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Algérie-France : nouvel appel à démythifier le maréchal Bugeaud

Depuis 2020, les appels à en finir avec le culte du militaire français se sont multipliés dans le cadre de la « décolonisation de l’espace public »
Robert Bugeaud, marquis de La Piconnerie, duc d’Isly, est un militaire français, maréchal de France, né à Limoges le 15 octobre 1784, et mort à Paris le 10 juin 1849 (Wikipédia)
Robert Bugeaud, marquis de La Piconnerie, duc d’Isly, est un militaire français, maréchal de France, né à Limoges le 15 octobre 1784, et mort à Paris le 10 juin 1849 (Wikipédia)
Par MEE

« À Paris, comme dans les autres villes concernées, la glorification du maréchal Bugeaud n’a que trop duré. »

Samedi 21 octobre, dans le quotidien français Le Monde, un vieux sujet est remonté à la surface, via une tribune signée par le journaliste Jean-Michel Apathie et le politiste Olivier Le Cour Grandmaison, en expliquant que le militaire français ne devrait plus être honoré comme « un grand homme de guerre ».

Celui qui écrasa la révolte de l’émir Abdelkader, figure de l’opposition à la France coloniale, avant de devenir gouverneur général de l’Algérie en 1840, est aussi à l’origine de la « politique de la terre brûlée », qui conduisit notamment ses troupes à  incendier les villages et les champs.

Il se vantait notamment d’être à l’origine des « enfumades », une technique consistant à asphyxier des personnes réfugiées ou enfermées dans une grotte en allumant des feux à l’entrée, utilisée par le corps expéditionnaire français durant la conquête de l’Algérie, en 1844 et 1845.

Des pancartes à Périgueux

Mais « Bugeaud n’a pas été seulement le bourreau des ‘’indigènes’’ algériens qu’il a soumis aux méthodes que l’on sait, depuis longtemps connues et désormais parfaitement documentées. Devenu maréchal de France en 1843, il fut aussi un ennemi redoutable de la République qu’il haïssait », développent les deux auteurs du texte.

En 1834, il dirigeait l’une des brigades qui massacra les insurgés républicains regroupés dans la rue Transnonain (à Paris) qui s’opposaient à la monarchie et, en février 1848, réprima l’insurrection qui conduisit au départ du roi Louis-Philippe 1er et à la naissance de la IIe République.

Ce n’est pas la première fois que des voix s’élèvent en France pour mettre un terme au culte du maréchal Bugeaud.

En 2020, à la suite du meurtre de l’Afro-Américain George Floyd par un policier aux États-Unis, un vaste mouvement s’était propagé dans le monde pour dénoncer le racisme, les violences policières et déboulonner les statues immortalisant des figures colonialistes et/ou esclavagistes.

En France, plusieurs personnalités historiques avaient été remises en question. Parmi elles : Thomas Robert Bugeaud, qui a entre autres, à Paris, une avenue à son nom et dont une statue se trouve dans une façade du Louvre.

Si son nom a été donné à plusieurs places et rues de France, Jean-Michel Apathie l’explique sur le plateau de l’émission « C à vous » sur France 5 : « C’est le Second empire qui fait ça, parce qu’il y a des solidarités militaires. Mais la mairie de Paris aujourd’hui, elle ne pourrait pas regarder cette histoire ? […] Bugeaud a inventé les chambres à gaz et il a une avenue [à son nom] à Paris. [Quand] vous dites ça, tout le monde s’en fout. […] Les vainqueurs ont écrit l’histoire mais quand les vaincus aujourd’hui demandent aux vainqueurs comment ils ont écrit l’histoire, on ne peut pas leur dire d’aller se faire voir, il faut être capable de leur répondre. Et sur Bugeaud, personne n’a de réponse. »

À Périgueux (sud-ouest), deux artistes avaient, en 2020, glissé une corde autour du cou d’une statue à son effigie afin d’« inviter les passants à tirer dessus pour faire tomber le monument », avaient-ils expliqué.

Cette année, le 5 septembre, 170 ans jour pour jour après l’inauguration de la statue, au lieu de la déboulonner, la mairie a choisi d’inscrire des rappels sur une pancarte installée sur la place.

« Nous le savons aujourd’hui, le maréchal Bugeaud n’a jamais été un héros », a déclaré Delphine Labails, maire socialiste de Périgueux, en dévoilant le panneau explicatif et pédagogique sur l’histoire du militaire, qui le présente comme « un homme condamnable lié à l’histoire coloniale de la France ».

En novembre 2022, un établissement scolaire du 3e arrondissement de Marseille a réussi à changer son nom, remplaçant celui du maréchal Thomas Bugeaud par celui d’Ahmed Litim, tirailleur algérien fauché par un obus en 1944 alors qu’il participait à des combats pour libérer la ville de l’occupation allemande.

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