L'Egypte demande à la France de fermer une chaîne satellitaire pro-Frères musulmans
Le Premier ministre égyptien a demandé à la France de fermer une chaîne d’information de l'opposition au cours d'une visite d'Etat de deux jours à Paris cette semaine.
Ibrahim Mahlab a rencontré mardi le chef de l'autorité française de régulation de l’audiovisuel et a demandé que la France ferme une chaîne satellite connue pour son soutien aux Frères musulmans, selon al-Youm al-Sabie, un site d’information égyptien.
La chaîne el-Sharq est détenue par Basim al-Khafagy, un homme politique membre des Frères musulmans, considérés depuis fin 2013 comme une organisation terroriste désormais interdite en Egypte.
La chaîne égyptienne est retransmise par la compagnie satellitaire française Eutelsat, dont le siège est à Paris.
Mardi, lors de sa visite dans la capitale, Ibrahim Mahlab a remercié les autorités françaises d'avoir fermé une autre chaîne liée aux Frères musulmans, Rabaa, également retransmise par Eutelsat.
« Nous remercions le CSA [Conseil supérieur de l'audiovisuel] d’avoir accepté notre demande de fermer la chaîne privée Rabaa, qui diffuse des programmes anti-gouvernementaux », a déclaré Mahlab aux représentants du gouvernement français.
Rabaa a été estimée « biaisée » par un tribunal égyptien en septembre 2014, qui l'a jugée coupable d'« incitation contre la sécurité nationale ». Depuis lors, les autorités égyptiennes ont cherché à ce qu'Eutelsat cesse de la diffuser, une opération qui relève de la compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Mardi, Ibrahim Mahlab a insisté à ce que le CSA prenne des mesures à l'encontre d'el-Sharq, qu’il considère comme « non différente » de Rabaa au vu de son « orientation et de ses messages provocateurs ».
Bien que la compagnie française ait arrêté de la diffuser le mois dernier, Rabaa continue d'émettre sur Internet sous un nom différent.
Les relations diplomatiques entre la France et l'Egypte sont au beau fixe : en février, la France a signé un accord selon lequel elle exportera pour 6 milliards de dollars de matériel militaire à ce pays d'Afrique du Nord.
Une troisième chaîne satellitaire pro-Frères musulmans a déclaré mercredi que le fils de l'un de ses présentateurs avait été condamné à trois ans de prison accompagnés de travaux forcés.
Hamza al-Zawba est une figure de proue des Frères musulmans et présente un programme sur la chaîne Mekelemeen. Basée en Turquie, celle-ci a récemment diffusé une série d’enregistrements audio de conversations privées indiquant que le Président égyptien Abdel Fattah al-Sissi aurait détourné des fonds du Golfe destinés à soutenir l'économie chancelante de son pays.
Deux des fils de Zawba ont été arrêtés au cours d'une marche de soutien aux Frères musulmans au Caire le mois dernier et ont été par la suite accusés de manifester sans permis et de bloquer des routes.
Hudhayfa Zawba, le plus âgé des deux, a été condamné à trois ans de prison. Son jeune frère, Mohammed, considéré comme mineur selon la loi égyptienne, sera jugé par le tribunal pour enfants le 17 mai prochain.
La demande d’Ibrahim Mahlab de stopper la diffusion d’el-Sharq intervient alors que certains journaux égyptiens habituellement pro-gouvernementaux ont commencé à se montrer plus virulents dans leurs critiques à l'encontre des dirigeants du pays.
Al-Bursa, une revue spécialisée dans l'économie, a récemment publié un article ayant pour titre « Pourquoi le gouvernement avance-t-il à la vitesse d'une tortue ? », qui remet en cause la lenteur de la réforme fiscale malgré les promesses d'importants projets de développement.
Al-Dostor, qui soutient généralement le gouvernement et assume une franche opposition aux Frères musulmans, a récemment publié une série d'articles alléguant que la police serait responsable de nombreuses violations des droits de l'homme.
Hussein Abdel Halim, qui a supervisé la publication d'un article pour al-Dostor faisant état du harcèlement sexuel routinier dont serait coupable la police aux points de contrôle, a été arrêté pour des accusations remontant à 2003 suite à la publication de cette série d’articles.
En outre, la mort d'une manifestante non armée tuée par la police en amont des célébrations de la révolution de 2011 en janvier dernier a suscité de rares condamnations de la part du journal d’Etat al-Ahram, le rédacteur en chef accusant directement le président Sissi d’être responsable de l’incident.
Traduction de l’anglais (original).
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