Syrie : la Russie oppose son veto à la résolution de la France à l'ONU
La Russie a opposé samedi son veto au texte appelant à la cessation des bombardements et des vols militaires sur Alep proposé par la France, empêchant son adoption.
Moscou, soutien principal du régime syrien, a soumis un projet de résolution concurrent, appelant plus généralement à une cessation des hostilités. Mais neuf des quinze pays membres du Conseil de sécurité ont voté contre.
Traduction : « En direct des Nations unies alors que l'ambassadeur russe donne la parole au représentant du régime syrien. Nous sortons en solidarité avec la population d'#Alep »
Le texte de Moscou était en effet l’équivalent du texte français, avec des amendements russes. La demande de cessation des frappes aériennes avait été retirée et l’accent avait été mis sur l’échec de l’accord de cessez-le-feu entre les États-Unis et la Russie, placé en annexe au texte.
L’ambassadeur britannique à l’ONU, Matthew Rycroft avait prévenu avant le vote que ce serait « un mauvais jour pour la Russie, mais bien pire pour la population d’Alep, car tant que le Conseil de sécurité ne s’entendrait pas, cette guerre ne finirait pas ».
C’est une répression de manifestants descendus dans la rue pour réclamer la démocratie en 2011, menée par le président Bachar al-Assad qui déclencha une guerre civile dont les combattants du groupe État islamique (EI) ont profité pour s’emparer de territoires en Syrie et en Irak.
Coût humain très élevé
La moitié des 22 millions d’habitants en Syrie ont été déracinés et plus de 400 000 tués.
Les forces d’Assad, soutenues par les avions de combat russes et l’Iran, luttent pour reprendre l’est d’Alep, la plus grande ville de Syrie, pour moitié aux mains des rebelles, où plus de 250 000 civils sont pris au piège.
La campagne de bombardements menée par les Syriens et les Russes a redoublé d’intensité depuis que l’armée syrienne a lancé une offensive pour reprendre le contrôle de la ville le 22 septembre dernier.
En s’emparant de zones situées au nord et en faisant reculer la ligne de front dans le centre de la ville, restée fixe depuis que les rebelles ont pris le contrôle des quartiers est en 2012, Damas a réalisé des avancées significatives dans sa campagne lancée depuis deux semaines.
Mais le coût humain est très élevé.
Depuis que le pouvoir a repris les bombardements, quelques jours après l’échec du cessez-le-feu, au moins 290 personnes – pour la plupart des civils – ont été tuées dans les zones rebelles, dont 57 enfants, a rapporté l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Et 50 civils, dont neuf enfants, ont été tués lors des bombardements menés par les rebelles sur les zones pro-gouvernementales de la ville, toujours selon le groupe de surveillance basé à Londres, qui s’appuie sur un réseau de sources sur le terrain.
« Moins de paroles et davantage d’action pour arrêter le massacre »
« En ayant recours à des méthodes plus communément associées aux criminels qu’à des gouvernements, la Russie est devenue l’un des principaux pourvoyeurs de terreur à Alep », a déclaré l’ambassadeur américain à l’ONU devant le Conseil de sécurité.
Il a ajouté que la Russie était « déterminée à autoriser la poursuite de la tuerie et à, d’ailleurs, à y participer en menant des frappes ». Selon lui, ce dont Moscou a besoin est « de moins de paroles et davantage d’action de sa part pour arrêter le massacre ».
Une résolution de l’ONU réclame neuf votes en sa faveur, et aucun veto, pour être adoptée. Les puissances qui détiennent le droit de veto sont les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine. Le texte russe ayant seulement reçu quatre votes en sa faveur, un veto n’était donc pas nécessaire pour le bloquer.
Onze pays ont voté pour le texte français, la Chine et l’Angola se sont abstenus. Le Venezuela s’est associé à la Russie pour voter contre.
C'est la cinquième fois que la Russie utilise son droit de veto à l'Onu concernant le conflit syrien qui dure depuis cinq ans.
Les quatre fois précédentes, la Chine avait appuyé Moscou pour protéger le gouvernement syrien d’une résolution du Conseil de sécurité qui proposait de saisir le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de la situation en Syrie.
« Une perte de temps inadmissible »
L’ambassadeur de la Russie à l’ONU, Vitaly Churkin, président du Conseil de sécurité pour le mois d’octobre, a décrit le double vote de samedi comme l’un « des plus étranges spectacles dans l’histoire du Conseil de sécurité ».
« Étant donné que la crise en Syrie a atteint un stade critique, et alors qu’il est particulièrement important que les efforts politiques de la communauté internationale soient coordonnés, cette perte de temps est inadmissible », a déclaré Vitaly Churkin au Conseil de sécurité.
Les Russes n’ont obtenu pour leur texte que le soutien de la Chine, du Venezuela et de l’Égypte, tandis que l'Angola et l'Uruguay se sont abstenus.
Les deux textes de résolution, français et russe, appelaient à une trêve et à l’accès de l’aide humanitaire dans toute la Syrie.
« Si nous ne faisons rien, il ne restera de cette ville [Alep] que des ruines et elle restera dans l’histoire comme une ville dont les habitants ont été abandonnés à leurs bourreaux », a déclaré pour sa part le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault. « Si la communauté internationale ne se réveille pas, elle en partagera la responsabilité. »
Traduit de l'anglais (original).
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