Opération Sophia en Méditerranée : un bilan en demi-teinte
TUNIS – Cent dix-sept trafiquants d’êtres humains arrêtés, 50 000 migrants sauvés en mer et 138 officiers des garde-côte libyens formés, et 60 en cours de formation. À première vue, les résultats de l'opération européenne Sophia ne sont pas exceptionnels.
La mission Sophia avait été lancée à l'été 2015 par l'Union européenne après une série de naufrages dramatiques pour s'attaquer aux passeurs de migrants en Méditerranée. Son mandat avait ensuite été élargi pour qu'elle puisse former, en mer et sur terre, des garde-côtes libyens qui peuvent opérer au plus près des côtes.
« Il est maintenant plus difficile pour les trafiquants de travailler », insiste Enrico Credendino, commandant de l'opération Sophia. Et de citer la baisse des arrivées de bateaux clandestins en Europe : moins 20 % depuis le début de l'année, moins 75 % depuis cet été.
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L'officier table également sur l'arrivée des garde-côtes libyens formés en Europe pour améliorer le travail sur le terrain. « J'ai parlé à chacun d'entre eux, ce sont des bons. Nous allons maintenant mettre en place une procédure pour surveiller leur travail », avance Enrico Credendino sans pouvoir préciser les modalités de ce contrôle.
Une question délicate tant la Marine libyenne a été accusée de mauvais traitements envers les migrants mais également envers les bateaux des ONG chargés de venir en aide à ces derniers. Les responsables ont évoqué la possibilité de faire appel à la Tunisie pour faciliter ces formations.
Sur le terrain, la situation reste contrastée. Les trafiquants se sont rapidement adaptés aux contrôles plus fréquents en mer. Régulièrement, les embarcations de migrants sont protégées par des hommes en armes navigant sur des vedettes très rapides.
Les réseaux ont, par exemple, de plus en plus recours aux Zodiacs de fabrication chinoise, faciles à faire venir illégalement depuis l'Égypte. « C'est un vrai problème », concède Enrico Credendino.
Preuve que l'opération n'a pas encore son rythme de croisière, le Conseil européen l'a prolongé jusqu'au 31 décembre 2018
Ambassadeur de l'Union européenne en Tunisie, Patrice Bergamini, insiste sur le symbole : « Une mission militaire européenne de 25 pays en Méditerranée, cela n'aurait jamais été possible il y a quelques années ». Sur la relative faiblesse des résultats obtenus, le diplomate retourne l'argument : « Quelle aurait été la situation sans l'opération Sophia ? »
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La Tunisie n'aurait peut-être pas vu le nombre de migrants partir de ses plages augmenter ? 555 candidats à l'Europe ont été arrêtés en Tunisie en septembre, contre seulement 170 en août.
Une corrélation que refuse de faire Patrice Bergamini : « Les chiffres sont très faibles par rapport aux centaines de milliers de migrants qui sont en Libye, et même par rapport à ce qu'a connu la Tunisie au début des années 2000 ou juste après la révolution. Le vrai défi en Tunisie est de réussir la transition économique et sociale, ces chiffres ne sont qu'un symptôme. »
Cependant, l'ambassadeur européen assure que cette question d'une éventuelle recrudescence migratoire en Tunisie, sera abordée avec le ministre de l'Intérieur tunisien la semaine prochaine.
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