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Le fossé se creuse au sujet du projet de caméras de sécurité dans le complexe de la mosquée al-Aqsa

Des responsables jordaniens ont affirmé que ce sont eux, et non Israël, qui sont à l’origine d’un projet visant à installer des caméras de sécurité dans le complexe de la mosquée al-Aqsa, à Jérusalem
Des fidèles juifs se rendent dans le complexe de la mosquée al-Aqsa, à Jérusalem, sous la protection de la police israélienne (AFP)

Un haut responsable du Mouvement islamique palestinien, qui a organisé des manifestations contre les incursions d’extrémistes national-religieux juifs dans la mosquée al-Aqsa, a condamné une initiative visant à installer des caméras de sécurité autour du complexe situé dans la vieille ville de Jérusalem.

Kamal Khatib, chef adjoint du mouvement, a jugé que les caméras, dont les images seraient partagées par la Jordanie et Israël, étaient un moyen d’imposer la souveraineté israélienne sur le complexe. Il a soutenu que les caméras entraîneraient davantage d’arrestations et alimenteraient l’intifada qui sévit déjà.

« Nous rejetons complètement cela, et pas uniquement en raison des implications en matière de sécurité, a indiqué Khatib à Middle East Eye. Les musulmans ne font rien de mal en priant à la mosquée. Nous ne préparons pas des opérations militaires à al-Aqsa. »

« Israël a désormais obtenu ce qu’il souhaitait. Il peut observer tout ce qui bouge et arrêter n’importe qui. Il se sert des caméras pour imposer sa propre souveraineté. »

L’opinion du mouvement est relayée par des dirigeants palestiniens laïcs. Basel Ghattas, membre palestinien de la Liste commune à la Knesset, qui s’est déguisé pour contourner la police israélienne afin d’entrer dans le complexe, a indiqué que les caméras seraient utilisées par Israël pour identifier les activistes et les arrêter ou leur interdire l’entrée sur le site.

« Lorsque la police israélienne détermine qui peut entrer à al-Aqsa et qui ne le peut pas, il est clair que c’est elle qui commande réellement, et non le Waqf », a-t-il expliqué, se référant à une fondation islamique dirigée par la Jordanie et autorisée par Israël à gérer les sites islamiques de la vieille ville de Jérusalem, dont la mosquée al-Aqsa.

Alors que des responsables jordaniens se préparaient à rencontrer des responsables israéliens pour finaliser les arrangements relatifs aux caméras, le site a été visité par Yehuda Glick, le rabbin d’origine américaine qui a survécu à une tentative d’assassinat en 2014 et dont l’interdiction d’accéder au site formulée à son encontre par la police a récemment été levée.

Glick, activiste national-religieux dont l’organisation des « Fidèles du mont du Temple » encourage les juifs à entrer sur le site, a déclaré que sa visite était pour lui un « retour à la maison » après une longue absence.

Les juifs attribuent au Haram al-Charif (« Noble sanctuaire ») le nom de « mont du Temple » et soutiennent que les ruines de deux temples antiques se trouvent en dessous d’al-Aqsa. Le Mur des Lamentations, vénéré par les juifs religieux, est considéré comme un mur de soutènement du second temple, détruit il y a près de 2 000 ans. Le consensus rabbinique post-1967 stipule toujours qu’il est interdit à tout juif d’entrer sur le site jusqu’à ce que le Troisième Temple soit construit.

Les incursions de juifs national-religieux ont déclenché le soulèvement palestinien actuel, qui a coûté la vie à 178 Palestiniens, 28 Israéliens, un Américain, un Soudanais et un Érythréen depuis octobre dernier.

Le secrétaire d’État américain John Kerry a déclaré que les caméras persuaderaient les Palestiniens qu’Israël ne viole pas l’accord de statu quo qui régit le site depuis qu’Israël a commencé à occuper Jérusalem-Est, en 1967.

L’initiative des caméras a depuis été revendiquée par la Jordanie, qui affirme être à l’origine de l’idée. Le ministre du Waqf Hail Daoud a souligné que cette installation « était une exigence jordanienne et non israélienne, et [que] cette démarche avait pour but de protéger la mosquée al-Aqsa et de rendre compte des violations israéliennes. »

Lors d’une récente visite effectuée par des députés britanniques et organisée par l’organisation palestinienne EuroPal Forum, des membres importants de la Chambre des représentants jordanienne et de la famille royale hachémite ont expliqué la position du royaume au sujet d’al-Aqsa et les événements récents que cela a déclenchés.

