Libye : dans l’enfer de l’été, entre vague de chaleur et coupures d’électricité
TRIPOLI – En Libye, les coupures de courant sont devenues une constante. Mais alors qu’en juillet, les températures on atteint 46°C, la majeure partie de la zone occidentale a été plongée dans l'obscurité pendant des périodes pouvant atteindre quatorze heures dans certaines villes, provoquant des manifestations.
Traduction : « Douze heure et toujours… pas d’électricité. Et pour tout arranger, pas d’eau ! J’ai l’impression de vivre à la préhistoire. Que Dieu ait pitié de nous, Libyens de Libye »
Depuis la mi-juillet, l’ouest de la Libye n’a plus que de courant que par intermittence, certaines régions subissant plusieurs coupures par jour, certaines durant jusqu’à neuf heures.
À mesure que les températures s’envolaient, le manque de climatisation, de réfrigérateurs et d’autres appareils – y compris les équipements médicaux essentiels – laissait les habitants dans l’urgence d’une solution.
« Nos maisons sont trop chaudes en cette période de l'année », témoigne à Middle East Eye une habitante de Tripoli, Maha Abdullah. « Nous n’avons d’autre choix que d’emmener les enfants à la plage. Au moins, ils peuvent se rafraîchir dans l’eau et la température au bord de la mer est légèrement inférieure. »
Les manifestants sont descendus dans les rues de la capitale en juillet, rejetant la responsabilité de ces conditions « insupportables » sur le Gouvernement d’union nationale (GNA) et sur la Compagnie générale d’électricité de Libye (GECOL).
Les manifestations se sont poursuivies et se sont étendues à d’autres villes, dont Sabratha, Zentan, Syrte et Aziziyah.
Les responsables municipaux dans les zones de Tripoli ont appelé les dirigeants de la GECOL à démissionner s’ils n’étaient pas en mesure de résoudre la crise, promettant d’étendre les manifestations si les services de base restaient accessibles par intermittence.
Faire face à la chaleur
La Libye s’est retrouvée embourbée dans un état de guerre continu depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. Ces dernières années, elle a souvent été touchée par des coupures d’électricité alors que les troubles se sont poursuivis dans tout le pays.
Avec les températures atteignant des niveaux inhabituels, de nombreux Libyens ont dû passer de longues périodes au bord de la mer pour échapper à la chaleur de leurs maisons lors des pannes de courant.
Avec plus de 1 200 kilomètres de côtes, la Libye possède parmi les plages les plus sauvages d’Afrique.
Les habitants de la ville côtière de Zouara ont entrepris d'ériger des tentes le long de la côte pour tenter de se mettre à l’abri du soleil brûlant. Là, la brise de mer occasionnelle et l'ombre des tentes offrent aux habitants un bref répit face à la chaleur.
Fariha, une habitante de Zouara, s’interroge : « Qu’est-ce que cette vie ? Nous n'avons même pas les services de base. Certaines maisons perdent l'eau courante lorsque l’électricité est coupée. Imaginez que vous ayez un nourrisson bébé ou une personne âgée à charge et qu'ils se retrouvent sans service de première nécessité comme l'eau ou des appareils médicaux, comme des pompes à oxygène ».
Alors que la chaleur est la plus insoutenable en début d’après-midi, les habitants préfèrent les coupures de courant dans la journée dans l'espoir de pouvoir dormir confortablement avec la climatisation ou les ventilateurs pendant la nuit.
Ce phénomène récurrent a fait de nombreuses victimes ces dernières années, comme les nouveau-nés, en particulier les prématurés. Les incubateurs sont essentiels pour le bien-être de ces nourrissons, mais de nombreux hôpitaux étant dépourvus de leurs propres générateurs privés, la réalité pour beaucoup lors de longues coupures de courant est la mort.
Au-delà des nourrissons et des enfants nécessitant des soins médicaux constants, les personnes âgées sont également parmi les plus touchées.
« La chaleur a affaibli ma mère et elle a eu de la fièvre pendant des jours. Elle a 90 ans. Ce n'est pas juste », confie une habitante à MEE en posant une compresse humide sur le front de sa mère.
