Tunisie : une « caserne culturelle de résistance » au cœur des maquis islamistes
TUNIS – Lutter contre le terrorisme grâce à la culture ? Un vœu qui se concrétise rarement. Ce ne sera pas le cas pour le mont Semmama, dans le gouvernorat de Kasserine, dans le centre-ouest de la Tunisie.
Souvent cité pour abriter des islamistes armés et en subir les conséquences – notamment des explosions de mines sur le passage des habitants – le djebel Semmama pourrait bientôt être pris pour exemple grâce à son nouveau centre culturel, présenté comme une « caserne culturelle de résistance » par Adnen Helali, initiateur du projet.
Inauguré ce samedi, ce centre offre deux volets. « Il est situé en face d’une école publique. Nous espérons qu’il deviendra donc un véritable lieu de vie pour les élèves après l’école », explique à Middle East Eye Shiran ben Abderazak, directeur exécutif de la fondation Rambourg à Tunis, qui a financé la construction et l’équipement à hauteur d’un million de dinars (305 000 euros). Une salle dédiée à l’étude et une bibliothèque avec 800 livres fournis par l’association Biblionef accueilleront les élèves.
Des activités sportives et culturelles seront organisées chaque semaine. Un terrain omnisport permettra de pratiquer basket-ball, handball, volley. Des ateliers photo, vidéo, théâtre, chant et cirque sont déjà prévus.
En projet : un séminaire scientifique autour des plantes médicinales et de la permaculture en mars, un marathon en février et un festival de marionnette en décembre
L’idée, née en 2012, se veut une continuité des événements (journée de la montagne, fête des Bergers...), organisés depuis 2001 au mont Semmama. À l’origine de ces festivités mettant à l’honneur la culture montagnarde et des bergers – l’élevage étant la principale activité à Semmama –, Adnen Helali, poète et enfant du pays, détaille à MEE par téléphone : « Toutes ces activités ont été inspirées de notre patrimoine. Nous continuerons dans la même lancée avec ce centre. Mais cette fois, nous passons de l’amateurisme au professionnalisme. Nous allons accélérer les créations ». En projet : un séminaire scientifique autour des plantes médicinales et de la permaculture en mars, un marathon en février et un festival de marionnette en décembre.
Un nouvel écosystème pour la région
Second volet du centre culturel : l’économie sociale et solidaire. Ainsi plusieurs ateliers (tapisserie, tissage, distillerie d’huiles essentielles...) vont être créés.
Un partenariat avec un centre technique, appelé 3T, a même vu le jour dans le but de former 30 à 40 femmes rurales et sans emploi pendant onze mois, une formation longue qui permettra aux étudiantes de devenir totalement autonomes. Celles-ci bénéficieront, en plus, d’une aide de 80 dinars (24 euros) par mois financée par l’État.
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Fin 2018, une marque sera lancée, proposant des produits de la région comme des tapis, des tapisseries aux motifs traditionnels modernisés par un designer tunisien, ainsi que des huiles essentielles. « À terme, on voudrait que les femmes formées puissent créer ces produits qui seront vendus. Par cette activité, nous espérons équilibrer les activités culturelles du centre qui ne rapporteront pas d’argent, car il sera compliqué de demander une participation financière aux familles », précise Shiran ben Abderazak.
Le budget de fonctionnement du centre est assuré pour les trois années à venir par une société japonaise qui requiert l’anonymat. Ensuite, la fondation Rambourg et l’association culture du djebel Semmama, qui va gérer le centre, espèrent que la structure deviendra indépendante financièrement. « Il faut garantir la durabilité du lieu, hors de tout soutien temporaire », insiste Adnen Helali.
« Il serait possible de multiplier le concept dans d’autres régions, comme au Kef, à Gafsa... »
- Adlen Helali, initiateur du projet
Ce centre, construit par des entreprises – trois ont été créées à cette occasion – et des matériaux de la région, se veut moteur d’un nouvel écosystème dans la région. Si cette première en Tunisie fonctionnait, Adnen Helali imagine déjà : « Il serait possible de multiplier le concept dans d’autres régions, comme au Kef, à Gafsa... Quand il y a un spectacle dans un petit village, tout le monde se déplace. On peut avoir jusqu’à 1 000 spectateurs quand dans une grosse ville, on peine à rassembler 300 personnes. Il y a un véritable besoin, une soif de culture ! »
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