérie, nous voulions plutôt connaître les Algériens », souligne Marie-France Grangaud, racontant avec émotion comment son mari essayait de « répondre aux besoins des malades, des étudiants avec peu de moyens ». 

Jean-Paul est devenu professeur de pédiatrie à l’hôpital Beni Messous d’Alger, puis conseiller du ministre de la Santé en 1994.

Cet artisan du calendrier de vaccination pour les enfants, qui a adopté la nationalité algérienne en 1970, s’est éteint en août 2020 à l’âge de 82 ans. 

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Trois des cinq enfants des « Grangaud », comme on les appelle à Alger, portent des prénoms algériens.

« Ils ont grandi ici, fait l’école algérienne et parlent l’arabe couramment. Quand on les écoutait parler entre eux en arabe, c’est à peine si on les comprenait », précise Marie-France.

Comme son mari, elle a pris la nationalité algérienne en 1972, « par choix ».

Algérienne de cœur

Les Grangaud « étaient jeunes et optimistes ». « On s’est dit, c’est chez nous, on y est nés. On y reste », explique-elle, même s’ils ont rencontré des difficultés.

« Ce n’est pas évident de ne pas être comme tout le monde, pas toujours très bien accepté. Ne pas être comme tout le monde, cela veut dire ne pas être musulman. Être d’origine française. Avoir les prénoms qu’on avait », affirme cette femme qui a fait l’essentiel de sa carrière dans des ministères.

La famille de Caroline Altairac-Janssen en fait partie mais avec un parcours atypique. Âgée aujourd’hui de 69 ans, elle a quitté Oran en 1959 quand son père a été muté en France.

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Sa famille maternelle « réside en Algérie depuis cinq générations ». « J’ai choisi de revenir en 2006 pour m’occuper à mon tour des affaires familiales créées par mes aïeux en 1918 », explique-t-elle. 

Elle a « beaucoup de souvenirs d’enfance et d’adolescence lors de vacances » chez ses grands-parents ou cousins : « Tous, nous étions des enfants de la terre d’Algérie ».

À l’indépendance, une partie de sa grande famille est restée en Algérie où ils avaient « leurs racines » et parce que leur vie sociale et professionnelle y était « fortement ancrée ».

« Aujourd’hui, je suis définitivement Algérienne de cœur, pays magnifique et méconnu, que je défends activement », souligne Caroline, interrogée dans l’appartement familial à Alger. 

Mme Janssen est « fière aussi d’être Française en terre d’Algérie et honorée d’être accueillie en tant que telle ».

Caroline aime raconter l’histoire de Chantal Lefèvre, une autre « Algérienne de cœur », dont la famille avait fondé en 1867 l’imprimerie Mauguin. Exilée en Espagne après l’indépendance, Mme Lefèvre est revenue à 48 ans en pleine guerre civile (1992-2002) pour la relancer. Elle est décédée dans sa terre natale en 2015 à 70 ans.

Par Abdellah Cheballah.

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