Moyen-Orient, UE, OTAN… Donald Trump attaque, l’Europe réplique
Donald Trump, qui deviendra président des États-Unis cette semaine, a expliqué dimanche dans un entretien au quotidien britannique The Times et allemand Bild, ce qu’il pensait de la situation au Moyen-Orient et de l’avenir de l’Europe. De John Kerry à Angela Merkel en passant par Federica Mogherini, ce lundi, les réactions aux propos corrosifs de Donald Trump sont nombreuses.
Sur Israël et la Palestine
Une résolution adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies en décembre a condamné les colonies en Cisjordanie comme « une flagrante violation de la loi internationale et un obstacle majeur à la concrétisation d’une solution à deux États et à une paix totale, juste et durable. »
Trump a condamné le choix de l’administration Obama qui s’est abstenue de voter la résolution, au lieu d’y mettre son véto. « Je pense que [cette résolution] était terrible. Elle aurait dû faire l’objet d’un véto », a-t-il déclaré. « Je pense qu’elle était terrible ».
« Si ce que j’entends est vrai, le Royaume-Uni pourrait avoir une autre chance d’y mettre son véto. Comme vous le savez, il y a une réunion prévue ce week-end », a-t-il précisé au sujet de la conférence de Paris.
« Le problème, c’est que cela rend encore plus compliqué de négocier un accord parce qu’on donne tellement aux Palestiniens. »
Trump a également annoncé au Bild qu’il allait désigner Jared Kushner, son gendre, comme envoyé spécial au Moyen-Orient pour négocier un accord de paix. « Jared est un bon petit et il parviendra comme personne à un accord avec Israël. Vous savez, il est naturel, il est une excellente affaire pour faire la paix… Tout le monde l’aime. »
Sur l’Irak
« Ils ont annoncé il y a quatre mois de cela qu’ils allaient attaquer Mossoul. J’ai dit : pourquoi l’ont-ils annoncé ? »
Selon Trump, les États-Unis n’auraient pas dû faire une priorité de l’annonce de l’avance sur Mossoul. Le président pense qu’il aurait mieux valu attendre jusqu’à ce que la situation devienne plus claire.
« La situation à Mossoul tourne au désastre parce qu’il y a cinq mois, nous avons annoncé que nous serions à Mossoul dans cinq mois. En quatre mois, nous avons dit : « Nous sommes prêts. Mais le temps que nous y soyons, on a trop parlé – et il s’avère très difficile de reprendre la ville. »
Trump a aussi exprimé ses regrets sur l’invasion américaine de l’Irak en 2003.
« L’Irak n’aurait pas dû être attaqué d’abord, d’accord ? C’était une des pires décisions, probablement la pire jamais faite dans l’histoire des Etats-Unis. »
Sur le Brexit
« Je pense que le Brexit va finir par être une grande chose. Je crois vraiment que s'ils [les pays de l’Union européenne] n'avaient pas été obligés de prendre tous les réfugiés, avec tous les problèmes qui vont avec, il n'y aurait pas eu de Brexit ».
Il estime que « d'autres pays vont quitter l'Union européenne (UE) en suivant l'exemple de Londres, en raison de la crise migratoire. Je pense que maintenir [l'UE] unie ne va pas être aussi facile que beaucoup de gens le pensent. L'UE a été construite, partiellement, pour battre les États-Unis commercialement, OK ? Donc, je ne me soucie pas vraiment si elle va se séparer ou rester unie, pour moi, ça n'a pas d'importance. »
Lors d’une conférence de presse, la chancelière allemande Angela Merkel lui a répondu : « Je pense que nous, les Européens, avons notre destin dans nos propres mains. Je vais continuer de m'engager pour que les 27 États membres travaillent ensemble vers l'avenir face aux défis du XXIe siècle. »
Trump a par ailleurs annoncé qu’il allait bientôt signer un accord commercial avec les Royaume-Uni. « Je suis un grand fan du Royaume-Uni, nous allons travailler très dur pour le faire rapidement et dans les règles. Bon pour les deux parties ».
Sur ce point, Federica Mogherini, chef de la diplomatie de l’UE, a averti le Royaume-Uni qu’il n’était pas question qu’il négocie un accord commercial avec les États-Unis avant que sa sortie de l’Europe ne soit effective.
