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Rached Ghannouchi : « Nous sommes des démocrates musulmans, non des islamistes »

Le parti tunisien Ennahdha se prépare à opérer une séparation entre religion et politique alors que son dirigeant affirme qu’il n’y a plus de place pour « l’islam politique » dans la Constitution démocratique du pays
Rached Ghannouchi a déclaré que son parti allait « sortir de l’islam politique et entrer dans l’islam démocratique » (AFP)

Le parti tunisien Ennahdha s’apprête à séparer ses activités religieuses et politiques, a affirmé son dirigeant dans une déclaration officielle publiée jeudi à la veille d’un congrès prévu ce week-end pour officialiser ce changement.

Rached Ghannouchi a expliqué au quotidien français Le Monde qu’il n’y avait plus de place pour « l’islam politique » dans la Tunisie d’après le Printemps arabe.

« La Tunisie est maintenant une démocratie. La Constitution de 2014 a posé des limites à l’extrémisme laïc tout comme à l’extrémisme religieux », a-t-il déclaré.

« Nous voulons que l’activité religieuse soit complètement indépendante de l’activité politique.

« C’est une bonne chose pour les politiciens car ils ne seront plus accusés de manipuler la religion à des fins politiques, et ce sera également bénéfique pour la religion car elle ne sera plus prise en otage par les politiques », a affirmé Rached Ghannouchi.

Ses commentaires interviennent à la veille d’un congrès de trois jours du parti Ennahdha, qui fait partie d’un gouvernement de coalition.

Les dirigeants du parti annoncent que ce congrès permettra d’officialiser la séparation entre les activités politiques et islamiques.

Rached Ghannouchi, qui devrait être réélu à la tête du parti à moins d’une surprise de dernière minute, a ajouté : « Nous avançons vers l’idée d’un parti qui se spécialise dans les activités politiques.

« Nous sortons de l’islam politique et nous entrons dans l’islam démocratique. Nous sommes des démocrates musulmans qui n’ont plus la prétention de représenter l’islam politique », a-t-il ajouté.

Il a décrit Ennahdha comme étant un « parti politique, démocratique et civil », tout en affirmant que ses références restaient ancrées dans les formes ancienne et moderne de l’islam.

Rached Ghannouchi et d’autres intellectuels inspirés par les Frères musulmans d’Égypte ont fondé en 1981 le Mouvement de la tendance islamique, qui est devenu Ennahdha en 1989.

Ce parti a été victime de persécutions lors des longs mandats du président Zine el-Abidine Ben Ali et de son prédécesseur Habib Bourguiba.

Rached Ghannouchi a été condamné à l’emprisonnement sous Habib Bourguiba puis s’est exilé pendant vingt ans, avant de revenir dans son pays natal à la suite des soulèvements de 2011 qui ont permis de renverser le président Ben Ali.

Il a reçu un accueil triomphal de ses partisans puis a remporté les élections qui ont fait suite à la révolution en octobre 2011 ; cependant, deux ans plus tard, Rached Ghannouchi a été contraint de se retirer dans le contexte d’une importante crise politique.

En 2014, le parti laïque Nidaa Tounes du président Béji Caïd Essebsi a remporté les élections parlementaires en battant Ennahdha, qui est arrivé en seconde position.

Néanmoins, en janvier dernier, Ennahdha est devenu le parti le plus important lorsque certains membres de Nidaa Tounes ont quitté leur formation politique pour constituer un nouveau bloc parlementaire.

Traduit de l’anglais (original) par Mathieu Vigouroux.

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