EN IMAGES : La femme qui fait revivre le patrimoine vestimentaire du Yémen à travers des poupées
Le rêve d’enfance de Nujood Abdullah al-Wazir était de mettre ses compétences manuelles au service de la fabrication de poupées traditionnelles en laine. Finalement, la jeune femme aujourd’hui âgée d’une trentaine d’années s’est orientée vers un parcours professionnel différent et une maîtrise en sciences politiques. Mais alors que la guerre ravageait le Yémen, affectant l’économie et les opportunités d’emploi, elle est retournée à sa passion initiale. (Toutes les photos sont de Mohammed Hamoud.)
Dans le cadre d’un projet qu’elle a appelé Harawi Joudi (les poupées de Nujoud), elle fabrique des figurines à base de bois, recouvertes de tissu et de rembourrage constitué de matériaux simples et abordables. À cause de la guerre, les matériaux de qualité supérieure sont soit difficiles à trouver, soit trop chers pour pouvoir générer des bénéfices.
Nujood al-Wazir affirme que son projet n’est pas seulement un moyen de gagner sa vie, il s’agit également d’une façon de faire revivre le patrimoine yéménite, qui, selon certains, est en train de disparaître à cause de la guerre et de la modernisation. Les vêtements traditionnels sont souvent mis de côté au profit de styles occidentaux, notamment en ce qui concerne les jouets. Sur les marchés, ses poupées, habillées à la mode yéménite, se démarquent des alternatives influencées par l’Occident.
Cela dit, Nujood al-Wazir n’a pas complètement renoncé aux modes occidentales, comme l’illustre cette poupée de mariée en robe occidentale. En fait, cela reflète certains mariages yéménites, au cours desquels de multiples changements vestimentaires ont lieu et où sont portés des styles tant occidentaux que traditionnels.
Nujood al-Wazir explique qu’elle passe beaucoup de temps à rechercher des vêtements et qu’elle a sollicité les aînés de la communauté pour s’assurer de fabriquer les modèles les plus authentiques. Une partie de ses recherches consiste à visiter les marchés de la vieille ville de Sanaa, discutant avec les commerçants de leurs matériaux, styles et ornements. Ce qu’elle crée, ce sont essentiellement des versions miniatures de véritables tenues yéménites.
Chaque poupée est confectionnée sur mesure et vêtue d’une tenue unique qui reflète la diversité culturelle de chacune des régions du Yémen. Le pays compte plus de 120 styles distincts de vêtements traditionnels et les différences peuvent être assez spectaculaires. De nombreuses robes comportent des broderies, dont la confection peut prendre des heures. Des fils de soie et de coton métallisés sont souvent utilisés pour ajouter des détails.
Il faut environ quatre heures pour fabriquer une poupée, sans compter les finitions telles que les accessoires, les motifs de couleurs et le maquillage. Nujood al-Wazir perfectionne ses compétences en regardant des vidéos en ligne, où elle découvre aussi de nouveaux modèles. Le prix des poupées varie : certaines des plus grandes et détaillées coûtent environ 8 500 riyals yéménites (environ 30 euros), tandis que les plus petites sont vendues au prix de 1 000 riyals yéménites (environ 3,5 euros).
Avec l’essor des formes d’emploi modernes et l’abondance relative de vêtements occidentaux bon marché, les habits traditionnels yéménites disparaissent petit à petit, tandis que les créateurs et producteurs qualifiés se font de plus en plus rares. En outre, les méthodes historiques de production et de conception de vêtements ne sont pas documentées, ce qui signifie que la connaissance de cet artisanat s’estompe à chaque nouvelle génération. Le travail de Nujood al-Wazir contribue justement à contrer cette tendance.
Si la modernité, dans un sens, a entraîné le déclin des modèles de vêtements traditionnels, elle fournit également les outils nécessaires à leur préservation. En 2019, Nujood al-Wazir a commencé à publier des articles sur ses poupées sur les réseaux sociaux, suscitant des ventes au sein de la diaspora yéménite ainsi que chez ceux qui s’intéressent à la culture du pays.
Elle espère vendre davantage de ses poupées en ligne, à des clients vivant à l’étranger. Pour Nujood al-Wazir, commercialiser ses produits en ligne n’est pas seulement une innovation, c’est aussi un beau moyen de contrer les idées négatives qui entourent le pays depuis le début de la guerre en 2014. Elle espère également qu’en gagnant sa vie de manière indépendante, elle pourra briser les barrières culturelles et prouver que les femmes peuvent subvenir à leurs besoins.
Traduit de l’anglais (original).
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