À Gaza, un bébé survit à la frappe israélienne qui a tué dix membres de sa famille
Alors que samedi, les avions israéliens faisaient pleuvoir des bombes sur Gaza, les familles palestiniennes continuaient comme elles le pouvaient de fêter la fin du Ramadan.
Dans le camp de réfugiés d’al-Shati ce matin-là, des avions israéliens ont frappé un immeuble, tuant dix membres de la même famille, dont huit enfants.
« Ils avaient revêtu leurs vêtements de l’Aïd et s’étaient rendus chez leur oncle, comme le ferait n’importe quel enfant innocent. Ils fêtaient l’Aïd. [Les forces israéliennes] ont ciblé la maison sans prévenir », témoigne Muhammed al-Hadidi, le beau-frère du propriétaire de la maison.
À l’aube, alors que ses habitants dormaient, le bâtiment de trois étages appartenant à la famille Abu Hatab a été pris pour cible par des F16 israéliens sans avertissement préalable, racontent des témoins oculaires à Middle East Eye.
Traduction : « Cet enfant a survécu à une frappe aérienne israélienne sur la maison de son oncle, qui a tué sa mère et ses trois frères. La maison des Abu Hatab a été bombardée aux premières heures du jour samedi, tuant huit enfants palestiniens et deux femmes. »
Muhammed al-Hadidi a perdu dans l’attaque sa femme et trois de ses cinq enfants (Osama, 6 ans ; Abdulrahman, 8 ans ; Suhaib, 14 ans), tandis que son bébé de 5 mois a été secouru. Son cinquième enfant est toujours porté disparu sous les décombres.
« Quand j’ai appris la nouvelle, ce fut un choc. J’ai été paralysé et horrifié et je suis tombé par terre en pleurant », se souvient Muhammed, interrogé par MEE à l’hôpital al-Shifa de Gaza. « Ma femme et mes enfants étaient chez son frère lorsque les frappes aériennes israéliennes ont complètement détruit le bâtiment. »
Les cousins des enfants de la famille Abu Hatab ont également été tués dans l’attaque, dont Yamen (5 ans), Bilal (10 ans), Yusuf (11 ans) et Mariam (15 ans), en plus d’une femme de 31 ans, Yasmeen Hassan.
« Sur le point de m’envoler de bonheur »
Des témoins oculaires ont aussi rapporté que les corps des victimes avaient été écrasés sous les décombres avant d’être transférés à l’hôpital.
Mais au moment où Hadidi confirmait l’identité de ses enfants décédés à l’hôpital, il apprenait aussi que son bébé, Omar, était toujours en vie.
Il est tombé sur ses genoux en pleurant.
« J’étais tellement triste que j’ai eu l’impression de m’étouffer quand j’ai appris que j’avais perdu ma femme et trois de mes enfants, mais en même temps, j’étais sur le point de m’envoler de bonheur en sachant que mon bébé Omar n’était pas mort. Ce fut un moment étrange. »
Omar souffre de plusieurs fractures.
« Je ne sais pas à quoi ressemblera le monde pour Omar quand il grandira et saura ce qui est arrivé à sa mère, ses frères et sœurs, ou comment je pourrai survivre après avoir perdu mes enfants et ma femme bien-aimée »
- Muhammed al-Hadidi
« Je suis allé à [l’hôpital] le voir. Je l’ai embrassé et j’ai beaucoup pleuré à côté de lui. Mais les médecins m’ont empêché de le serrer dans mes bras à cause de ses fractures », raconte Muhammed.
« Je ne sais pas à quoi ressemblera le monde pour Omar quand il grandira et saura ce qui est arrivé à sa mère, ses frères et sœurs, ou comment je pourrai survivre après avoir perdu mes enfants et ma femme bien-aimée. »
Selon un tweet d’Avichay Adraee, porte-parole de l’armée israélienne, « l’armée de défense a ciblé un certain nombre de responsables du Hamas à l’intérieur d’un appartement utilisé comme bâtiment terroriste dans le camp de réfugiés d’al-Shati ». Il a précisé que l’incident était toujours « en cours d’examen ».
« C’était une maison sûre où ne se trouvaient que deux femmes et leurs enfants. Qu’ont fait ces enfants ? Comment cette occupation criminelle [Israël] a-t-elle pu les bombarder ? Quelle est son excuse cette fois ? », s’emporte auprès de MEE Khaled al-Hadidi, d’une autre branche de la famille.
« L’occupation tente de remporter une victoire sur les corps des enfants. Ils jouent aux victimes jour et nuit et disent qu’ils ont le droit de se défendre, puis de commettre les crimes les plus laids et les plus brutaux contre nos enfants. Comment le monde peut-il garder le silence ? »
Un bâtiment, trois missiles
Deux jours avant que le bâtiment ne soit ciblé, une autre frappe avait visé un appartement résidentiel dans le même quartier, tuant une femme âgée et son fils handicapé.
« Nous ne nous sommes toujours pas remis du choc causé par le bombardement d’un appartement dans notre quartier et le meurtre de deux civils innocents. Nous avons maintenant été témoins de l’expérience la plus difficile qui soit après le bombardement du bâtiment juste devant notre maison », explique à MEE Ahmed al-Hadidi, un parent et voisin.
« Vers 2 h du matin, alors que nos enfants dormaient, j’étais encore éveillé en écoutant les nouvelles du massacre israélien dans le nord de la bande de Gaza. Soudain, l’explosion a secoué la zone. Je n’ai pas entendu le son, j’ai juste ressenti une forte pression. Les fenêtres, les meubles, tout a été détruit », détaille-t-il.
Selon des témoins, les F16 israéliens ont visé le bâtiment avec au moins trois missiles.
« J’ai pris mes enfants et je me suis précipité à l’extérieur. Quand je suis descendu dans la rue, j’ai vu le bâtiment de ma famille complètement démoli. Je suis resté sans voix et dévasté en sachant qu’il y avait des enfants avec leurs mères qui dormaient à l’intérieur. Ce fut le moment le plus difficile de toute ma vie. »
L’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme, basé à Genève, a documenté 19 cas dans lesquels les forces israéliennes ont pris pour cible des familles élargies à Gaza, tuant au moins 53 Palestiniens, dont 20 enfants et 14 femmes, entre le 10 et le 15 mai.
« J’ai réalisé que mon enfant, Ali, que je tenais dans mes bras, saignait également et criait. Je ne savais pas quoi faire. J’étais complètement sous le choc, alors les voisins se sont précipités pour aider », poursuit Ahmed al-Hadidi.
« Après toute cette violence et cette force excessive que l’occupation utilise contre nos enfants et nos femmes, je ne pense pas que nous puissions jamais la tolérer. Des scènes horribles ont été profondément gravées dans l’esprit de chacun de ces enfants. »
Traduit de l’anglais (original).
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