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La cyberagence de l’OCI collabore avec Huawei malgré sa possible implication dans la répression des Ouïghours

Les militants des droits de l’homme « regrettent » le partenariat de l’Organisation de la coopération islamique avec l’entreprise dont le logiciel de reconnaissance faciale pourrait être utilisé pour identifier les Ouïghours
Un magasin Huawei à Pékin, en Chine (AFP)
Un magasin Huawei à Pékin, en Chine (AFP)

L’entreprise technologique chinoise Huawei fait désormais partie de l’agence de cybersécurité de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), malgré les inquiétudes largement médiatisées quant à son implication dans le développement de logiciels de surveillance pour une utilisation contre la minorité ouïghoure persécutée dans le pays.

Huawei a annoncé mercredi être la première entreprise technologique mondiale à rejoindre une équipe d’intervention d’urgence de l’Organisation de la coopération islamique connue sous le nom d’OIC-CERT, qui offre un soutien aux États membres touchés par les cyberattaques et les aide à développer leur potentiel en matière de cybersécurité.

« Cette adhésion permettra à Huawei de contribuer activement à l’écosystème mondial de la cybersécurité et de renforcer la cyberdéfense des États membres », assure la société dans un message sur son fil Twitter Huawei Middle East.

Ce partenariat a également été salué par Adel Almehairi, directeur de la Computer Emergency Response Team des Émirats arabes unis (aeCERT). Celui-ci a déclaré que Huawei avait « une solide expérience en ce qui concerne le fait de donner les moyens de procéder à des transformations numériques sûres et résilientes, que ce soit aux Émirats arabes unis ou dans le reste du monde ».

Selon des rapports, l’adhésion de Huawei à l’OIC-CERT a été parrainée par des agences de cybersécurité aux Émirats arabes unis et en Malaisie. Mais elle est susceptible de consterner davantage les militants qui critiquent déjà l’Organisation de la coopération islamique, un groupe de 57 pays dont la population est majoritairement musulmane, en raison de son incapacité à s’opposer au gouvernement chinois malgré les preuves croissantes, et la condamnation internationale, de la répression systématique ciblant les Ouïghours dans le nord-ouest du pays.

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Dolkun Isa, le président du Congrès mondial ouïghour, une organisation allemande de plaidoyer, confie à Middle East Eye avoir été surpris d’apprendre le partenariat.

« Il est regrettable que l’OCI, qui se présente comme “la voix collective du monde musulman”, collabore avec Huawei, dont il a été prouvé qu’elle coopère avec les autorités chinoises dans le génocide ouïghour en développant un logiciel de reconnaissance faciale qui pourrait identifier les Ouïghours dans une foule », a-t-il dit.

« Si l’OCI veut porter la voix du monde musulman, qui inclut le peuple ouïghour, elle devrait prendre position contre les crimes de la Chine, et non s’engager dans un partenariat avec l’une de ses entreprises. »

Des militants accusent Pékin de mener un génocide contre les Ouïghours et d’autres minorités musulmanes turciques dans la province du Xinjiang, connue par les Ouïghours sous le nom de Turkestan oriental. Des responsables américains sous la présidence de Joe Biden et celle de son prédécesseur, Donald Trump, ont également qualifié la situation de génocide.

Des organisations de défense des droits de l’homme affirment que plus d’un million de personnes ont été détenues et brutalement maltraitées dans des camps d’internement. La Chine nie les atteintes aux droits de l’homme et affirme que ces mesures visent à lutter contre le terrorisme et l’extrémisme religieux. Pékin décrit les camps comme des « centres d’enseignement et de formation professionnels ».

Huawei a été accusée de soutenir la répression du gouvernement chinois après la découverte d’un brevet déposé pour la technologie de reconnaissance faciale capable d’identifier les groupes ethniques, y compris les Ouïghours, et des documents qui semblaient décrire comment ce logiciel pourrait être utilisé pour envoyer des alertes aux autorités chinoises.

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Huawei nie que cette technologie a été conçue pour identifier les groupes ethniques et affirme qu’elle s’oppose à « l’utilisation de cette technologie pour perpétrer des discriminations ethniques ».

Mais un cadre européen a quitté Huawei à la suite de ces révélations, tandis que le footballeur Français Antoine Griezmann a rompu son contrat de sponsoring avec l’entreprise, invoquant de « forts soupçons » concernant son implication dans la répression chinoise.

Huawei est également visée par des sanctions américaines depuis 2019 pour des raisons de sécurité nationale et ses liens avec le gouvernement chinois.

L’OIC-CERT a été créée en 2009 par des agences de cybersécurité émiratie, saoudienne, tunisienne, nigériane, malaisienne et pakistanaise. 

Une affiche créée par l’OIC-CERT pour promouvoir la cybersécurité (OIC-CERT)
Une affiche créée par l’OIC-CERT pour promouvoir la cybersécurité (OIC-CERT)

Il s’agit d’une institution affiliée à l’OCI, bien que tous les États membres de l’Organisation de la coopération islamique ne soient pas membres de l’OIC-CERT. L’agence de cybersécurité d’Oman préside actuellement l’organisation, des agences des Émirats arabes unis, d’Iran, d’Égypte, d’Azerbaïdjan, d’Indonésie et de Malaisie composent le reste du conseil d’administration, selon son site

Parmi ses objectifs figurent « le renforcement des capacités et de la sensibilisation en matière de cybersécurité entre les pays membres » et « la promotion de la recherche collaborative, du développement et de l’innovation en matière de cybersécurité ».

Middle East Eye a contacté l’Organisation de la coopération islamique, mais un porte-parole a refusé de commenter. L’OIC-CERT et Huawei n’avaient pas répondu à nos sollicitations au moment de la publication.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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