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Six ans après le départ de Ben Ali, la Tunisie entre contestations sociales et malaise économique

Ben Guerdane, Sidi Bouzid, Gafsa : la Tunisie, qui fêtait samedi le sixième anniversaire de sa révolution, a connu une semaine de protestations sociales parfois violentes
Rassemblement à Tunis pour le sixième anniversaire de la chute de Ben Ali samedi 14 janvier (AFP)

Pneus brûlés, affrontements entre les jeunes et les forces de l’ordre, manifestations… Le sixième anniversaire de la chute de Ben Ali ce samedi a été marqué depuis le début de la semaine par des manifestations et des émeutes.

Mardi, des incidents ont éclaté à Sidi Bouzid (centre-ouest) ville agricole d’un peu plus de 80 000 habitants et berceau de la révolution – c’est là que le 17 décembre 2010 le vendeur ambulant Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu.

Samedi encore, des dizaines de chômeurs ont manifesté à Sidi Bouzid, en scandant « Le travail est un droit, bande de voleurs » ou encore « Travail, liberté, dignité, patrie », deux slogans phares de la révolution.

Traduction : « Vidéo d'affrontements entre les forces de sécurité et les manifestants aujourd'hui à Ben Guerdane »

Selon les médias locaux, des affrontements à Meknassy, à une soixantaine de kilomètres de Sidi Bouzid, et plusieurs routes ont été bloquées entre les gouvernorats de Sfax et de Gafsa.

La situation reste aussi très tendue à Ben Guerdane où de jeudi à samedi des heurts ont opposé des manifestants et des policiers.

Cette ville de 50 000 habitants à la frontière avec la Libye connaît régulièrement des mouvements de protestation, surtout depuis la décision des autorités libyennes, en mai 2016, de fermer le poste-frontière de Ras Jédir, ce qui a eu pour conséquence d’interrompre le commerce informel entre les deux pays, principale source de revenus pour la région économiquement sinistrée. 

Les manifestants revendiquent le libre passage des marchandises avec la Libye voisine et une grève générale a été organisée jeudi.

Le porte-parole du gouvernement a rapporté que les autorités tunisiennes s’étaient entretenues jeudi avec des « représentants » libyens au ministère des Affaires étrangères à Tunis.

L'ensemble du sud-est de la Tunisie essentiellement du trafic transfrontalier, y compris de contrebande, et la tension y est vive depuis plusieurs mois, une partie de la population estimant être délaissée par le pouvoir central.

Les autorités tunisiennes font valoir la difficulté de négocier avec les parties libyennes, en raison du chaos politique prévalant dans ce pays. Un précédent accord prévoyant l'instauration d'un nouveau régime douanier avait été signé en mai 2016, après une longue paralysie du commerce transfrontalier marquée par des manifestations et une grève générale à Ben Guerdane.

Selon un responsable local du syndicat UGTT, Mohsen Licheheb, les revendications portent principalement sur « l'application d'une convention signée il y a une dizaine de jours entre deux commissions tuniso-libyennes pour déterminer le poids et la valeur de la marchandise autorisée » à franchir la frontière.

Dans la province de Gafsa, où s'est le rendu le chef de l'État Béji Caïd Essebsi pour visiter une nouvelle usine sur un site de production de phosphate, la police aurait selon la chaîne de télévision privée Nessma, tiré du gaz lacrymogène sur des manifestants qui jetaient des pierres sur le cortège présidentiel.

Le président Béji Caïd Essebsi était samedi à Gafsa pour visiter une nouvelle usine dans un site de production de phosphate (AFP)

À Tunis, un rassemblement a été organisé sur l’avenue Habib-Bourguiba, l'une des principales artères de Tunis en présence de membres de partis politiques et d'ONG, et sous un dispositif de sécurité renforcé en raison des craintes d'attentat. Selon les médias locaux, aucune festivité n'a eu lieu ailleurs dans le pays.

Traduction : « Le 14 janvier restera une date spéciale dans l'histoire pour les Tunisiens. La route est longue »

Vendredi, l'ancien président tunisien Moncef Marzouki s’est inquiété de la détérioration de la situation économique et sociale dans son pays et de « l'échec » du pouvoir actuel.

« Les indicateurs [sociaux et économiques] font peur. Ce qui m'inquiète c'est que le pouvoir, après plus de deux ans, n'a rien fait », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. « Nous entendons beaucoup de bruit mais nous ne voyons rien de concret », a ajouté le chef du nouveau parti Al Irada (la volonté), en évoquant un « échec » des autorités.

Pour le premier président élu de l'après-révolution, la preuve de cet échec est la reprise de troubles sociaux dans le pays, qui démontre « le ras-le-bol des gens ».

Un an après avoir connu sa plus importante contestation sociale depuis la révolution de 2011, la Tunisie connaît depuis plusieurs jours des mouvements sociaux marqués par des heurts dans les régions de Ben Guerdane (sud-est) et de Sidi Bouzid, berceau du soulèvement contre Zine El Abidine Ben Ali.

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