La Tunisie et l’Algérie tentent d’apaiser les tensions autour du Sahara occidental
Les responsables tunisiens et algériens tentent de mettre un terme aux tensions qui ont éclaté entre les deux pays autour de la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.
Le ministre Tunisien des affaires étrangères Othman Jerandi et l’ambassadeur d’Algérie à Tunis Azouz Baalal se sont rencontrés mardi pour tenter d’apaiser les tensions après les échanges houleux de ces derniers jours.
Othman Jerandi a rappelé que son pays entretenait d’« excellentes relations » avec l’Algérie et renforcé la position de la Tunisie selon laquelle les relations entre la Tunisie et Alger ne peuvent être altérées par « des positions non officielles qui n’engagent en rien la Tunisie ».
Cette rencontre est survenue au lendemain des propos tenus par l’ancien ministre tunisien des Affaires étrangères Ahmed Ounaies sur une radio privée, où il a critiqué le rôle de l’Algérie concernant l’évolution de la situation au Sahara occidental. L’Algérie appelle au respect du droit à l’autodétermination.
« L’Algérie a joué avec le feu et a amené le Maroc à accélérer le processus de normalisation des relations avec Israël ainsi que la scission de la région du Maghreb », a déclaré Ahmed Ounaies, provoquant un tollé dans l’opinion publique algérienne.
Le Maroc a normalisé ses relations avec Israël dans le cadre de l’accord en vertu duquel Washington reconnaît la souveraineté de Rabat sur le Sahara occidental, un territoire contesté.
Ahmed Ounaies, qui a officié au sein du gouvernement de Mohammed Ghannouchi en 2011, a également déclaré que l’Algérie s’était « retournée contre le Maroc et la Tunisie après la fin de la période coloniale » et avait annexé des terres de ses voisins.
Bien qu’Alger n’ait pas officiellement répondu aux propos d’Ahmed Ounaies, Othman Jerandi a tenté d’empêcher l’escalade des tensions en confirmant « la fierté [de son pays] d’entretenir des relations fraternelles avec l’Algérie ».
L’Algérie, une « grande sœur » protectrice
Selon l’analyste tunisien Youssef Cherif, qui dirige le Columbia Global Center de Tunis, ce n’est pas la première fois qu’Ahmed Ounaies se livre à ce genre de propos à l’encontre de l’Algérie.
Il s’agit toutefois d’une position « partagée par les Tunisiens qui se souviennent des pressions exercées par l’Algérie sur le pays dans les années 1970 et 1980, lorsque les alliances de la guerre froide ont placé les deux voisins dans des camps opposés », indique-t-il.
« Il convient de rappeler qu’Ounaies appartient à la deuxième génération de diplomates tunisiens postcoloniaux qui ont été actifs entre les années 1960 et les années 1990 », explique Youssef Cherif à Middle East Eye.
« Mais beaucoup de Tunisiens pensent le contraire et considèrent l’Algérie comme une ‘’grande sœur’’ protectrice. »
Les propos d’Ahmed Ounaies font écho aux impressions partagées le mois dernier par l’ancien président Moncef Marzouki, qui estime que « le régime algérien a commis un crime envers son peuple, envers l’Union du Maghreb arabe et envers le peuple sahraoui ».
Il a également décrit les Sahraouis vivant dans les camps de Tindouf le long de la frontière algérienne comme des « otages ».
En Algérie, les déclarations de Marzouki contre le pays, ont également été très critiquées.
Malgré les rumeurs selon lesquelles la Tunisie pourrait être l’un des prochains États arabes à normaliser ses relations avec Israël, le Premier ministre Hichem Mechichi a déclaré que son pays n’avait pas l’intention de suivre les traces du Maroc.
Pour la Tunisie, « ce n’est pas une question [à] l’ordre du jour », a assuré Hichem Mechichi dans une interview accordée lundi à France 24, affirmant toutefois respecter le choix d’un « pays frère […] que nous aimons beaucoup ».
« En ce qui concerne Israël et la décision marocaine de normaliser ses relations, je pense qu’une majorité de Tunisiens sont du côté de l’Algérie », confie Youssef Cherif à MEE. « Je n’imagine guère de normalisation des relations entre la Tunisie et Israël. »
« L’opinion publique est contre, l’UGTT, un puissant syndicat, y est également opposée, et il sera donc difficile pour le régime démocratique en place en Tunisie d’imposer une telle démarche, comme le font les autocrates aux Émirats arabes unis ou au Maroc », poursuit-il.
La position de la Tunisie est celle que soutient l’Algérie, qui indique que la démarche du Maroc s’inscrit dans le cadre de « manœuvres étrangères visant à [la] déstabiliser » et qu’elle veille à maintenir son « soutien indéfectible à la juste cause » du peuple sahraoui.
Lundi, le ministère algérien des Affaires étrangères a publié un communiqué réitérant « son rejet catégorique de l’idéologie coloniale » ainsi que « sa profonde conviction que le parachèvement de la décolonisation est inéluctable partout dans le monde ».
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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