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Hadj 2016 : l’Arabie saoudite promet de protéger les pèlerins

Les autorités saoudiennes ont mis en place de nouvelles mesures pour maintenir la sécurité lors du pèlerinage, un an après l’incident le plus meurtrier de son histoire
Des pèlerins musulmans venus du monde entier tournant autour de la Kaaba à la Grande Mosquée (AFP)

Plus d’un million de musulmans ont pris part au pèlerinage annuel du hadj ce samedi en Arabie saoudite, pour lequel les autorités assurent avoir introduit une série de nouvelles mesures afin d’assurer la sécurité des pèlerins.

Des musulmans venus du monde entier ont fait le voyage vers l’Arabie saoudite depuis le mois d’août, pour se préparer au pèlerinage de cinq jours que tous les fidèles doivent accomplir au moins une fois dans leur vie à condition que leur santé le leur permette.

Cette année, le hadj se déroule avec en toile de fond la tragédie de l’an dernier. Plus de 2 000 pèlerins avaient péri lors d’une violente bousculade à Mina alors qu’ils participaient au pèlerinage.

Les autorités saoudiennes n’ont pas encore fourni d’explication sur les raisons de cette bousculade, qui a causé le plus grand nombre de morts de toute l’histoire du hadj.

D’après les autorités, 769 personnes avaient été tuées lors d’une collision ayant impliqué deux foules venant en sens inverse, à un carrefour de Mina, aux abords de la ville sainte de La Mecque, où les pèlerins se rassemblent pour accomplir un rituel de lapidation de Satan.

Cependant, Middle East Eye a révélé l’an dernier que le bilan s’élevait en réalité à 2 432 morts, dans un décompte réalisé à l’aide de clichés numérotés provenant des morgues publiques, et servant à l’identification des corps par leurs proches.

Un an plus tard, les autorités saoudiennes se sont mobilisées pour introduire de nouvelles mesures de sécurité visant à s’assurer que l’incident de Mina ne se répète pas.

Cette année, tous les pèlerins sont tenus de porter un bracelet électronique contenant des informations sur l’identité et la santé de chaque individu. Ce bracelet fournit également des informations sur les horaires de prière et il comprend un service d’assistance disponible dans de nombreuses langues.

Dawood Masood, un pèlerin britannique qui effectue le hadj pour la première fois cette année, a confié à MEE qu’il était muni de son bracelet électronique et qu’il était satisfait des nouvelles mesures de sécurité.

« Le bracelet électronique peut être localisé par GPS et il a permis à quelques familles perdues de pouvoir se retrouver, a-t-il témoigné par téléphone depuis La Mecque. J’ai vu aussi un nombre important de caméras de surveillance. Le personnel d’encadrement de La Mecque fait de son mieux pour protéger la population de tout type d’incident. »

Une infographie conçue par al-Arabiya sur les bracelets électroniques (al-Arabiya)

Traduction :

Des bracelets électroniques pour les pèlerins du hadj

-Le ministère saoudien du Hadj demandera bientôt à tous les pèlerins de porter un bracelet électronique contenant des informations importantes

-Ce bracelet étanche comporte un code-barres contenant toutes les données personnelles du pèlerin

-Ces informations comprennent l’adresse de résidence dans le royaume saoudien et l’intégralité du dossier médical

-Il sera également muni d’une alarme aux horaires de prière, d’un système GPS et d’une boussole qui indiquera aux pèlerins la direction dans laquelle ils doivent prier, ainsi qu’un guide des différentes étapes du hadj et de la omra.

-Il comprendra également un service d’assistance disponible dans un grand nombre de langues afin d’aider les pèlerins à se déplacer dans les rues de La Mecque

Les médias locaux ont rapporté que près de 1 000 nouvelles caméras de surveillance ont été installées à la Grande Mosquée de La Mecque. Elles sont reliées à des salles de contrôle gérées par des forces spéciales qui superviseront les déplacements des pèlerins pendant le hadj.

En plus de mesures de sécurité directes plus importantes, un certain nombre d’applications pour smartphone ont été lancées afin de fournir aux pèlerins des informations religieuses et logistiques.

« L’une des nouvelles technologies susceptibles de diminuer le risque de bousculades cette année, ce sont les nouvelles applications pour téléphones portables, a souligné Fahad Nazer, analyste politique auprès de JTG Inc, une agence de consulting située en Virginie et ex-analyste politique de l’ambassade d’Arabie saoudite à Washington.

« Ce genre d’applications serait également capable d’avertir les utilisateurs des éventuels encombrements dans le secteur de la Grande mosquée », a-t-il ajouté.

Un guide publié par al-Arabiya contient l’application Hajjnavigator, qui permet aux pèlerins de simuler leur itinéraire et ainsi obtenir une estimation de leur temps de trajet tout en pratiquant le hadj.

Une autre application, Hajjsalam, compte le nombre de tours que les pèlerins effectuent autour de la Kaaba à La Mecque : chaque pèlerin doit tourner sept fois autour de la Kaaba, une construction située au centre de la Grande mosquée et qu’Abraham aurait érigée pour en faire la maison de Dieu.

En plus de toutes les nouvelles mesures de sécurité, les dirigeants saoudiens ont fait part publiquement de leur désir de protéger les pèlerins après la ruée de l’an dernier. « Nous n’hésiterons pas à nous sacrifier pour protéger les pèlerins et déjouer les complots de ceux qui cherchent à porter atteinte à leur sécurité », a déclaré un porte-parole du ministère de l’Intérieur lors d’une conférence de presse qui s’est tenue ce vendredi.

