L’un des plus grands procès de l’histoire turque s’ouvre sous haute protection
ISTANBUL, Turquie – Les cris de « traître » et « meurtrier » ont résonné et des nœuds coulants ont été lancés sur leur chemin alors que 41 anciens officiers supérieurs avançaient en file indienne et menottés vers un palais de justice construit pour l’occasion, ce mardi, pour le lancement de l’un des plus grands procès de l’histoire turque.
Ces 41 personnes représentent les plus hauts gradés parmi les 486 anciens militaires poursuivis pour leur rôle présumé dans la tentative de coup d’État raté en juillet dernier, qui a fait 249 morts parmi les civils et plus de 2 000 blessés.
La plupart des 486 accusés de la prison de Sincan, à Ankara, étaient stationnés sur la base aérienne d’Akınci, située dans ce district, et qui était aussi le centre des opérations pendant la tentative de coup d’État. Les autres personnes poursuivies sont d’anciens officiers des bases militaires d’Adana et d’Incirlik d’où les avions de ravitaillement ont décollé pendant le putsch.
À LIRE : Tentative de putsch en Turquie : un an après
Encadrés par des gendarmes ainsi que par des unités en armes des forces armées turques, les 41 suspects ont été conduits en file indienne vers le tribunal d’une capacité de 1 500 personnes, construit l’année dernière spécifiquement pour ce procès.
À l’avant, Kemal Batmaz, un homme d’affaires connu comme l’imam civil d’Akınci, suivi par Akın Öztürk, un ancien général quatre étoiles. Parmi les accusés de ce mardi figuraient les pilotes qui ont bombardé la capitale Ankara en juillet dernier.
Adil Öksüz, un conférencier en théologie considéré comme le principal guleniste de la base d’Akınci, est toujours en fuite. Il avait été initialement placé en détention juste après la tentative de coup d’État, mais avait été relâché.
Les autorités tiennent Fethullah Gülen et ses partisans infiltrés dans diverses institutions étatiques pour responsables de la tentative de coup d’État.
Gülen, un prédicateur islamique turc basé aux États-Unis, nie les accusations.
Plus de 50 000 personnes ont été arrêtées jusqu’à présent pour leur implication avec Gülen, dont plus de 7 000 militaires.
À LIRE : La nuit de feu de la Turquie et sa lutte pour la démocratie
Ce procès, souvent désigné comme le procès d’Akınci, devrait durer au moins un an. L’acte d’accusation préparé par le bureau du procureur général d’Ankara compte 4 058 pages.
Des clôtures métalliques ont été érigées pour empêcher les centaines de manifestants en colère de s’en prendre physiquement aux accusés. Les manifestants comprenaient des proches des personnes tuées ou blessées lors de la tentative de coup d’État.
La police a dû empêcher les manifestants de tenter d’escalader les clôtures.
« Vous ne pouvez pas exister tant que notre race existe. Vous n’aurez aucun refuge. Vous vous noierez dans votre propre saleté »
– un membre de l’audience au tribunal
En plus des nœuds coulants lancés aux accusés au milieu des cris de « traîtres », la foule a également agité des combinaisons orange pour protester contre la tenue civile que les accusés pouvaient porter.
L’idée de combinaisons orange dans le style de celles de Guantanamo a été évoquée pour la première fois par le président turc Recep Tayyip Erdoğan le 15 juillet après qu’un accusé dans une affaire connexe est apparu lors d’une audience arborant un tee-shirt avec le mot « Héros » imprimé sur le devant.
Les tensions se sont propagées au sein du tribunal lui-même lorsque des proches des victimes ont échangé des piques avec les avocats des accusés.
Un homme, apparemment un parent d’un civil ayant été tué, a crié : « Vous ne pouvez pas exister tant que notre race existe. Vous n’aurez aucun refuge. Vous vous noierez dans votre propre saleté ».
Les avocats des accusés ont tapé sur leurs bureaux en signe de protestation face à ces remarques.
Selfet Giray, le juge en chef saisi de l’affaire, a prévenu qu’il devrait expulser certaines personnes de la salle si le calme n’était pas maintenu.
« Nous présidons ici au nom de la nation turque et sur la base des lois de la république de Turquie », a-t-il déclaré.
« Nous comprenons votre douleur et votre rage, mais ceux qui ne peuvent pas le supporter doivent partir. »
« Tout le monde doit se conformer aux règles du tribunal pour que nous puissions mener un procès sain. »
Sur les 486 personnes poursuivies, 461 sont actuellement incarcérées dans la prison proche de Sincan, 18 comparaissent libres et sept sont des fugitifs.
À LIRE : Un an après le coup d'État raté en Turquie, encore des zones d'ombre
Plus de 1 000 forces de gendarmerie ont été assignées à la sécurité au palais de justice et les environs mardi.
Les systèmes de défense aérienne, des tireurs d’élite, des chiens renifleurs, des drones, des véhicules blindés et des canons à eau ont également été déployés.
Des observateurs de la présidence, du Parti de la justice et du développement et du Parti républicain du peuple de l’opposition ont assisté à l’audience.
Les familles des victimes ont demandé la peine de mort pour les prisonniers. Erdoğan a soutenu leur demande, affirmant à maintes reprises qu’il allait signer une loi rétablissant la peine de mort si on la lui présentait.
La Turquie a aboli la peine de mort en 2004.
Les audiences des accusés devraient se poursuivre jusqu’au 29 août.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].