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En Iran, le timide retour de la cravate

La cravate était considérée par la classe dirigeante issue de la révolution de 1979 comme un signe de décadence et reste mal vue dans la rue iranienne
« Dans notre société, porter une cravate c’est comme porter un masque avant le covid », explique un jeune homme de Téhéran (AFP)
« Dans notre société, porter une cravate, c’est comme porter un masque avant le covid », explique un jeune homme de Téhéran (AFP)
Par AFP à TÉHÉRAN, Iran

Dans un magasin à la mode du nord de Téhéran, Mohammad Javad choisit sa première cravate, longtemps bannie en Iran car symbolisant la décadence occidentale.

Ce dentiste de 27 ans a opté pour cet accessoire vestimentaire afin d’être à son avantage lors du premier rendez-vous avec ses futurs beaux-parents.

« Dans notre société, porter une cravate, c’est comme porter un masque avant le covid. Les gens vous regardent bizarrement et même négativement dans certains quartiers. C’est une question culturelle », dit-il pendant que le vendeur lui ajuste son costume.

« Je ne la porterai pas tous les jours mais je trouve que pour un homme, c’est chic. Ça prendra du temps avant que ça change, mais ça commence », ajoute-t-il.  

Sur le présentoir de ce magasin huppé du boulevard Nelson Mandela, sont exposées des cravates de couleurs variées, en coton ou laine. 

Après la chute du Chah en 1979, le clergé iranien, arrivé au pouvoir avec l’ayatollah Rouhollah Khomeini, avait banni la cravate, qui symbolisait à leurs yeux l’assujettissement à la culture occidentale (AFP)
Après la chute du shah en 1979, le clergé iranien, arrivé au pouvoir avec l’ayatollah Rouhollah Khomeini, avait banni la cravate, qui symbolisait à leurs yeux l’assujettissement à la culture occidentale (AFP)

« Nous en vendons une centaine par mois. Nous les importons surtout de Turquie mais certaines sont fabriquées en Iran », explique Mohammad Arjmand, 35 ans, directeur adjoint du magasin Zagros.

« Les clients en achètent pour des cérémonies ou pour leur travail. Dans ce quartier, deux personnes sur dix croisées dans la rue en portent une et de plus en plus des gens l’ont adoptée », affirme-t-il.

Et les manifestations déclenchées par la mort en détention le 16 septembre de la jeune Kurde Mahsa Amini, 22 ans – accusée d’avoir enfreint le code vestimentaire strict pour les femmes –, « n’ont pas eu d’effet sur nos ventes », répond le directeur des ventes de Zagros, Ali Fattahi, 38 ans.

Un signe de décadence

Après la chute du shah en 1979, le clergé iranien, arrivé au pouvoir avec l’ayatollah Rouhollah Khomeini, avait banni la cravate, qui symbolisait à leurs yeux l’assujettissement à la culture occidentale, raconte un commerçant ne souhaitant pas être identifié.

« Porter une cravate n’est assurément pas un crime, ni dans la Constitution, ni aux yeux de la Charia [loi islamique] mais il y a des restrictions vestimentaires dans certains lieux comme par exemple à la télévision » 

- Massoud Molapanah, avocat

La cravate était considérée par la nouvelle classe dirigeante comme un signe de décadence, précise-t-il.

Aujourd’hui, ministres, diplomates, hauts fonctionnaires ou dirigeants d’entreprises d’État portent sous leur costume une chemise à col boutonné, ouvert ou col mao.

Pour l’avocat Massoud Molapanah, « porter une cravate n’est assurément pas un crime, ni dans la Constitution, ni aux yeux de la charia [loi islamique] mais il y a des restrictions vestimentaires dans certains lieux comme par exemple à la télévision. » 

Disparue des vitrines pendant des décennies, elle a fait sa réapparition à l’époque du président réformateur Mohammad Khatami de 1997 à 2005. 

Pour choisir la sienne, Javad est venu accompagné de sa mère qui, vêtue d’un tchador, non seulement l’encourage à franchir le pas mais demande également au vendeur d’apprendre à son fils comment la nouer.

« À une époque, certains ont cherché à la supprimer. La raison invoquée était le rejet de tout signe d’occidentalisation. Il aurait alors fallu aussi supprimer le costume et revenir à l’habit traditionnel porté à l’époque de la dynastie Qajar [1794-1925], ce qui était bien évidemment impossible », assure en souriant cette fonctionnaire de 50 ans.

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Dans la même rue, à la tête d’un magasin de la marque française Pierre Cardin, Mehran Sharifi, 35 ans, note aussi un attrait des jeunes pour la cravate, qui « donne du prestige ». 

« Souvent, ils viennent choisir un costume et nous leur proposons d’essayer une cravate », explique ce fils et petit-fils de tailleur, montrant sur le mur la photo d’il y a un siècle de son grand-père cravaté.

Cet accessoire est quasiment obligatoire pour les Iraniens travaillant dans les ambassades mais la plupart d’entre eux l’ôtent en sortant dans la rue pour ne pas être la cible de moqueries.

« Je noue ma cravate quand j’arrive à l’ambassade car les gens se retournent si vous la portez dans la rue. Ils penseront que vous êtes un étranger ou que vous avez une réunion très formelle avec des étrangers, » confie Sadeq, 39 ans, qui travaille à l’ambassade du Japon à Téhéran.

« C’est une question de code vestimentaire. Ces règles ne sont écrites nulle part, mais lorsque vous commencez à travailler dans une ambassade, vos collègues vous disent que vous êtes censés la porter », confie-t-il.

Par Payam Doost Mohamadi.

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