Fahad Nazer, en tant qu’ancien haut fonctionnaire saoudien, a affirmé que « le terrorisme représentait une menace supplémentaire » que les autorités avaient prise en compte en organisant la sécurité du pèlerinage de cette année.

« La vision apocalyptique de l’État islamique (EI) suppose qu’une attaque du hadj même n’est pas à exclure, a-t-il avancé. Le groupe État islamique a bien mené des attentats-suicides juste devant la Mosquée du Prophète à la fin du Ramadan.

« Pour se prémunir face à des actes de terrorisme ou de sabotage, le gouvernement saoudien a déployé des dizaines de milliers d’agents de sécurité ainsi que des centaines de caméra de surveillance pour contrôler la Grande Mosquée et ses environs. »

Bien que Fahad Nazer ait décrit l’encadrement du hadj comme l’une des « plus importantes responsabilités » du gouvernement saoudien, une querelle politique au sujet de la bousculade de l’an dernier a vu l’Iran, le rival de l’Arabie saoudite dans la région, réclamer que la responsabilité du hadj soit retirée à Riyad.

Au moins 464 pèlerins iraniens ont été tués lors de la ruée de Mina. Depuis, les relations entre les deux pays se sont détériorées, en particulier après l’exécution du religieux chiite Nimr al-Nimr par l’Arabie saoudite en janvier dernier.

Avant le début du hadj 2016, le guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, a publié une lettre tonitruante dans laquelle il a qualifié l’Arabie saoudite de « Grand Satan » à qui l’on devrait retirer la responsabilité du hadj. Ali Khamenei a accusé les dirigeants saoudiens d’avoir assassiné les pèlerins tués lors de la bousculade, et il a enjoint aux fidèles musulmans de leur rester opposés en raison du blasphème dont ils sont accusés.

La querelle politique qui oppose ces deux rivaux a eu pour conséquence la non-participation des pèlerins iraniens au hadj de cette année.

Cette dispute a même mené à des accusations selon lesquelles l’Arabie saoudite aurait payé la société de sécurité britannique G4S pour la fabrication des bracelets électroniques distribués aux pèlerins.

G4S est connue pour travailler avec Israël. Elle a collaboré avec le gouvernement pour le maintien de l’occupation des territoires palestiniens, ce qui impliquerait que de nombreux musulmans soient scandalisés si l’Arabie saoudite venait à travailler avec G4S.

Cependant, aucune preuve n’a été fournie pour appuyer la rumeur de l’implication de G4S, et l’ambassade d’Arabie saoudite au Caire a affirmé que les allégations sur la fabrication des bracelets par la société de sécurité britannique étaient fausses.

Au-delà de la politisation du hadj et de son organisation, les souvenirs de la bousculade de l’an dernier seront difficiles à oublier pour ceux qui l’ont vécue.

Un survivant qui s’est entretenu avec le New York Times a raconté cette expérience horrible. Il a notamment entendu d’autres pèlerins crier : « Je me meurs, il me faut de l’eau ! » tout en gisant, mutilés, sur le sol tandis que des milliers de personnes avançaient en direction de Mina.

Mais malgré toutes les critiques envers les autorités saoudiennes et leur gestion de la bousculade de Mina, certaines personnes présentes pensent que les dirigeants ont fait tout leur possible étant donné les circonstances.

« Les autorités se sont beaucoup investies pour contrôler la situation sur le moment, et ainsi permettre au hadj de se poursuivre, a affirmé à MEE un citoyen saoudien sous couvert d’anonymat. Je n’ai pas beaucoup d’estime pour mon gouvernement, mais ils ont été relativement à la hauteur à ce moment-là. »

« Il faut garder en tête qu’après tout, le roi est le ''Gardien des deux saintes mosquées'' et que sa réputation – sans parler de sa légitimité – repose en grande partie sur le hadj. »

Fahad Nazer le rejoint en expliquant que le rôle du roi Salmane en tant que protecteur des mosquées saintes est si important que, ces dernières années, le gouvernement a dépensé sans compter afin d’améliorer l’expérience du hadj pour les pèlerins.

« Les organisateurs saoudiens ont dépensé des milliards de dollars pour agrandir la Grande Mosquée, et ils ont construit plusieurs ponts et tunnels afin d’abriter le nombre toujours plus important de pèlerins qui accomplissent les rites sur des sites qui se trouvent à l’extérieur de La Mecque, à l’instar de Mina, où un certain nombre de tragédies se sont produites au fil des ans », a-t-il avancé.

« Selon certains, rien que le nombre de personnes qui se déplacent d’un site à l’autre dans les deux sens et qui se retrouvent dans des espaces relativement confinés implique qu’il est difficile d’éviter totalement la survenue de bousculades accidentelles. »

Quant au pèlerin britannique Dawood Masood, il a admis que les plus d’un million de personnes qui convergent chaque année vers les lieux les plus sacrés de l’islam rendent impossible la garantie d’une sécurité totale pour tous les participants.

« Je me sens en sécurité, mais il peut parfois y avoir des accidents lorsque tant de personnes sont rassemblées au même endroit, a-t-il témoigné. On est toujours inquiet quand on voyage dans un autre pays. »

« Cependant, les inquiétudes ne sont pas aussi prononcées cette année, car elles [les autorités saoudiennes] ont suspendu les travaux d’extension pendant cette période chargée. La sécurité a été renforcée pour s’assurer que ce voyage de toute une vie soit confortable pour les pèlerins. »

Traduit de l’anglais (original) par Mathieu Vigouroux.

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