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« Nous sommes heureux de leurs actions » : les Yéménites fiers de l’offensive des Houthis en mer Rouge en soutien à Gaza

Les Houthis ont revendiqué lundi une attaque contre un cargo américain dans le Golfe d’Aden en riposte aux frappes britanniques et américaines de vendredi
Des partisans yéménites des Houthis scandent des slogans anti-israéliens et anti-américains lors d’une marche de solidarité avec le peuple palestinien à Sanaa, la capitale contrôlée par les Houthis, le 11 janvier 2024 (Mohammed Huwais/AFP)
Des partisans yéménites des Houthis scandent des slogans anti-israéliens et anti-américains lors d’une marche de solidarité avec le peuple palestinien à Sanaa, la capitale contrôlée par les Houthis, le 11 janvier 2024 (Mohammed Huwais/AFP)

Vendredi 12 janvier, à 2 h 30 du matin, Abdulghani, 40 ans, dormait quand il a entendu une explosion qui a secoué son immeuble et semé la terreur parmi ses résidents.

« Je ne savais pas ce qui se passait, et j’ai entendu un vieil homme d’un autre étage dire ‘’l’Amérique nous attaque’’ », rapporte-t-il à Middle East Eye. « C’était une terrible nouvelle, je me suis précipité chez les voisins et ils étaient en train de se réfugier dans la cave. »

Son domicile se trouve malheureusement à proximité de l’aéroport de Sanaa, la capitale du Yémen, qui est contrôlé par les Houthis et a été la cible de frappes aériennes nocturnes de la part des États-Unis et du Royaume-Uni.

Des garde-côtes yéménites affiliés aux Houthis patrouillent en mer Rouge, le 4 janvier 2024 (AFP)
Des garde-côtes yéménites affiliés aux Houthis patrouillent en mer Rouge, le 4 janvier 2024 (AFP)

Abdulghani a emmené ses enfants rejoindre d’autres familles au sous-sol, tandis que les femmes sont restées à l’étage, loin des fenêtres, craignant de nouvelles frappes aériennes.

« En mars 2015, lorsque la coalition dirigée par l’Arabie saoudite a lancé des attaques sur le Yémen, c’était pareil, mais cette fois-ci nous avons de l’expérience. Ces attaques nous sont familières, nous sommes donc plus forts », ajoute-t-il.

Abdulghani s’est connecté sur Facebook et a lu des informations faisant état d’attaques américaines et britanniques dans différentes provinces, dont Hodeida, Ta’izz, Dhamar et Saada. Il pensait qu’une nouvelle guerre commençait au Yémen.

« Des cibles hostiles »

Les frappes britanniques et américaines ont visé des sites houthis très tôt vendredi, en réponse aux attaques répétées des Houthis en mer Rouge, qui visaient des navires liés à Israël.

Lundi, les Houthis ont revendiqué une attaque contre un cargo américain dans le golfe d’Aden, disant riposter à ces frappes. « Tous les navires et navires de guerre américains et britanniques participant à l’agression contre [le] pays [sont considérés] comme des cibles hostiles », a précisé le groupe.

Les Houthis ont promis de continuer à perturber le trafic en mer Rouge jusqu’à ce qu’Israël cesse ses attaques contre les habitants de Gaza et permette l’acheminement d’aide humanitaire et de fournitures de base dans l’enclave assiégée.

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D’après le mouvement houthi, les 73 attaques nocturnes ont tué cinq personnes et en ont blessé six. Les Houthis ont averti qu’il y aurait un « lourd tribut » à payer.

« Ansar Allah [les Houthis] a fait ce que les Yéménites voulaient, et nous sommes heureux de leur action en faveur de nos frères assiégés à Gaza, mais il semble que les États-Unis ne mettront pas fin aux crimes commis en Palestine et qu’[au contraire] ils en commettront d’autres au Yémen », commente Abdulghani.

Vendredi, les habitants de Sanaa sont descendus dans la rue pour protester contre les attaques américaines et britanniques et ont envoyé un message au monde entier pour exprimer leur soutien à la position des Houthis sur le conflit à Gaza.

Selon Abdulghani, les Houthis ne visaient pas des navires au hasard, mais seulement ceux qui avaient des liens avec Israël. Dès lors, « ces attaques des États-Unis et du Royaume-Uni signifient qu’ils soutiennent Israël dans sa volonté de tuer le peuple palestinien », estime-t-il.

Depuis 2015, le Yémen est déchiré par une guerre civile et une campagne de bombardements menée par l’Arabie saoudite, avec différentes factions opposées qui contrôlent divers territoires à travers le pays.

Mais les attaques menées par les États-Unis et le Royaume-Uni ont suscité la colère de tout le Yémen. Même les opposants aux Houthis les ont condamnées.

Shawqi, un habitant d’Aden qui a passé des années à critiquer les Houthis, s’est dit fier de leur réaction face au siège de Gaza et a appelé tous les Yéménites à les soutenir.

« Il est vrai que nous nous opposons aux Houthis dans la crise au Yémen, mais en ce qui concerne leur position à l’égard de la Palestine, nous les soutenons », affirme-t-il à MEE.

« C’est bizarre de voir que les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres pays se préoccupent de la mer Rouge et ne se soucient pas de nos frères assiégés à Gaza qui sont tués tous les jours par Israël. »

Selon Shawqi, les États-Unis et le Royaume-Uni pourraient déclencher une escalade, mais il a confiance en la capacité des Houthis à soutenir de leur mieux les Palestiniens et à repousser toute incursion.

À l’inverse de ce témoignage, le gouvernement internationalement reconnu du Yémen a condamné publiquement les attaques des Houthis en mer Rouge et les a accusés de précipiter le pays dans le chaos en provoquant les frappes de représailles du Royaume-Uni et des États-Unis.

« Il est vrai que nous nous opposons aux Houthis dans la crise au Yémen, mais en ce qui concerne leur position à l’égard de la Palestine, nous les soutenons »

- Shawqi, un habitant d’Aden

« La récente opération militaire est le résultat des attaques continues des Houthis en mer Rouge et des menaces qui pèsent sur la navigation internationale », peut-on lire dans un communiqué publié par le gouvernement vendredi après-midi.

« Nous tenons la milice houthie responsable d’avoir transformé le pays en champ de bataille… sous un prétexte douteux sans rapport avec le soutien à nos frères de Palestine. »

Shawqi pense que cette déclaration ne reflète pas l’attitude de nombreux Yéménites.

« Nous avons étudié la question palestinienne à l’école et nous y sommes attachés depuis l’enfance. Il n’est donc pas logique de s’opposer à un groupe qui soutient notre principale préoccupation », précise-t-il.

Quoi qu’il en soit, nombreux sont ceux qui craignent que les récentes attaques annoncent l’ouverture d’un nouveau front dans le conflit qui déchire le Yémen.

Ala’a, un habitant de Hodeida, explique à MEE que la bataille n’est plus pour la terre, mais pour la mer.

« Les États-Unis et le Royaume-Uni veulent contrôler le corridor maritime de la mer Rouge », assure-t-il. « Il faut donc que les Yéménites, y compris le gouvernement internationalement reconnu, s’y opposent. »

Traduit de l’anglais (original) par Imène Guiza et actualisé.

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