Zéro médaille pour l’Algérie aux JO : les raisons d’une débâcle
« Même la Syrie, un pays en guerre, a gagné une médaille. » Sur les réseaux sociaux et dans les médias, la déception est grande face au bilan des athlètes algériens revenus de Tokyo sans la moindre médaille.
Un jour avant la clôture des Jeux olympiques, samedi, le dernier espoir algérien s’est évaporé avec l’élimination de la karatéka Lamya Matoub, dernière représentante de la délégation algérienne.
Même l’agence de presse officielle, APS, ne peut s’empêcher de revenir sur ce bilan désastreux : « Engagés dans quatorze disciplines, les athlètes algériens ont commencé à trébucher, un à un, dès leur entrée en compétition, se faisant éliminer au stade des qualifications. »
« Jadis grands pourvoyeurs de médailles pour l’Algérie, la boxe (huit athlètes), l’athlétisme (huit) et le judo (deux) sont pratiquement tous passés à côté de la plaque. Parmi eux, seuls l’athlète du triple saut, Yasser Mohamed-Tahar Triki, et la boxeuse Imène Khelif se sont relativement distingués en terminant à la cinquième place de leurs épreuves », poursuit l’organe officiel.
« Si cette fois, l’Algérie ne figure même pas parmi la centaine de nations qui ont arraché au moins une médaille de bronze, c’est que la déliquescence du sport national a atteint un niveau jamais égalé », écrit le site d’information TSA.
Ambiance délétère
« Au moment où des nations progressent et décrochent des médailles, le sport national est en nette régression, pour ne pas dire déperdition », réagit le quotidien Liberté, ajoutant : « L’exemple le plus édifiant nous provient du voisin tunisien qui, en dépit de la conjoncture actuelle difficile que traverse le pays et des moyens financiers limités, a réussi à glaner deux médailles [or et argent], de surcroît par des athlètes jeunes et inconnus au bataillon. »
Les raisons de cet échec sont nombreuses, des conditions de préparation des athlètes à la « bureaucratie » et aux lourdeurs de toute une politique.
« La débâcle était attendue avec tout ce qu’on a vu ces dernières années : tiraillements au sein des fédérations ou entre celles-ci et le gouvernement [ministère de la Jeunesse et des Sports], athlètes qui se plaignent publiquement du manque d’infrastructures et de financements », soutient, de son côté, TSA.
Car l’ambiance délétère qui a imprégné l’organisation et la préparation aux JO a même poussé les athlètes algériens à sortir de leurs réserves, comme le souligne le quotidien El Khabar : « N’ayant plus peur des mesures revanchardes de leurs responsables, ces sportifs ont présenté des preuves de la très mauvaise préparation, rendant responsables de ces échecs les élus du Comité olympique. »
« Au-delà de la pandémie, la préparation a été perturbée par la bureaucratie. La pandémie a été très mal gérée. Les grandes nations sportives se sont arrêtées entre quinze et vingt jours. Chez nous, la décision d’arrêter les entraînements pendant neuf mois est criminelle. Scientifiquement, tous les entraîneurs disent qu’au-delà de trois jours d’arrêt d’entraînement, c’est la chute libre de la forme de l’athlète de haut niveau », a tranché Raouf Salim Bernaoui, escrimeur et ancien ministre de la Jeunesse et des Sports.
Mais au-delà des couacs de l’organisation et de la préparation, cette débâcle aux JO révèle un malaise plus général, touchant le politique : « Le verrou principal qui bloque le développement du sport en Algérie, c’est la présence étouffante du pouvoir politique et administratif », juge le chef de la rubrique sportive du quotidien El Watan, Yazid Ouahib.
« Les médailles ne tomberont pas du ciel. Elles sont le fruit d’une vraie politique sportive inscrite dans la durée et où seuls le mérite et la compétence auront droit de cité », plaide le journaliste d’El Watan.
Interrogé par le même journal, l’ancien président de la fédération algérienne d’athlétisme, Amar Bouras, énumère plusieurs dysfonctionnements dans la politique du sport du pays.
Il cite les « perturbations » et « l’instabilité » au sein des instances dirigeantes, à l’instar du Comité olympique algérien, la quasi-disparition de l’éducation physique à l’école, le manque d’infrastructures « performantes et pratiques », le manque de cadres qualifiés pour la haute performance, la déconnexion entre les clubs ou les ligues, au niveau régional, et les fédérations nationales, entre autres.
« Les instances sportives souffrent de plusieurs dysfonctionnements et des solutions radicales sont nécessaires, à commencer par dévoiler ces opportunistes qui profitent du sport pour intégrer des instances internationales et profiter des avantages », appuie, pour sa part, El Khabar.
« Presque la totalité des aides publiques au sport vont au football, pour qu’à la fin le pays se trouve dépendant du produit de l’école française, des sommes qui partent en salaires immérités et en malversations », regrette, enfin, TSA.
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