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En Irak, le retour en force des Iraniens pour le pèlerinage de l’Arbaïn

Après deux années de pandémie marquées par des restrictions, 21 millions de chiites ont pu rallier cette année Kerbala, où reposent l’imam Hussein et son frère Abbas. Parmi eux, trois millions de pèlerins iraniens
Des fidèles musulmans chiites dans le sanctuaire central de Kerbala, en Irak, le 16 septembre 2022 (AFP/Mohamed Sawaf)
Des fidèles musulmans chiites dans le sanctuaire central de Kerbala, en Irak, le 16 septembre 2022 (AFP/Mohamed Sawaf)
Par AFP à Kerbala, IRAK

« C’est comme si je venais d’arriver au paradis », lance Najmè, une institutrice iranienne, enveloppée dans un voile noir, venue dans la ville sainte de Kerbala en Irak comme trois millions de ses compatriotes pour le pèlerinage de l’Arbaïn, moment-phare du calendrier chiite.

« Je suis extrêmement heureuse », ajoute cette femme âgée de 37 ans. Avec ses parents et son mari, elle raconte être partie en voiture de Qom en Iran pour se rendre à Nadjaf, autre ville sainte chiite en Irak. Sa famille a ensuite marché 80 kilomètres jusqu’à Kerbala dans le centre de l’Irak, où cette année, on y entend presque parler le persan autant que l’arabe.

Sa mère, Latifé, ne cache pas non plus sa joie : « J’appelle régulièrement la famille en Iran, je leur envoie des photos et des vidéos pour partager avec eux l’atmosphère. »

Qu’est-ce qu’Arbaïn et comment les musulmans chiites célèbrent-ils cette fête ?
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L’Arbaïn, qui culmine aujourd’hui, est l’un des plus grands rassemblements religieux au monde. Les musulmans chiites, majoritaires en Irak et en Iran, marquent le quarantième jour de deuil pour le martyre de l’imam Hussein, petit-fils du prophète Mahomet et figure fondatrice du chiisme.

Après deux années de pandémie de coronavirus marquées par des restrictions, 21 millions de chiites ont pu rallier cette année Kerbala. Et près de trois millions de pèlerins iraniens ont afflué, notamment grâce à la suppression des visas.  

L’arrivée massive de voyageurs a fait s’envoler les prix des hôtels qui affichent tous complets. Faute de lits, certains dorment sur des trottoirs, allongés sur des couvertures.

Sur l’esplanade reliant les mausolées de Hussein et Abbas, dans les ruelles serpentant autour des deux mosquées étincelantes de céramiques bleu et or, les fidèles avancent sous une chaleur accablante.

Processions et larmes

La nuit, dans l’ambiance électrique des néons, place aux processions. Les hommes vêtus de noir dansent en sautant sur place, se frappant le torse, au rythme de chants religieux crachés par des haut-parleurs.

Des hommes pleurent à chaudes larmes, d’autres se tapent le visage, se remémorant comment l’imam a été tué en 680 par les troupes du calife omeyyade Yazid dans le désert de Kerbala. 

Un enfant en route vers la ville sainte de Kerbala (AFP/Hussein Faleh)
Un enfant en route vers la ville sainte de Kerbala (AFP/Hussein Faleh)

« L’Arbaïn pour les Iraniens des classes populaires, c’est une opportunité de voyage. C’est un évènement religieux et social », résume Alex Shams, doctorant à l’université de Chicago, spécialiste du chiisme politique en Irak et en Iran.

« L’Irak est un des rares pays où ils peuvent aller et où ils seront bien accueillis », ajoute-t-il.

Avant 2003 et le renversement de Saddam Hussein lors de l’invasion menée par les États-Unis, la majorité chiite irakienne n’était pas autorisée à commémorer ouvertement l’évènement. Les fidèles qui ne faisaient pas preuve de discrétion risquaient la prison.

Pour la République islamique en Iran, qui encourage la participation au pèlerinage, cet évènement est aussi important car c’est « une manière de conforter sa présence et de se rendre visible dans le monde chiite », explique Alex Shams. 

Parmi les 21 millions de pèlerins (17 millions l’an dernier), 5 millions de visiteurs étrangers ont été recensés, selon des chiffres communiqués par Bagdad. Outres les Iraniens, des Libanais et des Pakistanais affluent chaque année.

En Irak aussi, l’Arbaïn déborde sur le politique. Les deux pôles qui dominent la scène politique sont chiites : le Cadre de coordination, proche de Téhéran, et le Courant du religieux Moqtada al-Sadr dont les relations avec l’Iran sont en dents de scie. 

Une « grande famille »

Moqtada al-Sadr a appelé ses partisans à ne brandir aucun signe politique durant le pèlerinage. Tout comme il a interdit de s’en prendre aux pèlerins étrangers « en particulier aux Iraniens », qu’il a d’ailleurs invités à respecter les lois irakiennes. 

Des fidèles musulmans chiites dans le sanctuaire central de Karbala, en Irak, le 17 septembre 2022 (AFP/Mohammed Sawaf)
Des fidèles musulmans chiites dans le sanctuaire central de Karbala, en Irak, le 17 septembre 2022 (AFP/Mohammed Sawaf)

L’ambassade de la République islamique a elle appelé ses ressortissants à ne pas rester à Kerbala au-delà du pèlerinage.

Ali Takalo, instituteur iranien à la retraite, effectue son septième pèlerinage. 

« J’ai l’impression de retrouver ma grande famille », s’émeut le sexagénaire. Il reconnait avoir eu « quelques craintes » avant de venir à cause du contexte sécuritaire. « Mais la situation est très bonne. Ce que dit la presse, ce ne sont que des mensonges », assène-t-il.

L’Irak n’a toujours pas de nouveau Premier ministre, les barons du chiisme politique n’arrivant pas à s’entendre.

Par Tony Gamal-Gabriel.

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