EN IMAGES : Une vision surréaliste de la féminité par l’artiste yéménite Jawaher al-Mughlis
L’artiste yéménite Jawaher al-Mughlis a commencé à peindre alors qu’elle n’avait que 5 ans. Son potentiel a été immédiatement repéré par ses professeurs, qui l’ont encouragée à poursuivre une carrière artistique.
Aujourd’hui âgée d’une vingtaine d’années, Jawaher al-Mughlis a vu son travail exposé au Yémen et à l’étranger (elle a notamment remporté un prix lors d’une exposition en Turquie en 2020). Ses œuvres, réalisées principalement dans le style surréaliste, se concentrent, comme en témoigne la collection ci-dessus, sur les femmes et, plus particulièrement, les questions de honte, d’égalité et de liberté. (Toutes les photos sont de Mohammed Hamoud)
Cette œuvre représente une femme semblable à une fée qui s’est recroquevillée, les bras autour des genoux, tandis qu’une clé dans son dos sert à la remonter et lui donner vie. Pour l’artiste, cela représente la façon dont la société contrôle les femmes d’une manière qui est souvent cachée, « par derrière... comme dans un jeu ».
Elle a peint le personnage nu afin de montrer la vulnérabilité des femmes dans la société. Les cheveux couleur turquoise symbolisent l’idée de liberté. Jawaher al-Mughlis dit participer à des programmes d’ONG visant à renforcer l’autonomie des femmes dans la société yéménite.
La jeune femme est diplômée de l’Université de Sanaa et travaille comme biologiste médicale le jour, exerçant sa passion pendant son temps libre. Elle n’a pas l’intention de quitter son emploi malgré son engagement envers l’art, faisant valoir que le Yémen a besoin de personnes dotées de ses compétences.
Le pays est ravagé par la guerre depuis 2014 ; un conflit qui a attiré les puissances régionales, dont l’Arabie saoudite, et a conduit à une catastrophe humanitaire. Elle explique que son œuvre vise à émanciper les femmes du Yémen et à leur donner de l’espoir face aux nombreuses crises auxquelles elles sont confrontées.
Dans le tableau ci-dessus, un personnage féminin regarde avec mélancolie un croissant de lune qu’elle tient dans sa main, assise sur un lit de plantes qui poussent autour d’elle. L’image exprime à la fois la lassitude et l’espoir.
Sous l’influence, peut-être, de sa formation médicale, l’œuvre de Jawaher al-Mughlis comporte aussi un élément didactique, comme en témoigne le tableau ci-dessus. Il représente un narguilé qui se transforme en tentacules de pieuvre tandis que le tuyau et l’embout buccal se muent en serpent.
Au Yémen, comme dans d’autres pays de la région, fumer le narguilé est un passe-temps courant, tout comme la mastication du khat. Dans le tableau, les feuilles de ce stimulant sont vertes lorsqu’elles sont consommées mais prennent une teinte jaune autour de la tête, ce qui suggère que la feuille commence à avoir un effet « toxique » sur l’esprit. La façon dont le serpent et les feuilles s’enroulent autour du corps symbolise l’étranglement spirituel provoqué par les drogues récréatives.
Dans cette peinture, Jawaher al-Mughlis s’intéresse aux effets néfastes des réseaux sociaux. Des mains se pressent autour d’un personnage féminin au regard triste, tandis que les bras semblent prêts à s’emparer de la femme et la dévorer. Selon l’artiste, cela représente les hommes qui font chanter des femmes après avoir obtenu des photos privées ou d’autres informations personnelles à leur sujet.
Mais le tableau porte aussi en lui une note d’optimisme ; la femme aux cheveux de feu détient la clé de sa propre liberté. Elle dit : « Nous pouvons démontrer notre force sur les sites de réseaux sociaux et montrer aux maîtres-chanteurs que même s’ils obtiennent des images privées, ce ne sont que des images et ils ne pourront ni nous faire chanter ni nous contrôler. »
Jawaher al-Mughlis explique que le tableau ci-dessus représente « l’équilibre des hommes et des femmes dans le monde et leur compatibilité ». Le couple est dans un exercice d’équilibre délicat, maintenu en place par une corde fine et effilochée ; tout effort excessif de l’un fait tomber l’autre.
De loin l’une des œuvres les plus complexes de Jawaher al-Mughlis, cette peinture représente la honte : tant la honte imposée aux femmes que la honte ressentie par la société si leur liberté n’est pas contenue. Un morceau de bois scelle la bouche de la figure féminine avec les mots « ouskouti » (« tais-toi » en arabe). Elle évoque ainsi le fait que l’on s’attend à ce que les femmes soient encouragées à garder le silence.
Cependant, les notes de musique qui ornent le cou de la figure suggèrent que si elle avait la capacité de parler, ce serait quelque chose « qui profite à la société et améliore son bonheur ». Sa boucle d’oreille est une étiquette de prix, symbolisant l’idée que les femmes sont traitées comme des marchandises censées rapporter de l’argent par le biais de mariages qui servent souvent de source de revenus grâce à la dot.
Ce tableau aborde la question du racisme au sein de la société yéménite. La couleur de peau du personnage comporte différentes nuances, le peigne courbé le long de la partie supérieure de sa colonne vertébrale représente l’égalité. Le symbolisme du peigne découle de propos attribués au prophète Mohammed, qui aurait dit que les êtres humains sont égaux « comme les dents d’un peigne ».
Les livres en équilibre sur la tête du personnage et le soleil qui brille représentent la capacité de la femme à atteindre le sommet du succès, tandis que le système solaire enroulé autour de son ventre symbolise le rôle essentiel des femmes dans l’éducation de la prochaine génération.
Traduit de l’anglais (original).
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