« Jeté dans l'obscurité »
La vague de coupures est survenue pendant les examens de fin d’année des collèges et des lycées. Le brevet, qui est le diplôme le plus élevé obtenu à l’école, est extrêmement important pour que les étudiants puissent poursuivre leurs études à l’université ou dans d’autres établissements d’enseignement supérieur.
Mais les longues et fréquentes coupures de courant ont gêné les élèves dans la préparation de leurs examens.
Noor Assem, une élève du secondaire, explique à MEE : « Vous essayez d’étudier mais vous êtes tout d’un coup plongé dans l’obscurité. Puis vous prenez votre téléphone ou une torche rechargeable pour essayer de continuer, mais au bout d’un moment, la batterie s’épuise et vous laisse dans le noir. »
« Il fait trop chaud, alors nous ouvrons les fenêtres pour laisser entrer un peu d'air, mais tout ce qui entre, ce sont des moustiques. Il est impossible de travailler », affirme-t-elle. « C'est comme s'ils voulaient que nous rations nos examens. »
Les chefs d'entreprise ont également souffert des coupures, notamment les commerçants et ceux du secteur alimentaire.
Les coupures régulières et imprévues ont également contribué à l'inflation des prix des denrées alimentaires dans tout le pays. Les réfrigérateurs, les congélateurs et les autres glacières étant constamment privés d’électricité, les déchets alimentaires ont augmenté, forçant les commerçants à augmenter leurs prix de vente pour compenser les pertes.
Par ailleurs, pendant les coupures de courant, les signaux des téléphones portables et d’Internet disparaissent, empêchant toute communication. Les appareils électroniques ont aussi été endommagés par les reprises électriques aléatoires et fréquentes.
Menace sur le réseau électrique
Alors que les coupures se poursuivent, la GECOL a prévenu qu’un effondrement du réseau électrique était imminent, ont rapporté les médias locaux.
La compagnie a expliqué lors d’une conférence de presse le mois dernier que la seule solution aux coupures était que tous les secteurs s’engagent à réduire la charge. En d’autres termes, que toutes les régions subissent des coupures plus courtes, à des moments différents, pour s’assurer que la consommation ne dépasser pas les capacités.
Mais certaines centrales électriques ont refusé de s’engager à délester les charges, refusant de couper le courant aux habitants de leur région. La GECOL a ajouté que certaines parties utilisaient la force pour rester en dehors du champ des coupures de courant.
« Vous entendez parler d'endroits où il n'y a jamais de coupures d'électricité, comme Zaouïa et Janzour », relève Ahmed, un habitant du quartier d'Injeela à Tripoli, à MEE.
« Et c'est logique. Zaouïa a le port pétrolier et Janzour est la base de l'une des principales milices de la capitale », ajoute-t-il en faisant référence aux zones de l'ouest de la Libye.
La GECOL rejette la responsabilité sur les usines – y compris la centrale de Zaouïa – en refusant de s’engager dans le programme de délestage afin d’empêcher tout effondrement potentiel du réseau électrique.
« Nous nous sommes engagés à ce que 7 000 mégawatts soient disponibles pendant l'été 2018. Mais les attaques et les fermetures, ainsi que d'autres problèmes, nous en ont empêchés », a déclaré un responsable de la GECOL lors de la conférence de presse.
Dans le cadre de leur plan de délestage, la société exhorte les citoyens à réduire leur consommation d'électricité, appelant les gens à débrancher leurs chaudières pendant les mois d'été et à éteindre la climatisation en leur absence.
Cependant, pour beaucoup de Libyens, économiser de l’électricité est difficile quand on passe la majeure partie de la journée sans courant.
« Dès que l’électricité revient, toute la climatisation reprend », raconte Maha, à Tripoli. « Dans notre appartement, nous avons trois climatiseurs et nous les réglons sur le niveau maxiumum dans l’espoir que l’appartement reste frais le plus longtemps possible avant la prochaine coupure. »
Traduit de l'anglais (original).
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