En pourparlers avec l’Italie, l’Algérie recherche de nouvelles alliances militaires
Les responsables militaires algériens et italiens ont convenu d’approfondir les liens entre les industries de la défense des deux pays lors d’une rencontre bilatérale lundi 5 décembre.
Les responsables italiens se sont dits prêts à soutenir l’Algérie dans toute acquisition future de matériel militaire de fabrication italienne, ce qui pourrait également impliquer un partage de technologies et de savoir-faire industriels.
« Malgré les efforts déployés par l’Algérie pour s’éloigner de l’industrie russe de la défense, il pourrait lui être difficile de recevoir le même traitement de faveur que celui accordé par les Russes »
– Zine Ghebouli, analyste spécialiste de l’Algérie
Les accords de ce type occupent une place de plus en plus importante pour l’Algérie depuis l’invasion russe de l’Ukraine.
Entre 2017 et 2021, plus de 80 % des importations d’armes en Algérie provenaient de Russie, devant l’Allemagne avec plus de 6 % et la France avec un peu moins de 4 %.
L’Algérie subit cependant une pression croissante pour stopper ou réduire ses importations d’armes russes.
En octobre, plus d’une dizaine de législateurs américains ont réclamé des sanctions contre l’Algérie en raison de la poursuite de ses échanges militaires avec la Russie.
Exercices militaires
En novembre, des médias étrangers dont l’agence russe Sputnik avaient annoncé la tenue d’exercices militaires terrestres conjoints entre les armées algérienne et russe en Algérie. Mais ces exercices n’ont pas eu lieu, a indiqué l’ENTV, la télé officielle algérienne, citant le ministère de la Défense nationale.
Selon Zine Ghebouli, analyste spécialiste de l’Algérie et chercheur post-doctorant à l’université de Glasgow, « compte tenu du rôle des forces armées algériennes et des situations géopolitiques et régionales [la situation tendue au Sahara occidental], les acquisitions dans le domaine de la défense sont désormais – et plus que jamais – considérées comme une priorité ».
Si la guerre en Ukraine a compliqué les relations entretenues par l’Algérie avec la Russie, la hausse des prix du gaz et du pétrole qui en a résulté a « considérablement augmenté les revenus » d’Alger, indique l’analyste à Middle East Eye.
« Cela offre désormais une plus grande marge de manœuvre pour des dépenses supplémentaires qui n’étaient pas possibles auparavant », précise-t-il.
L’Algérie continue de bénéficier amplement du bras de fer entre la Russie et l’Occident. Les recettes pétrolières et gazières du pays ont augmenté de plus de 70 % pour atteindre 21,5 milliards de dollars au cours des cinq premiers mois de 2022, contre 12,6 milliards de dollars au cours de la même période l’an dernier.
Ne manquant pas de liquidités, les autorités algériennes ont proposé de faire passer les dépenses dans le secteur de la défense de 10 milliards de dollars en 2022 à 23 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 130 %.
Vers un transfert de connaissances
L’Algérie pourrait toutefois éprouver des difficultés à se sevrer de son lien militaire avec la Russie.
« Malgré les efforts déployés par les autorités algériennes pour s’éloigner de l’industrie russe de la défense, il pourrait lui être difficile de recevoir le même traitement de faveur que celui accordé par les Russes », souligne Zine Ghebouli.
On ignore dans quelle mesure la Russie pourra assurer l’entretien et la maintenance des équipements vendus à l’Algérie, compte tenu de sa focalisation sur l’Ukraine et de son besoin de reconstituer le stock important d’équipements perdus.
Alors que l’Algérie cherche à sonder d’autres pays en vue de potentielles acquisitions militaires, Zine Ghebouli prévient que la courbe d’apprentissage pourrait être rude pour l’armée du pays.
« On peut se demander si les entreprises européennes ou américaines du secteur de la défense pourront vendre leurs armes à l’Algérie sans le fameux contrat de licence d’utilisateur final qui permettait jusqu’à présent à Alger d’utiliser les armes à sa guise », indique Zine Ghebouli.
De nombreuses entreprises occidentales du secteur militaire imposent des limites quant à l’emploi et aux lieux d’utilisation de leur matériel militaire par le biais de contrats de licence d’utilisateur final, une exigence que la Russie évite dans une large mesure.
« Je pense qu’il est plus probable que les négociations aboutissent à un important transfert de connaissances plutôt qu’à des ventes d’armes de grande ampleur », estime Zine Ghebouli au sujet de la teneur de rencontres telles que celle organisée lundi entre l’Algérie et l’Italie.
« La Russie devrait rester le principal fournisseur d’armes de l’Algérie à court et moyen terme. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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