EN IMAGES : Au nord-est de l’Irak, Kurdes et Iraniens défient le COVID-19 pour des combats de coqs
Le chant des coqs résonne dans le couloir menant à l’arrière-salle d’un immeuble en construction de Souleimaniye, dans la région semi-autonome kurde d’Irak. L’odeur de la basse-cour prend à la gorge dès qu’on passe la lourde porte de métal. Les combats de coqs sont prisés dans le pays, particulièrement à l’est, à la frontière avec l’Iran.
« Lui, c’est mon préféré, c’est mon champion. » Hassan, 20 ans, présent dans la foule, parie tous les soirs sur ses animaux préférés. Les coqs sont considérés comme de véritables athlètes, certains combattent depuis plusieurs années. La plupart sont importés de Turquie ou parfois d’Iran, illégalement par les montagnes. D’autres viennent directement de Chine ou du Viêtnam.
Les règles, affichées en gros sur le mur carrelé de la salle, sont simples. Une heure de combat par participant ; celui qui se couche, s’assoit ou baisse la tête pendant plus d’une minute est déclaré perdant. Chaque round dure huit minutes maximum. Un éleveur peut déclarer forfait et arrêter le combat s’il tient à son animal.
« Quand j’étais peshmerga [combattant kurde], j’ai passé la frontière iranienne. Là-bas, les coqs se battent deux heures d’affilée et on leur accroche des lames aux ergots », glisse Kamal, éleveur phare du lieu.
« Fier » est le favori du combat de ce soir, un gros coq déplumé de 9 ans. Il appartient à Kamal, peshmerga retraité de 58 ans. Une balle dans la jambe, une dans l’œil. « En 1979, quand je faisais la guerre dans les montagnes [lors de la troisième insurrection kurde irakienne], je ne pensais qu’à mes bêtes », glisse-t-il, nostalgique, en regardant son champion à travers les grillages de la cage.
Dans son élevage clandestin, Kamal avoue posséder plus d’une trentaine de coqs aptes à se battre. « Je leur donne de la nourriture spécifique pour qu’ils vivent longtemps, mais la recette restera secrète. »
Malgré le COVID-19, une cinquantaine de spectateurs sont présents dans la salle, venant de tous horizons. Si l’élevage de coqs peut être un passe-temps pour certaines personnes disposant d’un niveau de vie élevé ou venant de familles importantes, la plupart des parieurs sont issus des classes populaires. Certains sont des réfugiés iraniens, venant parier dans l’espoir de sortir les poches pleines.
Si les mises commencent bas, les paris s’élèvent au fil de la soirée. Après deux ou trois rounds, quand les spectateurs commencent à juger de la force des compétiteurs, les mises sont criées à travers la pièce.
« Une soirée, on peut avoir des paris qui montent jusqu’à 3 000 dollars si le combat est intéressant. Mais ce soir, ça ne dépassera pas les 500 dollars », confie un des spectateurs, les yeux rivés sur l’arène. « Les jeudis sont les soirées aux paris les plus élevés, ce ne sont que des stars qui combattent. »
Au bout d’une demi-heure de combat, les coqs commencent à s’épuiser, laissant apparaître un potentiel gagnant et faisant monter les mises dans le public.
La violence particulièrement sanglante des affrontements est l’une des raisons de l’interdiction du combat de coqs sur le territoire irakien. Cependant, de tels événements ont lieu quotidiennement dans l’ensemble du pays, de façon plus ou moins cachée.
L’arène est pleine tous les soirs, malgré la crise économique et sociale qui secoue l’Irak. Les protestations de début décembre à Souleimaniye pour le non-paiement des salaires n’empêchent pas la tenue des combats, où les parieurs espèrent remporter une grosse somme.
Selon Hassan, le combat de coqs et un moyen de s’extraire de conditions de vie difficiles. « Ma femme ne sait pas que je suis ici, elle pense que je bois un thé avec les amis. Ça me permet de m’évader. »
Malgré la violence des combats, les combats de coqs, qui constituent une manne financière informelle non négligeable dans le pays, continuent de réunir tous les soirs des centaines d’Irakiens.
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