Aller au contenu principal

Arabie saoudite : polémique après la performance « blasphématoire » de la rappeuse Iggy Azalea à Riyad

La chanteuse australienne fait l’objet de vives critiques pour ses paroles et sa performance sexualisée que beaucoup ont qualifiées d’anti-islamiques
La rappeuse australienne Iggy Azalea se produit au AT&T Center de San Antonio, Texas, le 9 septembre 2022 (AFP)

La rappeuse australienne Iggy Azalea fait l’objet de critiques pour ses paroles controversées sur les prophètes et pour avoir demandé au public de « se prosterner devant une déesse » lors de sa prestation en Arabie saoudite la semaine dernière.

Beaucoup ont qualifié ses paroles de blasphématoires et ont dénoncé le royaume pour avoir fait preuve d’un deux poids, deux mesures en autorisant la tenue d’un spectacle décrié comme anti-islamique.

La prestation d’Iggy Azalea vendredi dernier lors du tournoi d’esports Gamers8 dans la capitale saoudienne Riyad comprenait la chanson Goddess, qu’elle a commencé en s’exclamant devant le public : « Mesdames, faites du bruit, c’est un monde de femmes ! »

Ses paroles ont été largement condamnées pour leur contradiction avec les valeurs islamiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du royaume saoudien, en particulier pour ces mots : « prêchant au sujet des prophètes, aucun homme ne peut nous arrêter, prosternez-vous devant une déesse ».

Cette performance a eu lieu dans le cadre des efforts d’ouverture au monde du divertissement de l’Arabie saoudite, conformément au programme Vision 2030 du prince héritier Mohammed ben Salmane, qui vise à diversifier l’économie du royaume en l’éloignant du pétrole et en accueillant davantage de touristes.

Le spectacle a toutefois choqué en raison du langage utilisé, d’autant que l’Arabie saoudite a déjà emprisonné des personnes pour avoir encouragé « l’apostasie, l’impiété et l’athéisme ».

De nombreux utilisateurs des réseaux sociaux ont exprimé leur opinion sur le concert en ligne.

« L’Arabie saoudite vient de condamner à mort l’utilisateur d’un compte Twitter anonyme comptant dix abonnés pour avoir critiqué Mohammed ben Salmane. Pendant ce temps, Iggy Azalea a donné un concert à Riyad où elle s’est moquée d’Allah et de ses prophètes devant des milliers de personnes », a écrit l’un d’eux sur X (anciennement connu sous le nom de Twitter).

Arabie saoudite : Soundstorm, le festival de musique électro controversé qui attire les DJ par centaines
Lire

« Et non, personne ne dit qu’Iggy Azalea devrait être exécutée, le fait est que cela montre les priorités d’un dirigeant lorsqu’il considère que se moquer de lui est un crime plus grave que le blasphème », ajoute-il.

Un utilisateur des réseaux sociaux a même traité Azalea de « prostituée » et de « star du porno d’OnlyFans ». Pour beaucoup de détracteurs, les paroles sont une violation flagrante des normes islamiques et culturelles de l’Arabie saoudite, royaume considéré comme conservateur, gardien des lieux les plus saints de l’islam.

Pendant plusieurs décennies, un Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice avait pour mandat de combattre la frivolité et de surveiller les mœurs, tant dans la sphère publique que privée. C’est en partie à cause de cet héritage que la performance fait l’objet de nombreux débats.

« Problème de costume »

Le concert d’Iggy Azalea a également été critiqué pour le choix vestimentaire controversée de la rappeuse. Après le début de sa chanson, son pantalon s’est déchiré au niveau de la cuisse, apparemment un problème de costume, entraînant les huées du public.

Un membre de l’équipe de production est immédiatement intervenu sur scène pour fournir à la chanteuse une couverture afin de couvrir ses jambes. Mais peu de temps après, elle a quitté la scène après avoir reçu l’ordre de se changer.

« C’est du kufr [athéisme], du shirk [idolâtrie] flagrant prononcé sur scène, et les musulmans dans le public le répétaient »

- Un internaute

Sur X, Iggy Azalea a révélé que bien qu’elle ait changé de tenue, les autorités saoudiennes ont interrompu le concert à cause de ses paroles, qui, dit-elle, leurs ont fait « péter un plomb ».

Les utilisateurs des réseaux sociaux n’ont pas tardé à critiquer non seulement les organisateurs du concert, mais aussi les participants.

L’un d’entre eux a déclaré : « C’est du kufr [athéisme], du shirk [idolâtrie] flagrant prononcé sur scène, et les musulmans dans le public le répétaient ».

Certains ont également noté qu’Azalea et son équipe auraient dû connaître les risques et possibles répercussions d’un spectacle en Arabie saoudite.

« Où sont tous les cheikhs ?

L’incident a déclenché un débat en ligne sur le caractère approprié ou non de la performance de la chanteuse et la sensibilité culturelle au sein de l’industrie du divertissement saoudienne.

Se demandant comment un tel spectacle contraire aux valeurs islamiques avait pu avoir lieu dans le royaume, un internaute a écrit moqueusement : « Où sont tous les cheikhs saoudiens qui peuvent aborder ce sujet ? Ils sont tous en prison. »

« Fashion-washing » : comment l’Arabie saoudite utilise la haute couture pour redorer son image
Lire

Ces dernières années, l’Arabie saoudite a pris des mesures en faveur de la libéralisation culturelle, notamment en autorisant des chanteurs et rappeurs occidentaux à se produire à Riyad et à Djeddah, tels que les Black Eyed Peas, Sean Paul, Enrique Iglesias ou encore David Guetta.

Les efforts visant à moderniser le royaume ont suscité les critiques des organisations de défense des droits de l’homme, qui ont critiqué le prince héritier pour son deux poids, deux mesures, affirmant que les citoyens saoudiens ne jouissaient pas des mêmes libertés que les touristes et que le royaume utilisait le divertissement pour détourner l’attention de ses crimes.

Pendant ce temps, les autorités continuent d’appliquer des mesures strictes contre des responsables religieux, les militants des droits de l’homme et les dissidents politiques qui expriment des critiques à l’égard du royaume sur les réseaux sociaux.

Traduit de l’anglais (original).

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].