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Tunisie : des manifestations contre l’austérité dégénèrent

Depuis dimanche, des manifestations contre l’austérité se sont propagées dans une dizaine de villes du pays. Dans la nuit de lundi à mardi, un homme est mort lors d'affrontements avec les forces de l’ordre
Selon les médias tunisiens, l'armée a été déployée à Kasserine, dans le centre-ouest de la Tunisie (Facebook/Kasserine News)
Par MEE staff

Un homme est mort lundi lors d’affrontements entre les forces de sécurité et des manifestants à Tebourba, à 40 kilomètres à l’ouest de Tunis, a rapporté le ministère tunisien de l’Intérieur dans un communiqué.

Depuis dimanche, la protestation s’est propagée dans une dizaine de villes du pays (Gabès, Kasserine, Gafsa, Nabeul…) contre les mesures d’austérité adoptées par le gouvernement. 

À Kasserine, ville pauvre du centre du pays, quelques dizaines de jeunes ont incendié des pneus et jeté des pierres sur des agents de sécurité, qui ont répliqué par des gaz lacrymogènes, a indiqué un correspondant de l'AFP.

À Sidi Bouzid, autre ville du centre du pays fortement mobilisée et d'où était partie en décembre 2010 la contestation sociale qui avait marqué le début des printemps arabe, des routes ont été bloquées par des pierres et des pneus, selon le correspondant local de l'AFP.

La police a dispersé dimanche soir à Tunis une manifestation contre une hausse des prix entrée en vigueur au 1er janvier comme prévu par la loi de finances 2018, dénoncée par des militants et certains partis. Le mouvement Manich Msamah (Je ne pardonne pas), qui a manifesté contre la loi dite d'amnistie, a appelé à un rassemblement ce mardi devant le théâtre municipal dans la capitale.

L’homme décédé à Tebourba, Khemaies Yeferni, 43 ans, souffrait de problèmes respiratoires chroniques et aurait succombé après avoir inhalé des gaz lacrymogènes, précise le communiqué en niant les rumeurs selon lesquelles il aurait été écrasé par un véhicule appartenant aux forces de sécurité. Selon le ministère de la Santé, il a été secouru dans un premier temps à l'hôpital de Tebourba avant d'être transféré à Tunis.

« Onze agents de la Sûreté nationale ont été blessés par des jets de pierre, des projectiles solides et des cocktails Molotov et quatre véhicules de police endommagés » lors des échauffourées nocturnes, a par ailleurs indiqué à l'AFP le porte-parole de la Sûreté nationale Walid Ben Hkima, qui a évoqué des « actes de violences et de pillage » flagrants.

Traduction : « Les manifestations contre le coût de la vie se propagent »

Ce mardi, le porte-parole du ministère Khelifa Chibani, a dénoncé les campagnes menées sur les réseaux sociaux pour faire passer « de fausses informations sur le décès du manifestant ». Il a indiqué par ailleurs qu’une quarantaine de personnes, présumées impliquées dans des actes de violence, avaient été arrêtées.

Selon des témoins, rapporte Reuters, la manifestation a dégénéré lorsque les forces de sécurité ont tenté d’empêcher des jeunes de mettre le feu à un bâtiment public. Cinq personnes ont été blessées et transportées à l’hôpital, précise la TAP, l’agence officielle.

Mardi soir, de nouveaux affrontements ont été rapportés, notamment à Tebourba où des policiers et des militaires déployés en force ont répliqué à des jets de pierre à coups de gaz lacrymogènes, mais aussi à Kasserine, Gafsa ou Sidi Bouzid. 

https://twitter.com/Lies_Breaker/status/951025062009819136?ref_src=twsrc%5Etfw

Plus de 200 personnes ont été arrêtées et des dizaines blessées lors de heurts dans plusieurs villes, a indiqué le ministère de l'Intérieur mercredi après une deuxième nuit de troubles. Un supermarché Carrefour de la banlieue sud de Tunis a été pillé, a déclaré le porte-parole du ministère de l'Intérieur, ajoutant que 49 policiers avaient été blessés lors des échauffourées à travers le pays, et 206 personnes impliquées dans les troubles arrêtées.

Depuis la révolution de 2011, la Tunisie traverse une crise économique qui s’est aggravée au fil des ans. Le déficit budgétaire a atteint 4,4 milliards de dinars (1,4 milliard d’euros) fin octobre et la dette publique représentait fin novembre quasi 70 % du PIB.

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Ce déficit s’explique par la hausse des dépenses de l’État dans les subventions versées au secteur des hydrocarbures, qui ont atteint 565 millions d’euros. Différents accords syndicaux ont aussi entraîné une augmentation des salaires (200 millions d’euros).

Pour compenser ces dépenses, le gouvernement a gelé la plupart des recrutements dans la Fonction publique pour 2018 mais n’a pas réussi à maîtriser le niveau de sa masse salariale qui n’aurait pas dû dépasser les 14 % selon le Fonds monétaire international (FMI) et qui est déjà aujourd’hui à 14,7 %. Le projet de loi de finances adopté fin 2016 a donc encore été conditionné par les recommandations du FMI, qui doit débloquer en 2017 la troisième tranche de l’aide, de 2,4 milliards d’euros, pour réduire le déficit d’ici à 2020.

Le budget 2018, adopté en décembre à une nette majorité au parlement, prévoit des hausses de prix « douloureuses » mais nécessaires pour réduire le déficit budgétaire, selon le président Béji Caïd Essebsi. Il instaure notamment une Contribution sociale de solidarité sur les bénéfices et les salaires pour sauver les caisses sociales, et augmente de 1 % les taux de TVA, avec une surtaxe sur certains produits.

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