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Un dirigeant syndical de Cisjordanie a été réintégré dans son emploi après une lutte de deux ans

Une nouvelle décision judiciaire fournit un précédent pour l’organisation de syndicats palestiniens indépendants dans les entreprises des colonies
Les dirigeants syndicaux Hatem Abu Ziadeh (centre) et Assaf Adiv devant le tribunal national du travail à Jérusalem (MEE/Jimmy Hutcheon)

Hatem Abu Ziadeh, un mécanicien de 45 ans originaire d’un village près de Ramallah, a savouré sa victoire et s’est préparé à aider les travailleurs palestiniens de Cisjordanie à lutter pour de meilleures conditions de travail après qu’un tribunal israélien a statué qu’il avait été licencié illégalement il y a deux ans.

Ce père de six enfants a travaillé pendant 17 ans au garage Zarfaty de Mishor Adumim, une zone industrielle de la colonie israélienne de Ma’aleh Adumim. Son employeur israélien, Morris Zarfaty, a déclaré à Middle East Eye que son entreprise employait environ 80 personnes.

En juillet 2014, en sa qualité de dirigeant d’un comité de travailleurs du garage Zarfaty, Hatem Abu Ziadeh avait contribué à organiser une grève contre ses employeurs israéliens, suite à leur refus de reconnaître un syndicat établi par les employés du garage pour protester contre leurs mauvaises conditions de travail.

https://www.youtube.com/watch?v=rnjXGR4vwb0

Le WAC-MAAN (Centre d’information des travailleurs) est l’un des premiers syndicats à opérer dans une zone industrielle de Cisjordanie, ces centres de production installés dans des zones occupées et contrôlées par Israël, qui sont illégaux au regard du droit international. Le syndicat est dirigé conjointement par des Israéliens et des Palestiniens et représente les Palestiniens qui travaillent pour des entreprises israéliennes en Cisjordanie.

Ce mois de juillet, Hatem Abu Ziadeh, un homme trapu au visage rond et à la moustache clairsemée, remit à son employeur Morris Zarfaty une lettre de préavis de grève du personnel pour protester contre les faibles rémunérations et l’absence de fiches de paie correctes, de vacances, de congés maladie, de fonds de retraite et de rémunération des heures supplémentaires.

Quelques jours après la grève, Hatem s’aperçut que les autorités israéliennes avaient annulé son permis de travail – indispensable pour se rendre de son domicile dans la ville de Bir Zeit à son lieu de travail dans la zone industrielle. Les dirigeants du garage avaient déclaré aux services de sécurité qu’Hatem avait « saboté un véhicule militaire » et posait potentiellement un « risque pour la sécurité ».

Hatem et le syndicat ont tout deux affirmé que cette plainte était un mensonge destiné à porter atteinte aux travailleurs et à leur nouveau syndicat.

Après des mois de disputes, le tribunal national du travail de Jérusalem a finalement statué qu’Hatem Abu Ziadeh devait être réintégré dans son emploi parce que son licenciement était injuste.

Depuis une décision prise en 2007 par la Cour suprême d’Israël, tous les travailleurs des colonies israéliennes, y compris les Palestiniens, ont droit au salaire minimum israélien – mais toutes les entreprises ne respectent pas la loi

Le Histadrout, le principal syndicat de travailleurs israéliens, ne représente pas la main d’œuvre palestinienne dans les colonies. Les colonies de Cisjordanie se situent généralement dans des zones qui sont soit placées sous contrôle militaire israélo-palestinienne et sous contrôle civil palestinien, soit entièrement contrôlées par les Israéliens. De ce fait, les syndicats palestiniens n’ont aucune autorité et aucune influence en ce qui concerne les Palestiniens employés dans les colonies israéliennes.

Hatem et les autres employés du garage Zarfaty revendiquaient de meilleures conditions de travail, y compris un salaire minimum et une rémunération en fonction de leurs compétences et de leur expérience.

Morris Zarfaty a refusé de traiter avec un syndicat dans son garage, et encore moins avec un organisme extérieur tel que le WAC-MAAN.

« Il s’agit vraiment d’une famille pour lui, il travaille avec certains de ses employés depuis deux décennies, ils assistent tous au mariage de leurs enfants, alors pourquoi feriez-vous venir quelqu’un de l’extérieur pour traiter avec vos employés ? Pourquoi auriez-vous besoin d’un autre organisme ? » a commenté pour MEE une source proche du dossier.

L’avocat de Morris Zarfaty a affirmé que cela suscitait de la méfiance au garage et que du côté du syndicat, des intérêts politiques pourraient être en jeu. D’autres supporters de Zarfaty soutiennent que le fait que les lois du travail israéliennes s’appliquent maintenant aux colonies les empêche de développer leurs entreprises.

« Morris Zarfaty considère que la loi s’immisce dans les prérogatives de son entreprise, mais c’est la loi… Ça ne vous plaît peut-être pas d’avoir des travailleurs syndiqués dans votre entreprise, mais c’est la loi. C’est comme l’impôt sur le revenu, et le reste : que vous le vouliez ou non, c’est la loi », a déclaré à MEE Assaf Adiv, secrétaire national du WAC-MAAN

Ce verdict est important pour Hatem, qui est au chômage depuis deux ans – bien qu’il se soit mis à conduire un taxi collectif entre Ramallah et Bir Zeit. Près de 30 000 Palestiniens travaillent dans les colonies. Ce verdict pourrait rendre les emplois dans les colonies plus attractifs, du fait que le salaire minimum israélien est censé être plus élevé que le salaire basique palestinien.

Reportage effectué en collaboration avec Alex MacDonald.

Traduction de l’anglais (original) par Maït Foulkes.

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