Un conseiller principal a indiqué aux députés que la réaction des musulmans du monde entier « [échapperait] au contrôle de la Jordanie » si Israël faisait avancer ses projets de construction d’un troisième temple sur le site. Il a soutenu que les actes d’Israël étaient de la « pure folie ».

« C’est une tactique du salami. Ils procèdent à une annexion lente et insidieuse sous la forme d’un partage de temps ou d’une limitation des fidèles musulmans, puis en empiétant sur le site. S’ils continuent de jouer à ce jeu, la réaction des musulmans échappera à notre contrôle. »

Il a affirmé qu’Israël dynamisait le groupe État islamique et stimulait le radicalisme dans le monde islamique : « Depuis 1967, Jérusalem est un cri de ralliement et stimule le radicalisme dans le monde musulman. Si l’on demande à n’importe quel musulman quelle est la question centrale, ce dernier répondra al-Aqsa, qui est d’ailleurs l’un des trois lieux saints islamiques, et non le troisième lieu saint de l’islam. »

« Cela a transformé une guerre nationale, qui est déjà assez malheureuse, en une guerre religieuse dont les effets se sont fait ressentir non seulement pour la Jordanie, mais aussi pour tous les musulmans vivant sous la loi islamique. Telle est l’importance de cette question. Alors n’y touchez pas. »

Atef Tarawneh, président de la Chambre des représentants, a déclaré que la Jordanie endossait « un lourd fardeau » depuis la signature du traité de paix avec Israël : « Nous endossons un lourd fardeau pour le monde arabe et islamique dans la mesure où certains nous ont décrits à l’époque comme étant tout simplement des traîtres. »

« Vingt ans plus tard, nous nous trouvons dans une situation embarrassante à la fois devant le peuple de Jordanie et devant le peuple de Palestine. Des gens sont tués, des femmes âgées sont brûlées dans leur maison, et même les corps des personnes tuées ne sont pas restitués à leurs familles : comment peut-on justifier cela ? »

Le député Yehia al-Saoud, président du Comité palestinien, a affirmé que le trône hachémite reposait sur deux sources de légitimité, à savoir celle du peuple de Jordanie et celle du peuple de Palestine, ce qui constituait la problématique la plus importante en Jordanie.

Selon Saoud, le meurtre d’un juge jordanien en 2014, abattu alors qu’il traversait le pont Allenby pour entrer en Cisjordanie, était un crime commis « de sang-froid ».

« Nous avons connaissance des détails exacts du meurtre », a affirmé Saoud, qui a ajouté qu’Israël devait être jugé par la Cour pénale internationale pour avoir perpétré des crimes de guerre.

« Les Israéliens veulent la sécurité. Ils veulent le territoire. Ils n’auront jamais cela tant que les Palestiniens n’auront pas d’État. »

La Commission royale pour les affaires de Jérusalem a déclaré que les « visites » de groupes juifs, de soldats en uniforme militaire mais aussi de ministres et de députés israéliens autour d’al-Aqsa avaient toutes pour but « d’imposer l’idée qu’ils ont un véritable droit sur ce site et de créer une nouvelle situation de facto. Il convient de rappeler que tout cela se déroule sous l’escorte des forces de sécurité israéliennes. »

La commission a insisté sur le fait que la Jordanie était responsable de la garde de l’ensemble des 144 000 mètres carrés de territoire définis par les murs de la mosquée al-Aqsa, qui comprennent les portes de la mosquée et de nombreux autres bâtiments, des dômes, des minarets et des écoles. D’après la commission, le Dôme du Rocher doit uniquement être présenté comme une partie du complexe.

« Cela irait à l’encontre des efforts israéliens visant à judaïser le site de manière lente et invisible tandis que notre attention est captée par la préservation de certaines parties de ce site », a indiqué le comité.

Kamal Khatib a soutenu que les Palestiniens n’avaient pas besoin de davantage de preuves d’incursions, qui étaient déjà nombreuses.

« Hier, les Israéliens ont autorisé Glick, l’homme qui a causé l’intifada que nous connaissons aujourd’hui, à retourner dans le complexe. Ils ont fait cela en prévision de nouveaux assauts. Il est triste de constater la rapidité avec laquelle des Israéliens oublient que cette intifada se poursuit, que la réaction palestinienne grandit de jour en jour et que le calme ne régnera pas dans cette zone dans les temps à venir. »

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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