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Selon une source qatarie, les bombardements de Poutine en Syrie « déclencheront un djihad contre Moscou »

Une source qatarie a déclaré à MEE que les rebelles syriens ont soif de combats avec les forces russes et que l’Occident ne doit pas faire de compromis avec Moscou
De la fumée s’élève après que des frappes aériennes russes ont touché des entrepôts de munitions et les bases de deux groupes d’opposition dans la région de Mansoura, à l’ouest d’Alep, en Syrie le 6 octobre (AA)

La Russie est en train de créer « un monstre de Frankenstein » avec sa campagne de bombardement en Syrie, laquelle va susciter un « djihad » contre Moscou, a déclaré mercredi une source qatarie haut placée.

Selon cette source, 52 érudits musulmans saoudiens ont déjà proclamé un « djihad », ce qui aurait pour effet de transformer une révolution contre la dictature de Bachar al-Assad en une « guerre de libération » syrienne contre la Russie, l’Iran et le Hezbollah.

Après avoir rencontré Sergueï Lavrov au siège de l’ONU à New York, la source avait l’impression que le ministre russe des Affaires étrangères n’était pas « totalement » satisfait des décisions prises par son président.

« Nous prévoyons une approche semblable à celle de Grozny », a déclaré la source, faisant référence aux deux guerres sanglantes au cours desquelles la Russie s’est battue contre les séparatistes en Tchétchénie, dans le Caucase du Nord. « Quand la Russie veut se lancer dans une lutte, ils montrent toujours leur pouvoir et c’est ce qui nous inquiète. »

« Nous lui avons dit [à Lavrov]. Votre attaque n’était pas dirigée contre le groupe EI », a ajouté la source. « Vous pouvez vous joindre à cette coalition et nous pouvons attaquer le groupe EI tous ensemble. Mais vous avez attaqué Idleb où Daech [le groupe EI] n’est pas présent : à Alep vous avez attaqué les modérés ; à Homs, vous avez fait la même chose. »

Le Qatar estime que la stratégie russe vise à maintenir Assad au pouvoir. Toutefois, en ce qui concerne la raison pour laquelle les Russes ont envoyé des troupes sur le terrain à ce stade de la guerre, ce responsable de haut rang a suggéré que Moscou avait agi par « jalousie » envers l’Iran, enhardi par son accord nucléaire avec les pays du groupe « 5+1 ».

« Si la Russie partageait les objectifs de l’Iran, elle n’aurait pas eu à envoyer ses propres troupes sur le terrain en Syrie. Elle se serait contentée de fournir une couverture aérienne aux troupes iraniennes et au Hezbollah. Toutefois, la Russie a insisté pour aller sur le terrain, et c’est ce qui nous convainc de l’existence d’une rivalité à ce niveau-là. »

Interrogée sur la possibilité que Doha fournisse des missiles sol-air aux forces syriennes rebelles qu’il soutient, la source a dit que le Qatar n’avait pas accès aux systèmes sophistiqués nécessaires pour protéger les forces terrestres des chasseurs russes. Seuls les États-Unis le pourraient.

« Les États-Unis doivent prendre les commandes », a-t-il dit.

Le Qatar pense que la coalition menée par les États-Unis n’a pas de stratégie appropriée et que les tentatives américaines visant à former une force qui leur serait fidèle se sont terminées par un fiasco, lorsque les recrues nouvellement formées ont remis leurs armes au front al-Nosra, le groupe affilié à al-Qaïda. « Ils ont entraînés les mauvaises personnes. Nous leur avons dit que nous pouvions nous occuper de Daech. Et qu’ils s’occupent de Bachar. »

Cependant, il a affirmé que les États-Unis avaient entamé des négociations secrètes avec Jaish al-Fatah, l’Armée de la conquête, qui est une coalition rassemblant Ahrar al-Sham (les hommes libres du Levant) et d’autres forces.

La mêlée diplomatique provoquée par le lancement de la campagne russe devrait se poursuivre au Conseil de sécurité de l’ONU, où les Russes ont déposé une motion mercredi qui leur donnerait carte blanche pour frapper toute cible en Syrie. La France devrait déposer une contre motion.

S’engager, se retirer

« L’important est de savoir jusqu’où la Russie va s’impliquer. Si elle frappe et s’en va, bien. Mais si elle s’implique et subit des pertes, il y aura un effet boule de neige. Le pire serait que l’Occident fasse des concessions à la Russie, en acceptant un processus politique où Bachar al-Assad resterait. Parce qu’il ferait alors abstraction des 300 000 Syriens qui sont morts et ça ne fonctionnera pas. Les combattants rebelles syriens ont soif d’un conflit [direct] avec les troupes russes sur le terrain », a indiqué la source.

L’émir du Qatar est attendu en Russie les 18 et 19 octobre et il existe aujourd’hui deux écoles de pensée à Doha concernant le bien-fondé de cette visite. La source a déclaré : « Nous ne pouvons pas mener le Conseil de coopération du Golfe [CCG] vers l’affrontement avec la Russie. Il est de notre devoir de maintenir cette ‘’amitié’’ avec la Russie. »

Il a ajouté que si la Russie continuait sur sa lancée actuelle, dans dix ans, elle supplierait le Qatar de négocier un cessez-le-feu avec les « talibans syriens ».

« Aucun Syrien, aucun sunnite n’acceptera de voir des troupes iraniennes ou russes dans son pays », a-t-il conclu.
 

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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