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Les Émirats arabes unis accusés d’avoir participé au renversement du gouvernement yéménite à Aden

Le commandant des forces présidentielles d’Aden affirme que des chasseurs et des blindés émiratis ont aidé la milice séparatiste du sud à mettre ses hommes en déroute
Un combattant séparatiste du sud du Yémen brandit son fusil sur les lieux d’une manifestation antigouvernementale à Aden (Reuters)

ADEN, Yémen – Les Émirats arabes unis (EAU) sont accusés d’avoir activement soutenu les séparatistes du sud du Yémen en leur fournissant couverture aérienne et armes lourdes alors qu’ils reprenaient Aden aux forces loyales au gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenu par les Saoudiens.

Ces accusations, si elles étaient vraies, remettraient en question les motivations au sein de la coalition dirigée par les Saoudiens, qui soutient Hadi et dont font partie les Émirats arabes unis, et sa capacité – ou sa volonté – de le soutenir pour rester le dirigeant légitime de son pays.

Une troisième journée de combats s’est terminée mardi avec la prise de contrôle par la « Ceinture de sécurité » – l’aile armée par les Émirats arabes unis du Conseil de transition du sud sécessionniste – de toutes les institutions publiques à Aden, et la capitulation de la quatrième brigade de la garde présidentielle, dernière force favorable à Hadi dans la ville.

Le dernier carré du gouvernement Hadi, dont le siège du Premier ministre, Ahmed Obaid ben Dagher, s’est retrouvé encerclé et assiégé dans le palais présidentiel de la ville.

« Les forces émiraties ont participé au renversement de la quatrième brigade »

- Mahran Qubati, commandant de la quatrième brigade

Les accusations contre les Émirats arabes unis ont été portées par le commandant de la quatrième brigade, Mahran Qubati, rescapé d’un assaut contre sa base, mercredi.

Il a déclaré à la chaîne de télévision Belqees : « Les blindés et les forces émiraties ont pris part au renversement de la quatrième brigade. Les officiels saoudiens ont promis de rendre le camp à ses dirigeants dans les prochaines heures ».

Ces propos s’ajoutent à ses déclarations de mardi : selon lui, les forces de la Ceinture de sécurité ont utilisé des véhicules blindés émiratis pour prendre d’assaut les institutions publiques d’Aden, « tandis que des avions de guerre émiratis survolaient nos camps militaires ».

Des séparatistes du sud du Yémen entourent un char dans la ville portuaire d’Aden (Reuters)

Une source anonyme du gouvernement Hadi à Aden révèle à Middle East Eye que les forces de la Ceinture de sécurité se trouvaient sous la supervision directe des Émirats arabes unis lors de leur assaut sur la base de la quatrième brigade.

Cette source indique que la Ceinture de sécurité a encerclé le palais présidentiel, alors sous la protection des forces saoudiennes.

« Les séparatistes ont brûlé la maison de Qubati mais il n’était pas chez lui. Il est actuellement en sécurité à Aden. La bataille n’est pas encore terminée et le Premier ministre, ainsi que d’autres ministres, se trouvent dans le palais à Aden, sous protection des forces saoudiennes ».

Il promet que les forces loyales à Hadi reprendront ce qu’elles ont perdu.

« Des renforts militaires arriveront de la côte et d’autres régions pour soutenir le gouvernement et ils récupéreront les institutions publiques et camps militaires actuellement détenus par les séparatistes ».

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Or, la férocité des combats et la rapidité apparente de leur issue ont une fois de plus mis en lumière les loyautés sans cesse changeantes des parties prenantes à la guerre au Yémen.

La Ceinture de sécurité et la garde présidentielle sont toutes deux hostiles au mouvement houthi, qui s’est emparé de la capitale Sanaa, après avoir expulsé les loyalistes à Hadi et assiégé un grand nombre de ses hauts fonctionnaires en 2015.

Depuis, Hadi, en exil, dirige son gouvernement depuis l’Arabie saoudite.

Cependant, l’alliance contre les Houthis n’a jamais été stable : les séparatistes qui militent pour l’indépendance du sud du Yémen n’ont jamais été que des alliés de circonstance pour un gouvernement engagé envers un État unifié.

Le Conseil de transition du sud fut créé en mai, après le limogeage par Hadi de son chef actuel, Aidarous al-Zaoubaidi de son poste de gouverneur d’Aden.

Hadi, ici avec Mohammed ben Salmane, prince héritier d’Arabie Saoudite, vient de perdre la seule base de son pouvoir au Yémen (AFP)

Il semble que les séparatistes ont maintenant le vent en poupe. Mardi soir, leurs partisans ont célébré leur victoire en tirant des feux d’artifice, persuadés que le gouvernement de Hadi était fini et que l’indépendance était proche.

Osaïd al-Yafei, commandant des opérations de terrain de la Ceinture de sécurité à Aden, affirme à MEE : « Nous contrôlons toute la ville d’Aden – y compris ses institutions publiques et ses zones portuaires. Dans les prochaines heures, nous allons libérer le palais présidentiel et chasser les quelques soldats qui y restent ».

Selon Yafei, le Conseil de transition du sud n’est pas contre Hadi mais contre le gouvernement, corrompu, et qui, loin d’avoir aidé les populations du sud, a plutôt aggravé leurs souffrances.

« La corruption du gouvernement nous a forcés à descendre dans la rue », se défend-il.

« La Ceinture de sécurité peut prendre d’assaut le palais en quelques heures, mais ses troupes évitent de combattre les forces saoudiennes »

- Nashwan al-Dhobiani journaliste

« Nous avons mis fin au régime de ben Dagher et nous allons commencer à instaurer notre propre gouvernement ».

« Les forces du sud ont sauvé les institutions publiques, y compris la Banque centrale, mais nous ne l’avons pas prise d’assaut, car nous ne sommes pas des voleurs. Nous sommes les gardiens des institutions publiques ».

Nashwan al-Dhobiani, journaliste à Aden, témoigne à MEE : « Les renforts militaires du Conseil de transition du sud sont arrivés à Aden. Les forces présidentielles, elles, n’ont pas de renforts – c’est le conseil qui contrôle la ville ».

Selon lui, la Ceinture de sécurité détient le contrôle de la porte principale du palais présidentiel d’Aden, mais les soldats ont choisi de rester à l’extérieur en raison de la présence de forces saoudiennes à l’intérieur.

« La Ceinture de sécurité a les moyens de s’emparer du palais en quelques heures, mais les combattants évitent de s’attaquer aux forces saoudiennes », précise-t-il. « Les forces du sud attendent une solution politique à l'impasse ».

Traduit de l’anglais (original) par Dominique Macabies.

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