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Les États-Unis enquêtent sur les accusations de crimes de guerre à l’encontre des milices kurdes en Syrie

Le Département d’État déclare prendre ces allégations de crimes de guerre « très au sérieux » bien que les États-Unis soutiennent les milices kurdes contre les militants de Daech en Syrie
Un membre des Unités de protection du peuple kurde (YPG) aux commandes d’une mitrailleuse sur pivot dans le quartier d’al-Nachwa, province d’Hassaké, au nord-est de la Syrie, le 26 juillet 2015 (AFP)

Les États-Unis sont actuellement en train d’étudier les « allégations et accusations » selon lesquelles des miliciens kurdes auraient commis des crimes de guerre au nord de la Syrie, a annoncé le porte-parole Mark Toner aux journalistes mardi.

La milice kurde syrienne en question est le groupe Unités de protection du peuple (YPG), qui est la branche militaire du Parti de l’union démocratique (PYD) ; cette milice est engagée dans les combats soutenus par les États-Unis contre les militants de l’État islamique (Daech) en Syrie.

Cette annonce a fait suite à la publication d’un rapport d’Amnesty International qui accuse le PYD d’avoir contraint des milliers de civils arabes et turcs à migrer et d’avoir rasé des villages entiers, des actes qui entrent dans la catégorie de crimes de guerre.

Mark Toner répondait à un journaliste qui lui avait demandé si les États-Unis étaient « en contradiction […] avec les lois internationales et avec certaines valeurs éthiques en fournissant des armes à des groupes qui commettent des crimes de guerre. »

Le porte-parole du Département d’État a déclaré que les États-Unis étaient actuellement « en train de se pencher sur certaines de ces allégations et accusations ».

« Nous les prenons bien sûr au sérieux et nous voulons pouvoir nous assurer qu’elles sont vraies, ou savoir si elles sont crédibles. »

Les États-Unis « les ont soutenues par des frappes aériennes et des ravitaillements »

« Nous avons exprimé clairement notre opinion auprès de tous les protagonistes, en leur expliquant que de tels comportements étaient franchement inacceptables. Et nous examinerons avec soin l’ensemble de ces accusations afin de déterminer s’il y a une once de vérité dans ces propos », a affirmé Mark Toner.

Le porte-parole du Département d’État a déclaré que les États-Unis considéraient les YPG comme étant « une force de combat très efficace contre Daech, et en tant que telles, nous les avons soutenues par des frappes aériennes et des ravitaillements ». Il a toutefois nié le fait que Washington fournisse des munitions à cette milice kurde.

Lorsqu’il a été interrogé sur la nature des armes envoyées aux YPG, Mark Toner a répondu : « Bon, je ne vais pas aborder les détails ici, mais bien entendu, nous avons préalablement approuvé l’implication de tous les leaders et de tous les groupes auxquels nous fournissons des armes ou des munitions. »

Bien que les YPG soient étroitement liées aux militants turcs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) — qui est classé comme organisation terroriste par les États-Unis et l’UE, entre autre pays — Washington ne perçoit pas la milice kurde syrienne comme un groupe terroriste.

Cependant, Ankara considère que les deux groupes sont une menace pour sa sécurité nationale et mercredi, la Turquie a convoqué les émissaires russes et américains pour tenter de les dissuader d’armer et de soutenir la milice kurde syrienne.

Un « nettoyage ethnique »

Les allégations selon lesquelles les miliciens kurdes procéderaient à un « nettoyage ethnique » des communautés arabes et turques des secteurs du nord de la Syrie ont déjà fait l’objet de rapports, mais celui d’Amnesty International alourdit les accusations qui pèsent sur les YPG : elles se serviraient du combat contre Daech comme d’un prétexte pour éloigner de force les populations non-kurdes de la région.

« Nous avons constaté des déplacements à grande échelle, et une destruction qui n’est pas le fruit des combats », a déclaré Lama Fakih, conseillère en gestion de crise auprès d’Amnesty International.

« Ce rapport met au jour des preuves concrètes d’une campagne délibérée et coordonnée de châtiments collectifs de civils dans des villages qui avaient été auparavant pris en otage par Daech, ou bien dans lesquels une petite minorité était soupçonnée de soutenir le groupe », a ajouté Lama Fakih.

Dans l’un des exemples cités par Amnesty, des images prises par satellite montrent l’étendue des démolitions dans le village de Husseiniya, dans la banlieue rurale de Tel Hamees, où il ne reste plus que 14 bâtiments encore debout en juin 2015 par rapport aux 225 recensés en juin 2014 – une « diminution choquante » de 93,8 %, selon l’organisation de défense des droits de l’homme.

« Juin 2014 / Juin 2015 » (Pleiades/Airbus)

Des « incidents isolés »

Autre exemple, à Racca, dont la plus grande partie est sous le contrôle de Daech, où l’on rapporte que des miliciens kurdes auraient menacé de tirer sur des civils habitant sur place s’ils ne quittaient pas les lieux, en les accusant d’être du côté de Daech car ils ne quittaient pas leur maison.

« Ils nous ont dit qu’on devait partir, que sinon ils diraient à la coalition américaine que nous sommes des terroristes, de sorte que ses avions nous attaqueraient nous et nos familles », a déclaré un habitant à Amnesty.

Un jour, « des combattants des YPG ont aspergé une maison d’essence, menaçant d’y mettre le feu alors que les habitants étaient encore à l’intérieur », a rapporté le groupe de défense des droits de l’homme.

Selon Amnesty, beaucoup des zones où ces déplacements forcés se sont produits ne se trouvaient pas à proximité de la ligne de front contre Daech.

Les YPG ont admis avoir contraint des civils à quitter leur village, mais ont ajouté que c’était par nécessité militaire ou pour assurer la sécurité des civils. Leurs représentants ont décrit ces témoignages comme des « incidents isolés ».

Traduction de l’anglais (original) par Mathieu Vigouroux.

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