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Ramadan : face à la montée de l’exclusion, les associations musulmanes de France se mobilisent

Au sein de la communauté musulmane, la plus importante d’Europe, les associations sont nombreuses à venir en aide aux plus démunis notamment à travers, chaque soir, des distributions de repas
Trois fois par semaine, c’est jusqu’à 200 personnes qui viennent rompre le jeûne dans les locaux de l'association L'Olivier des sages (MEE/Rafika Bendermel)

LYON, France – La journée est à son crépuscule à la Guillotière. Dans ce quartier à forte population maghrébine situé au centre de Lyon, des hommes attablés aux terrasses des cafés patientent un peu avant la rupture du jeûne. Face à eux sur la table, des sachets contiennent le repas qui sera dégusté avec hâte. Non loin, un groupe d’hommes fait la queue devant le siège de L’Olivier des sages, une association qui vient en aide aux immigrés âgés isolés.

Depuis sa création il y a neuf ans, l’association cuisine et distribue tous les ans des repas pour le Ramadan, un iftar pour les démunis. « Chaque année on a de plus en plus de monde et le public change. On a gardé le public âgé des foyers, mais maintenant, c’est ouvert à tous ceux qui sont seuls. L’année dernière on a eu beaucoup de Syriens, beaucoup de demandeurs d’asile, beaucoup de sans-papiers. Et là, c’est un public qu’on ne connaissait absolument pas », raconte Zohra Ferhat, directrice de l’association.

Trois fois par semaine, c’est jusqu’à 200 personnes qui viennent rompre le jeûne dans les locaux de l’association. Un public varié, de jeunes et de moins jeunes, dont les origines géographiques sont multiples. Il y a même des familles avec enfants et nourrissons qui se mettent autour des tables installées avec soin par la vingtaine de bénévoles présents.

Certains publics ayant des requêtes particulières (halal ou barrière de la langue par exemple) ne trouvent pas toujours des associations de solidarité qui répondent à ces spécificités (MEE/Rafika Bendermel)

Peu avant le premier repas, la tension monte : « Ce soir, on ne sait pas encore à quoi s’attendre. Il va y avoir du monde et de plus en plus de jeunes isolés sans papier. Ici on essaie de favoriser le vivre-ensemble, partager un repas et le mélange intergénérationnel aussi. Le président de la mosquée d’à côté oriente les musulmans dans le besoin, mais ici on est ouvert à tout public », ajoute Zohra Ferhat.

Une pauvreté qui a très fortement augmenté en France et qui se conjugue avec l’afflux de demandeurs d’asile. Mais si la détresse augmente, les solidarités aussi : « Cette année, on a eu de la chance, on a reçu des dons au-delà de nos espérances. On a eu de très nombreux commerçants du coin et aussi des personnalités qui ont participé à ces dons car l’association accueille de plus en plus de monde », indique la directrice de l’Olivier des sages.

Un nouveau type d'acteurs associatifs

Ces derniers temps, les jeunes Français musulmans sont plus nombreux à s’engager comme citoyens, et des associations de tendance musulmane diverses et variées fleurissent aux quatre coins de l’Hexagone (féminisme islamique, entrepreneuriat, solidarités, défense des consommateurs…). Outre le devoir religieux qui incite à l’entraide, c’est aussi pour des raisons pratiques. Certains publics ayant des requêtes particulières (halal ou barrière de la langue par exemple) ne trouvent pas toujours des associations de solidarité qui répondent à ces spécificités.

De cette prise de conscience témoigne cette émergence : « C’est un nouveau milieu associatif qui s’organise et prend en charge des besoins qui existaient mais qui n’étaient pas satisfaits, de la part d’une population essentiellement d’origine étrangère. Et c’est là qu’on trouve souvent le plus de demandes, auprès des réfugiés ou des immigrés. Jusqu’à récemment les personnes prenaient ce qu’on leur donnait. Supposés pauvres, on estimait normal qu’elles n’aient pas le choix », décrypte Naji Saïd Zireg, militant associatif lyonnais, actif de longue date.

« On avait aussi des familles tellement pauvres et désocialisées, de confession musulmane, qui mangeaient des repas avec du porc »

-Naji Saïd Zireg, militant associatif lyonnais

Il ajoute : « On avait aussi des familles tellement pauvres et désocialisées, de confession musulmane, qui mangeaient des repas avec du porc par exemple. Les opérations ponctuelles des associations de quartier et de l’immigration se sont généralisées, les maraudes [opérations consistant à aller à la rencontre des personnes installées dans la rue] sont désormais plus nombreuses. À Lyon, presque tous les soirs, il y a une maraude. Il y a une solidarité incroyable. C’est un phénomène de mode mais aussi une réponse à des besoins. De nouveaux bénéficiaires apparaissent, mais aussi un nouveau type d’acteurs associatifs car certaines associations exigent que les bénévoles ne soient pas voilées. Des associations identitaires distribuant de la soupe au cochon excluent délibérément les bénéficiaires musulmans. Les sans-abris n’en n’ont rien à faire de ces polémiques, on les implique dans des débats qui ne les concernent en rien ! »

Souvent peu médiatisées, de nouvelles formes de solidarité particulièrement à l’œuvre pendant le Ramadan traduisent l’engagement citoyen plus important des musulmans en France dans l’espace public.  

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