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Les frictions Algérie-Maroc menacent la fourniture de gaz à l’Espagne

Si les Algériens se passaient du gazoduc Maghreb-Europe passant par le Maroc, « ils en seraient les plus grands perdants », préviennent plusieurs experts
Le ministre des Affaires étrangères espagnol José Manuel Albares s’est rendu ce jeudi en Algérie, premier fournisseur de gaz de son pays, pour discuter du dossier (AFP/Farooq Naeem)
Le ministre des Affaires étrangères espagnol José Manuel Albares s’est rendu ce jeudi en Algérie, premier fournisseur de gaz de son pays, pour discuter du dossier (AFP/Farooq Naeem)
Par AFP

Depuis un quart de siècle, l’Algérie expédie vers l’Espagne des milliards de mètres cubes de gaz naturel via un gazoduc traversant le Maroc mais ce contrat est menacé par l’escalade des tensions entre les deux voisins du Maghreb.

Alger affiche depuis fin août son intention de fermer le robinet à l’expiration de ce contrat le 31 octobre, ce qui, selon les experts, pourrait compromettre la fourniture de gaz à l’Espagne, à l’approche de l’hiver, dans un contexte de forte hausse des prix dans toute l’Europe.

Le ministre des Affaires étrangères espagnol José Manuel Albares s’est rendu ce jeudi en Algérie, premier fournisseur de gaz de son pays, pour discuter du dossier.

En dépit de crises récurrentes entre Alger et Rabat, le pipeline GME (Gaz Maghreb Europe) inauguré en 1996 et qui relie sur 1 400 km les gisements de l’Algérie, le plus gros exportateur de gaz d’Afrique, à la péninsule ibérique, a convoyé environ dix milliards de mètres cubes par an (pour une capacité de 13,5 milliards).

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« Il est très improbable qu’un accord soit conclu pour prolonger le contrat GME […] Difficile d’imaginer des négociations au vu du manque de canaux diplomatiques entre Rabat et Alger », analyse pour l’AFP Geoff Porter, expert en géopolitique du Maghreb.

Fin août, l’Algérie a en effet rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, invoquant des « actions hostiles » du royaume, une décision « complètement injustifiée », selon Rabat. 

La crise a éclaté peu après la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, en échange de la reconnaissance par les États-unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

Alger, qui appuie les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, répète régulièrement de son côté son soutien à la « cause palestinienne ».

Selon les experts, le transit du gaz par le GME est avantageux pour les deux voisins.

Alger bénéficie d’une route à bas coûts pour environ la moitié de ses exportations vers Espagne et Portugal.

En contrepartie, Rabat reçoit annuellement près d’un milliard de m3 de gaz naturel, ce qui représente 97 % de ses besoins, selon M. Porter. La moitié sont des droits de passage payés en nature, l’autre en gaz acheté à un prix avantageux, selon les experts.

Deux options pour Alger

Alger a décidé de frapper Rabat là où il pense faire mal : au portefeuille.

Mais « l’Algérie a des obligations [envers l’Espagne et le Portugal] et ne peut se priver des revenus internationaux de ces contrats », souligne à l’AFP Roger Carvalho, analyste du cabinet SPTEC.

Si les Algériens se passaient de ce gazoduc, « ils en seraient les plus grands perdants », affirme sous couvert d’anonymat un expert marocain de l’énergie selon lequel l’Algérie « risque de perdre des milliards de dollars ». 

Les gazoducs de l’Algérie vers l’Europe (MEE/Mohamad Elaasar)
Les gazoducs de l’Algérie vers l’Europe (MEE/Mohamad Elaasar)

L’an dernier, la redevance pour le transit du gaz algérien sur son territoire a rapporté au Maroc environ 50 millions de dollars, affirme le spécialiste marocain.

Sans le GME, Alger dispose de deux options qui ont chacune des inconvénients.

Le gazoduc sous-marin Medgaz achemine depuis 2011 du gaz algérien jusqu’à l’Espagne mais il opère déjà au maximum de sa capacité de 8 milliards de m3 par an, soit la moitié des exportations algériennes annuelles vers Espagne et Portugal.

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Le groupe étatique algérien Sonatrach et son partenaire espagnol Naturgy ont prévu d’accroître la capacité à dix milliards de m3 par an mais cela ne suffira pas.

L’autre choix serait d’expédier davantage de gaz naturel liquéfié par voie maritime. Néanmoins, « cela n’a pas de sens sur le plan économique », selon M. Porter.

« Pour priver le Maroc de sa principale source d’approvisionnement en gaz, l’Algérie va potentiellement perdre une partie de ses recettes d’exportation de gaz », souligne-t-il.

De son côté, explique l’expert, le Maroc qui utilise le gaz du GME pour alimenter des centrales thermiques fournissant au moins 10 % de son électricité pourrait devoir compenser par une hausse de ses importations de charbon.

Autre conséquence d’un arrêt du GME, une possible perturbation des approvisionnements espagnols. L’Algérie a donné des « garanties » aux Espagnols, selon Madrid, pour que « les importations en provenance d’Algérie ne soient pas compromises » par la crise avec le Maroc. 

Reste qu’« à long terme, utiliser le gaz comme arme économique n’est pas un bon calcul pour l’Algérie », selon l’expert Carvalho car l’Espagne pourrait être tentée de réduire sa dépendance à l’Algérie et diversifier ses sources.

Par Paul Raymond, à Tunis, avec les bureaux d’Alger, Rabat et Madrid 

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