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L’Arabie saoudite interdit la diffusion des prières du Ramadan… avant de rétropédaler sous le feu des critiques

Le ministère saoudien des Affaires islamiques avait annoncé l’interdiction de la captation et de la diffusion des prières dans les mosquées de La Mecque et Médine lors du mois sacré, entraînant colère et incompréhension
Les fidèles musulmans font les prières du soir (tarawih) lors du Ramadan à la Grande Mosquée de La Mecque, en Arabie saoudite, le 9 mai 2021 (AFP)

L’Arabie saoudite a confirmé qu’elle continuerait à diffuser sans interruption les images des deux mosquées saintes de La Mecque et Médine. Peu avant, une annonce interdisant la captation des prières avait provoqué l’indignation sur internet.

Mercredi, le ministère des Affaires islamiques, de la Dawa et de l’Orientation a annoncé que les mosquées du pays ne seraient pas autorisées à filmer les prières et à les diffuser aux médias lors du Ramadan, qui commence le 1er avril.

L’information apparaissait dans une déclaration plus générale donnant des conseils aux employés des mosquées lors du mois sacré des musulmans. 

La publication exhortait le personnel « à ne pas utiliser d’appareils photo dans les mosquées pour photographier l’imam et les fidèles qui font leur prière et de ne pas transmettre les prières ou les diffuser aux médias en tous genres ». 

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Par ailleurs, elle encourageait les fidèles à éviter d’amener des enfants susceptibles de perturber les prières et informait les personnes ayant des projets pour l’iftar (le repas de rupture du jeûne) qu’elles devaient soumettre des demandes au ministère pour approbation préalable.

Si cette publication était assez banale, les conseils à propos de la captation et de la diffusion depuis les mosquées ont suscité la confusion. 

Lors du Ramadan, il n’est pas rare que les musulmans à travers le monde regardent les images tournées en direct de la Grande Mosquée de La Mecque, tandis que les fidèles marchent autour de la Kaaba (édifice au centre de la mosquée al-Haram à La Mecque) et participent aux prières quotidiennes sur le site le plus saint de l’islam. 

Il est également monnaie courante lors du mois sacré de regarder les diffusions en direct depuis la Masjid al-Nabawi (mosquée du Prophète), le second lieu le plus saint de l’islam, dans la ville de Médine, dans le sud de l’Arabie saoudite.

Cette publication ne faisait pas spécifiquement référence à La Mecque ou Médine, soulevant des interrogations à propos de ces deux villes. Cependant, Haramain Sharifain, la publication officielle des deux mosquées, a confirmé jeudi que la couverture se poursuivrait sans interruption.  

Il est assez rare que la captation ou la diffusion soit réalisée depuis d’autres mosquées en Arabie saoudite, ce qui soulève des questions quant au mobile de cette annonce.

Réactions négatives sur les réseaux sociaux

Plusieurs activistes et internautes ont critiqué cette décision d’interdire la diffusion publique des prières. 

«Après les invitations à [la chanteuse américaine] Nicki Minaj, les raves “géantes” dans le désert, les plages bikini, le retrait de l’éducation islamique du cursus scolaire et l’interdiction des haut-parleurs dans les mosquées, [le prince héritier saoudien Mohammed] ben Salmane interdit à tous les médias de diffuser les prières lors du Ramadan », a tweeté le commentateur Sami Hamdi, en faisant référence à plusieurs récentes initiatives controversées dans le royaume.

Hamdi a publié un fil sur Twitter affirmant qu’il s’agissait là d’un autre exemple où l’Arabie saoudite publie délibérément un communiqué vague pour surveiller les réactions et rétropédaler en cas de critiques. 

Il a cité un exemple remontant au début de l’année, lorsque le royaume a restreint l’utilisation de haut-parleurs externes dans les mosquées, avant de confirmer que cela ne s’appliquerait pas aux prières hebdomadaires du vendredi. 

Traduction : « Waouh, c’est de loin l’une des initiatives les plus téméraires/folles des autorités saoudiennes jusqu’à présent, interdire la diffusion de prières en assemblée lors du mois de Ramadan à tous médias quels qu’ils soient. »

« Êtes-vous sûrs qu’il s’agit du [ministère des] Affaires islamiques et non des Croisades ?! », a ironisé un internaute. 

https://twitter.com/basrova/status/1506755601577168896?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1506755601577168896%

Traduction : « Donc le ministère des Affaires islamiques en Arabie saoudite a interdit la diffusion en direct des prières lors du Ramadan.
Pendant ce temps, de nouvelles séries et films sortent à chaque Ramadan sur les chaînes de télé détenues par les Saoudiens 🤔 »

Certains détracteurs estiment que sous l’égide de Mohammed ben Salmane, l’Arabie saoudite s’est détournée de ses principes islamiques. 

En décembre, le royaume a été critiqué par les conservateurs après avoir accueilli le festival de musique MDL Beast, qui a vu des centaines de milliers d’hommes et de femmes danser ensemble au cours d’un événement décrit comme une « rave géante ». 

Le prince héritier a provoqué l’émoi en avril dernier lorsqu’il a établi des distinctions entre différents types de hadiths (recueil des actes et paroles du prophète) et a fait des remarques quant à la pertinence du théologien et intellectuel Mohammed ben Abdelwahhab. 

Au milieu du XVIIIe siècle, Wahhab conclut une alliance avec l’émir de Dariya, Mohammed ben Saoud, qui l’aida à établir le premier État saoudien. L’alliance et l’accord de partage du pouvoir entre les deux familles perdure jusqu’à nos jours.

Le mois dernier, l’Arabie saoudite a lancé un nouveau « jour fondateur », ce qui a été considéré par certains comme une tentative visant à diminuer le rôle du wahhabisme dans le royaume.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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