« Vous insultez les Marocains » : passe d’armes à l’ONU entre Maroc et Algérie sur le Sahara occidental
Les représentants marocain et algérien se sont pris à partie mardi lors de l’Assemblée générale de l’ONU concernant le Sahara occidental, considéré comme « territoire non autonome » par les Nations unies.
La question de cette ex-colonie espagnole oppose depuis des décennies le Maroc, qui contrôle 80 % du territoire et propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté, aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger, qui réclament un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU, prévu lors de la signature en 1991 d’un cessez-le feu mais jamais concrétisé.
Utilisant son droit de réponse à la suite du discours à la tribune de son homologue marocain, l’ambassadeur algérien Amar Bendjama l’a notamment accusé d’avoir « déformé » les propos de son président Abdelmadjid Tebboune.
Le 19 septembre, à l’occasion de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies, le chef de l’État algérien avait réaffirmé la « position immuable de l’Algérie en faveur des causes justes et en soutien aux peuples opprimés qui luttent pour la liberté », en faisant référence aux questions palestinienne et sahraouie.
Il a également rappelé le désir de l’Algérie de parvenir à une « décolonisation définitive » de la dernière colonie en Afrique, où « tout un peuple reste privé de son droit à l’autodétermination, à travers un référendum libre et régulier conforme au plan de règlement adopté par le Conseil de sécurité et accepté par les deux parties en 1991 ».
« Chacun son camp »
« Chacun son camp. Nous Algériens, nous avons choisi le camp de la justice, de la décolonisation, de la liberté, de l’autodétermination et des droits de l’homme. Cet engagement s’applique en faveur de la cause du peuple sahraoui qui attend depuis près d’un demi-siècle que l’ONU lui rende justice », a martelé mardi Amar Bendjama.
« Si au Sahara occidental, l’occupation marocaine en avait réellement fait un paradis, avec ou non l’octroi de l’autonomie, pourquoi donc empêche-t-on ce référendum ? ».
Il a également réfuté les « accusations de terrorisme concernant le Polisario » : « Que cela ne trompe personne, car tous les pouvoirs hégémoniques ont toujours tenté de diaboliser les résistants et les militants de la liberté », a-t-il lancé, tout en transmettant les condoléances de son pays au Maroc touché par un séisme meurtrier.
« On ne peut pas verser des larmes de crocodile et en même temps attaquer un pays qui vit toujours dans un drame », a rétorqué l’ambassadeur marocain Omar Hilale, réclamant lui aussi plusieurs fois la parole pour répondre à son homologue algérien.
« Vous manifestez votre solidarité et votre soutien mais en même temps vous injectez votre venin, vous insultez les morts, vous insultez les Marocains », a-t-il déclaré.
Il a d’autre part répété que « l’initiative d’autonomie dans le cadre de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale du Maroc reste la seule voie pour tourner la page sur ce conflit régional fabriqué de toutes pièces ».
« Le Maroc est dans son Sahara et le restera jusqu’à la fin des temps », a-t-il insisté.
Les constantes de la position marocaine ont aussi été rappelées le 8 septembre à l’envoyé onusien Staffan de Mistura en visite dans les villes de Laâyoune et Dakhla, au Sahara occidental, la première du genre, bien qu’il ait effectué plusieurs tournées dans les pays de la région depuis sa nomination à son poste en octobre 2021, sans parvenir à relancer le processus politique en vue d’un règlement.
Enhardi par la reconnaissance par l’administration américaine de Donald Trump fin 2020 de sa souveraineté sur ce territoire en contrepartie d’une normalisation des relations diplomatique avec Israël, le Maroc déploie depuis une diplomatie de plus en plus offensive pour rallier d’autres pays à ses positions.
Rabat a notamment réussi à faire plier l’Espagne, qui, en mars 2022, a officiellement déclaré que l’initiative d’autonomie marocaine était « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution de ce différend ». Ce qui vaut depuis à Madrid une crise diplomatique sans précédent avec l’Algérie.
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