« J’en ai marre de vous, avec votre foulard » : l’alarmante situation de l’islamophobie en Belgique
BRUXELLES – « J’en ai marre de vous, avec votre foulard », « Je vais t’exploser ton cerveau » : des propos haineux, des menaces et des dégradations des lieux de culte, ce sont quelques exemples de 72 dossiers signalés au Collectif contre l’islamophobie en Belgique (CCIB) pour l’année 2017.
Créé en 2014, c'est seulement cette année que les ressources du CCIB lui ont permis de publier un rapport sur l'état de l'islamophobie en Belgique.
« Constater que l’État est à l’origine d’actes de rejet ou discriminatoire est profondément choquant »
- Collectif contre l’islamophobie en Belgique
En 2017, 72 dossiers pour des faits à caractère islamophobe ont été signalés au CCIB et ont permis à UNIA (centre interfédéral contre la discrimination et pour l’égalité des chances en Belgique) de recenser 202 actes islamophobes pour la même année.
Malgré une diminution de 18 % de ces actes entre 2016 (point culminant suite aux attentats de mars 2016) et 2017, Mustapha Chairi, président du CCIB, sollicité par Middle East Eye, constate qu’« en Belgique, l'islamophobie croît de manière constante depuis 2011 jusqu’en 2016 ». Une situation « alarmante », selon lui.
Le CCIB a constaté que dans 31 % des cas, les discriminations proviennent du secteur public. « Une réalité qui n'est pas mise en avant par les institutions officielles comme UNIA », d’après le président du CCIB.
Le rapport cite à titre d’exemples : l’interdiction du foulard sur les photos des cartes d’identité ou pour l’accès à l’enseignement, à des formations à l’emploi ou dans les hôpitaux. Le rapport épingle aussi le racisme véhiculé dans certains discours politiques et les violences policières en Belgique.
« Ce constat nous interpelle beaucoup car il illustre le caractère institutionnel – donc structurel – de l’auteur de l’acte, à savoir l’autorité publique elle-même », explique le rapport en précisant : « L’État est le garant de la Constitution et de l’égalité réelle. Constater que celui-ci est à l’origine d’actes de rejet ou discriminatoire est profondément choquant. »
Autre constat « spécifique » de ce rapport : la dimension genrée de l’islamophobie. Dans près de 76 % des cas où le genre de la victime est connu, il s'agit d'une femme. « On constate que trois victimes sur quatre sont des femmes, ce qui permet de souligner la dimension genrée de l’islamophobie », démontre le rapport du CCIB.
« Le gouvernement belge ne fait pas assez »
En 2001, la Belgique s'est engagée à élaborer un plan interfédéral contre le racisme, lors de la Conférence mondiale contre le racisme organisée à Durban.
Dix-sept ans plus tard, la Belgique ne dispose toujours pas de plan interfédéral de lutte contre le racisme. Le président du CCIB insiste sur « l’urgence » de ce plan pour « mesurer l'évolution des actes de haine et mettre en place des actions concrètes ».
Pour Mustapha Chairi, cela ne fait aucun doute : « Le gouvernement belge ne fait pas assez pour lutter contre le racisme et l'islamophobie ».
« Le Premier ministre belge n'a jamais condamné publiquement l'islamophobie en Belgique »
- Mustapha Chairi, président du CCIB
« Le Premier ministre belge n'a jamais condamné publiquement l'islamophobie en Belgique et n'a jamais rappelé que les citoyens de confession musulmane ont droit au respect et à la sécurité comme chaque citoyen de notre pays » s’indigne-t-il.
Pourtant « l'islamophobie et le racisme sont une réalité dans le champ politique. Nous ne comptons plus les propos ouvertement islamophobes mais aussi xénophobes de ce gouvernement » précise le président du CCIB.
Enfin, le CCIB propose un ensemble de recommandations pour mieux comprendre et appréhender le phénomène de l’islamophobie. La création des espaces d’écoute et de parole pour les victimes figure parmi ces recommandations.
« Notre société ne prend pas assez en compte la réalité de la victime. Une personne qui subit une discrimination ou un acte de haine peut être abimée, voire détruite de l'intérieur, à vie », estime Mustapha Chairi. « Travailler au processus de reconstruction permettra de donner des outils pour les victimes afin que cela ne se reproduise plus de la même façon » conclut-il.
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