La fuite de combattants de l’EI de la Syrie vers la Turquie soulève des préoccupations sécuritaires
L’arrestation par la police turque de plusieurs ressortissants occidentaux soupçonnés de combattre pour l’État islamique est source d’inquiétudes dans la mesure où l’on craint que d’autres combattants pourraient tenter de fuir et de rentrer en Europe alors que le groupe continue de perdre du territoire en Syrie.
Les autorités turques et européennes ont déclaré qu’au cours des derniers mois, de plus en plus de combattants étrangers avaient tenté de quitter la Syrie et l’Irak.
La semaine dernière, Kary Paul Kleman, de Floride, Stefan Aristidou, originaire de North London, ainsi que son épouse britannique se sont rendus à la police aux frontières turque à Kilis après plus de deux ans de vie dans des zones contrôlées par l’État islamique, selon le journal The Guardian.
La police du sud de la Turquie a appréhendé plusieurs dizaines de combattants étrangers de l’État islamique, dont beaucoup se sont livrés aux autorités turques ou ont été surpris en train de tenter de franchir illégalement la frontière.
Des responsables ont déclaré au Guardian qu’Aristidou avait avoué avoir vécu à Raqqa et à al-Bab, bastions de l’État islamique jusqu’à la reprise d’al-Bab par les forces d’opposition syriennes soutenues par la Turquie.
Ils ont également indiqué qu’Aristidou, qui est arrivé à la frontière turque avec son épouse britannique d’origine bangladaise, avait affirmé aux gardes-frontières qu’il s’était rendu en Syrie pour y vivre plutôt que pour combattre.
Kleman, un ressortissant américain, est arrivé à la frontière turque avec son épouse syrienne et deux femmes égyptiennes dont les conjoints ont été tués en Syrie ou en Irak, ont indiqué des responsables turcs.
Sa famille a affirmé que Kleman s’était rendu en Syrie avec sa famille à l’été 2015 pour contribuer à la fourniture d’aide humanitaire en Syrie.
Après leur arrivée en Syrie, cependant, la mère du ressortissant américain a affirmé qu’il s’était rendu compte que les informations à l’origine de sa venue en Syrie « étaient une arnaque ».
Un problème permanent
Une source ayant connaissance de la situation le long de la frontière turco-syrienne, qui n’a pas souhaité être identifiée, a déclaré à Middle East Eye que des itinéraires pour entrer en Syrie et en sortir avaient toujours été utilisés pour la contrebande de cigarettes et d’autres articles et servaient également aux personnes qui essayaient de partir.
Mais les principaux itinéraires sont maintenant étroitement contrôlés par l’armée turque tandis que d’autres sont régulièrement fermés. « Un jour, il y en a un et le lendemain, il ferme. Mais il y a toujours des moyens de contourner. Partout où il y a une armée mal payée, il y a toujours un moyen. »
Raffaello Pantucci, expert en lutte contre le terrorisme au Royal United Services Institute (RUSI), a déclaré à MEE que les désertions de « combattants étrangers se poursuiv[aient] depuis longtemps ».
Il a également souligné l’augmentation de la charge de travail que représentera l’afflux d’individus sur le retour pour les services de sécurité européens, affirmant que cet afflux nécessiterait « beaucoup de travail et de coordination ».
De nombreux combattants étrangers qui ont quitté plus tôt la Syrie et qui sont rentrés en Europe ont été incarcérés ou placés dans des programmes gouvernementaux visant à déterminer s’ils constituent une menace pour la sécurité nationale du pays en question.
En Grande-Bretagne, la police et le Crown Prosecution Service décident de poursuivre les individus rentrant au pays au cas par cas.
Aristidou pourrait faire d’objet d’accusations s’il est extradé vers le Royaume-Uni. Tout ressortissant du Royaume-Uni arrêté pour avoir combattu dans les rangs de l’État islamique s’expose à des accusations prévues par la loi britannique sur le terrorisme, qui le rend passible d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité.
Les défis futurs
Les gouvernements européens devraient faire face à un certain nombre de défis avec le retour des combattants étrangers qui ont combattu pour l’État islamique.
D’après Shiraz Maher, du Centre international pour l’étude de la radicalisation au King’s College de Londres, les tribunaux européens « devront s’occuper des individus qui ont commis des crimes de guerre car la loi n’est pas claire ».
« Les gouvernements seront confrontés à la perspective de l’arrivée d’agents très bien formés, expérimentés dans la fabrication de bombes et capables de réaliser des attaques mortelles, ainsi que de combattants souffrant d’affections causées par les combats, telles que le trouble de stress post-traumatique (TSPT), en raison de la nature des crimes perpétrés par l’État islamique. »
« Les gouvernements devront s’attaquer à la question morale et juridique des enfants nés dans le territoire de l’État islamique et décider s’ils doivent se voir accorder l’asile », a-t-il ajouté.
Des initiés au sein de l’État islamique ont déclaré au Guardian que les rangs du groupe se vidaient suite à des mois de batailles acharnées qui ont entraîné des pertes de territoire.
Près d’un cinquième des militants de l’État islamique étaient des résidents ou des ressortissants d’Europe occidentale, dont environ 1 200 ont voyagé depuis la France.
Les autorités américaines estiment qu’environ 30 000 combattants étrangers sont entrés en Syrie pour combattre dans les rangs de l’État islamique, où beaucoup ont été tués par des frappes aériennes de la coalition dirigée par les États-Unis.
Les cinq principaux pays d’origine des combattants étrangers de l’État islamique sont la Tunisie, l’Arabie saoudite, la Russie, la Turquie et la Jordanie.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].