Dès lors que le Royaume-Uni est encore membre de l'UE, « il n'y pas de négociations de manière bilatérale sur un quelconque accord commercial avec un tiers. C'est dans les traités », a-t-elle rappelé lors d'une conférence de presse à Bruxelles.
La chef de la diplomatie européenne s’est également inquiétée des « réactions » de l’opinion publique dans le monde arabe que pourrait susciter le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem.
« Je crois qu'il est très important pour nous tous de nous abstenir d'actions unilatérales, en particulier celles qui ont des conséquences graves sur de larges secteurs de l'opinion publique dans une bonne partie du monde », a-t-elle déclaré en dénonçant cette « initiative qui n’est pas en accord avec le consensus international ».
Lors d'un entretien à CNN International lundi à Londres, le secrétaire d'État américain sortant, John Kerry, a dénoncé les « propos déplacés » du président élu Donald Trump sur l'Union européenne et la « courageuse » chancelière allemande Angela Merkel.
« Je pense très franchement qu'il était déplacé pour le président élu des États-Unis de s'immiscer dans les affaires d'autres pays de manière aussi directe. »
Sur l’Iran
Trump a régulièrement condamné l’accord nucléaire iranien conclu que l’administration Obama a conclu en 2015.
À la question de savoir s'il allait ‘’déchirer’’ l’accord comme il l‘avait dit l’an dernier, Trump est resté vague sur ses projets.
« Bien, je ne veux pas dire ce que j’entends faire avec l’accord iranien. Je ne veux simplement pas jouer ces cartes. Qui joue en montrant à tout le monde ce qu’il a en mains avant de jouer ? Je ne suis pas satisfait de l’accord iranien, je pense que c’est un des pires accords jamais conclu, je pense que c’est un des accords les plus stupides que j’ai vus, un des plus stupides. »
Sur la Syrie et la crise des réfugiés
Interrogé sur la politique de la chancelière allemande Angela Merkel d’ouvrir les frontières du pays aux réfugiés syriens en septembre 2015, une politique que Trump avait déjà qualifiée d’‘’absurde’’, le président a réitéré : « Je pense que ce n’est pas bien. Je pense que c’était une grave erreur de la part de l’Allemagne. Car de tous les pays, c’est l’Allemagne qui fut un des plus durs au monde face à ceux qui voulaient entrer. »
« Je pense que nous aurions dû construire des zones de sécurité en Syrie. Cela aurait coûté moins cher. »
À la question de savoir si la Russie était intervenue en Syrie pour le meilleur ou pour le pire, il a répondu : « Nah, je pense que c’est un truc très dur. C’est une très mauvaise chose. Nous avions l’opportunité de faire quelque chose, de fixer une ligne rouge mais rien n’est arrivé. C’était la seule fois et maintenant il est bien trop tard. »
« Maintenant, tout est fini… Un jour ou l’autre, cela va finir par se terminer… Mais Alep, c’était vraiment obscène. Je veux dire, quand vous les voyez tirer sur de vieilles dames marcher dans la ville. Elles ne peuvent même pas marcher et ils leur tirent dessus, comme s’ils étaient à un entraînement de sport. C’est terrible. »
Sur l’OTAN
« J'ai dit il y a longtemps que l'OTAN avait des problèmes. En premier lieu qu'elle était obsolète parce qu'elle a été conçue il y a des années et des années » et « en deuxième lieu, les pays [membres] ne payent pas ce qu'ils devraient. C'est obsolète parce qu'elle ne s'est pas occupée du terrorisme. »
En sortant d'un rendez-vous avec le chef de l'OTAN Jens Stoltenberg, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier n'a pas caché l'« inquiétude » de l'Alliance atlantique.
Parler d'une OTAN « obsolète », a-t-il toutefois relevé, est « en contradiction avec ce que le [futur] ministre de la Défense américain a dit lors de son audition à Washington il y a seulement quelques jours ».
James Mattis, ancien général des Marines choisi par Donald Trump pour diriger le Pentagone, a mis en garde contre la volonté du président russe Vladimir Poutine de « casser » l’OTAN.
Le président français François Hollande s'est également montré très clair : « Je vous l'affirme ici, l'Europe sera toujours prête à poursuivre la coopération transatlantique, mais elle se déterminera en fonction de ses intérêts et de ses valeurs. Elle n'a pas besoin de conseils extérieurs pour lui dire ce qu'elle a à faire », a-t-il déclaré en décorant l'ambassadrice américaine à Paris, Jane Hartley.
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