La nouvelle vie de Bana Alabed, le visage d’Alep
On ne lui souhaitait que ça. Sortir de l’enfer d’Alep-Est où depuis le 24 septembre 2016, elle (ou plutôt sa mère) avait lancé le tweet qui allait la rendre célèbre : « J’ai besoin de paix ».
Avec ses grands yeux noirs, ses longs cheveux de princesse et quelques dents de lait en moins, Bana Alabed, 7 ans, évacuée d’Alep en décembre dernier, vit aujourd’hui en Turquie. Mais sur son compte Tweeter, elle continue à raconter son quotidien à ses plus de 3 600 abonnés. Elle s’est aussi confiée au quotidien britannique The Financial Times (édition de samedi).
« À Alep, je ne pouvais pas me sentir comme un enfant », raconte-t-elle au quotidien. « Je ne pouvais pas dormir, je ne pouvais pas trouver d’endroit sécurisé. Les bombes nous tombaient sur la tête le matin, l’après-midi et la nuit. Je ne pouvais pas trouver de quoi manger – des biscuits ou de la nourriture normale, comme les enfants normaux. Nous étions tout le temps inquiets – quand est-ce qu’une bombe allait nous tomber sur la tête ? Je voulais aller à l’école mais mon école a été bombardée ».
Sollicitée par de nombreux médias, la fillette, à qui l’auteure star des Harry Potter, J. K. Rowling, avait fait parvenir les livres de l’enfant-sorcier, et qui avait adressé une lettre à Donald Trump, à Vladimir Poutine et à Bachar al-Assad pour les appeler à intervenir en Syrie, continue à envoyer des messages, avec le temps devenus un peu plus politiques : « Je veux aider les enfants d’Alep », ou « Je veux être la voix des enfants de Syrie ».
À tel point que sur les réseaux sociaux, elle et sa mère sont accusées – principalement par des pro-Assad – d’être des instruments de propagande. Bana et sa famille ont été trouvées par les Turcs dans un camp de fortune dans la province de Idleb, au nord-ouest de la Syrie. Ils ont pu être évacués par hélicoptère jusqu’à Ankara. Bana et ses deux jeunes frères ont fini devant les caméras, sur les genoux du président Recep Tayyip Erdoğan.
Au Financial Times, Bana parle aussi de ses amies, laissées en Syrie. « J’avais une amie qui s’appelait Yasmin. Et une autre qui s’appelait Fatma. Elles avaient le même âge et nous jouions tout le temps ensemble. Mon amie Yasmin est morte. Fatma est toujours en vie mais je ne peux pas la contacter. »
Alors que la guerre en Syrie entre dans sa septième année, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), a déclaré lundi 13 mars que les violences à l’encontre des enfants ont été « à leur pire » niveau en 2016.
« Le degré de souffrance est sans précédent. Des millions d’enfants en Syrie sont attaqués chaque jour, leur vie est complètement bouleversée », a insisté Geert Cappelaere, le directeur de l’UNICEF pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
Au moins 652 enfants ont été tués (+ 20 % par rapport à 2015) et plus du tiers l'ont été « dans ou à proximité d'une école » et plus de 850 enfants ont été recrutés pour combattre dans le conflit, soit plus du double du nombre enregistré en 2015. Certains d'entre eux tiennent des rôles « extrêmes » de « bourreaux, kamikazes ou gardiens de prisons ».
Après six ans de conflit, « près de six millions d’enfants dépendent maintenant de l'assistance humanitaire » et « plus de deux millions sont actuellement réfugiés en Turquie, au Liban, en Jordanie, en Egypte et en Irak », rappelle l’UNICEF.
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