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Tunisie : nouvelles tensions à Ben Guerdane après la mort d’un contrebandier

Une fois de plus, la mort d’un contrebandier, tué dans la zone tampon à la frontière avec la Libye, a provoqué la colère des habitants de Ben Guerdane

Ben Guerdane est une des villes les plus pauvres de Tunisie (AFP)
Par MEE

Ben Guerdane, petite ville de 50 000 habitants à la frontière tuniso-libyenne, a connu lundi une nouvelle vague de protestation après la mort d’un contrebandier, tué samedi alors qu’il se trouvait dans la zone tampon interdite d'accès.

Une marche de protestation a été organisée à Ben Guerdane par les familles de jeunes abattus dans les mêmes circonstances et des membres de la société civile qui dénoncent « l’usage excessif de la force par les agents de sécurité contre ceux qui exercent le commerce informel ». Ces événements sont « récurrents dans la région », a témoigné un manifestant à l’agence de presse tunisienne (TAP). 

Une tente a été implantée au centre-ville et certains manifestants ont bloqué la RN1 en dressant des monticules de sable. Ce mouvement a paralysé la circulation en direction de Ben Guerdane et Ras Jedir, terminal routier vers la Libye, immobilisant les longues files de voitures et camions libyens entre Zarzis et Ben Guerdane, et à Chahbania.

La circulation a été paralysée en direction du terminal routier vers la Libye (Twitter)

Samedi, sept voitures de contrebande, dont trois en provenance de Libye, ont été interceptées par une patrouille militaire déployée sur la barrière de sable séparant la Tunisie de la Libye. Selon les déclarations du colonel Belhassen Oueslati, le porte-parole du ministère de la Défense, « les chauffeurs des véhicules ont refusé d’obtempérer aux injonctions de la patrouille et aux tirs de sommation ». Les contrebandiers auraient alors riposté avant de prendre la fuite vers Ben Guerdane.

Toujours selon Belhassen Oueslati, un quatrième véhicule, sans immatriculation, est resté sur place. « Deux personnes se trouvaient à bord, l’une d’elles a été touchée par balles ». Transportée à l’hôpital, elle a succombé à ses blessures.

« La voiture était chargée de marchandises libyennes de contrebande et de médicaments en provenance de Tunisie », a-t-il précisé.

Depuis le 29 août, le statut de « zone tampon » aux frontières sud du pays a été prolongé par décret présidentiel pour une année, afin d’empêcher la circulation d’armes et de combattants en provenance de Libye ou d’Algérie.  

« Un plus grand intérêt pour la région »

En parallèle de la manifestation, des actes de sabotage ont par ailleurs pris pour cible les entreprises de construction de l'autoroute Medenine-Ras Jedir, à 16 km de Ben Guerdane.

Le responsable de la société Afrique Travaux a déclaré que l’entreprise avait subi de gros dégâts. Parmi le matériel détruit, une machine acquise récemment qui devrait être mise en service mardi pour l'asphaltage de la chaussée. Selon le cadre, l’incendie de plusieurs machines « va conduire l'entreprise à arrêter les travaux, mettant près de 700 ouvriers au chômage ».

Exprimant ses regrets pour ces évènements, Mongi Mansouri, de l'Association de fraternité tuniso-libyenne et proche parent du jeune tué samedi dans la zone tampon, a affirmé que les responsables de ces actes de destruction « ne représentent pas les protestataires », 

Il a appelé d’autre part le gouvernement à prêter « un plus grand intérêt à la région » et « à donner des assurances réelles à ses jeunes ».

De son côté, le secrétaire général de l'association Citoyenneté et développement à Ben Guerdane, Youssef Chaouat, a demandé à ce que cessent « les tirs de balles sur les jeunes poussés au commerce parallèle à cause de l'absence d'alternatives au développement ».

Il a estimé le nombre de tués dans des circonstances similaires à 37 personnes. Le responsable de cette association a lancé un appel « à la révision de la politique de sécurité dans la zone tampon » et à accélérer la mise en œuvre des plans de développement dans la région.

Mardi, après la réunion entre le gouverneur de Médenine et des représentants de la société civile, le délégué de Ben Guerdane, Omar el-Kouz a précisé que « des solutions consensuelles seront trouvées en vue d’assurer la circulation des marchandises à partir de Libye vers Ras Jedir.

Depuis le début de l’année, Ben Guerdane a connu plusieurs incidents : des affrontements entre les forces de l’ordre et des groupes armés en mars dernier, et des émeutes en mai suite à la décision des autorités libyennes de fermer le poste frontière, et donc de suspendre le commerce formel et informel entre les deux pays, principale source de revenus pour la région.

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