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COP28 : les Émirats veulent profiter du sommet sur le climat pour conclure des accords pétroliers et gaziers

Selon des notes divulguées, les EAU, pays hôte de la COP28, envisagent de conclure des accords pétroliers et gaziers pendant le sommet, ce qui constituerait une violation grave des normes fixées par la convention-cadre de l’ONU sur les changements climatiques
Le président de la COP28, Sultan al-Jaber, lors du Sommet africain sur le climat 2023 à Nairobi, au Kenya, le 6 septembre 2023 (Reuters)

Des documents divulgués révèlent que les Émirats arabes unis envisagent de conclure des accords pétroliers et gaziers lors de la COP28, le sommet sur le climat qui commence ce jeudi à Dubaï, a rapporté lundi la BBC.

Les documents, qui ont été préparés pour le président désigné du sommet, Sultan al-Jaber, lequel est également PDG de la compagnie pétrolière publique des Émirats arabes unis, ADNOC, et de l’entreprise nationale d’énergies renouvelables, Masdar, révèlent des plans pour tenir des réunions présidées par Jaber avec au moins vingt-sept gouvernements étrangers au sujet d’éventuels accords pétroliers et gaziers avec ces deux sociétés.

Les documents contiennent un résumé des objectifs et des « points de discussion » – dont beaucoup ont été rédigés par ADNOC et Masdar – décrivant des propositions de développement conjoint de projets pétroliers et gaziers avec au moins quinze gouvernements, dont la Chine, la Colombie, l’Égypte et l’Allemagne.

Les propositions incluent un accord potentiel avec la Chine sur le gaz naturel liquéfié (GNL) au Mozambique, au Canada et en Australie.

Les notes suggèrent également que les Émirats arabes unis profiteront des négociations pour conclure des accords au nom de Masdar, incluant des points de discussion supplémentaires préparés pour des réunions avec vingt pays, dont le Royaume-Uni, les États-Unis, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Brésil, la Chine, l’Arabie saoudite, l’Égypte et le Kenya.

Les points de discussion proposés incluent la recherche du soutien du gouvernement britannique pour étendre un parc éolien au large de Sheringham, dans le Norfolk, dans lequel Masdar détient une participation.

Un autre suggère de demander le soutien du Brésil à la candidature d’ADNOC relative à la plus grande entreprise de traitement du pétrole et du gaz d’Amérique latine, Braskem.

Un autre encore propose d’informer les pays producteurs de pétrole que sont l’Arabie saoudite et le Venezuela qu’« il n’y a aucun conflit entre le développement durable des ressources naturelles d’un pays et son engagement en faveur du changement climatique ».

Obligation d’impartialité

Selon des courriels consultés par la BBC, le personnel de la COP28 a reçu pour instruction de respecter les points de discussion contenus dans toutes ces notes d’information. L’équipe de la COP28 aurait démenti cette allégation.

Faire des affaires pendant le sommet sur le climat constitue une violation grave des normes fixées par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), l’organisme onusien chargé des négociations sur le climat, qui insiste sur « l’obligation d’impartialité » du président de la COP et de ses équipes.

« Les sociétés de combustibles fossiles et leurs lobbyistes sont engagés dans une campagne systémique de distractions, d’obstructions, de manipulations et d’activités purement criminelles »

- Fadhel Kaboub, Power Shift Afrique

La série de propositions concernant de nouveaux développements pétroliers et gaziers contrevient également aux recommandations établies par l’Agence internationale de l’énergie, un organisme de surveillance mondial, qui stipule que si l’on veut maintenir la hausse de la température mondiale en dessous de 1,5 °C, il ne faut procéder à aucun nouveau développement pétrolier et gazier.

Abou Dabi fait déjà face à des critiques croissantes concernant son rôle d’hôte du sommet sur le climat, les Émirats arabes unis étant l’un des plus grands producteurs mondiaux de pétrole et de gaz.

La nomination de Jaber au poste de président du climat, le premier dirigeant du secteur pétrolier à assumer ce rôle, a suscité de vives critiques de la part des écologistes, qui y voient un conflit d’intérêts flagrant.

« D’une certaine manière, cela n’est pas surprenant », déclare à Middle East Eye Fadhel Kaboub, conseiller chez Power Shift Africa et président de l’Institut mondial pour la prospérité durable.

« Les sociétés de combustibles fossiles et leurs lobbyistes sont engagés dans une campagne systémique de distractions, d’obstructions, de manipulations et d’activités purement criminelles. Et je n’utilise pas le terme ‘’criminel’’ à la légère.

« Si nous prenions la science au sérieux, nous n’envisagerions pas d’ajouter de nouvelles infrastructures liées aux combustibles fossiles, nous négocierions plutôt un traité de non-prolifération des combustibles fossiles pour éliminer progressivement les infrastructures existantes dans un cadre de transition juste, cohérent et global », ajoute-t-il.

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En août, le Guardian a rapporté que les Émirats arabes unis n’avaient pas déclaré les émissions de méthane d’ADNOC à l’ONU pendant plus d’une décennie. L’entreprise a également fixé un objectif de fuite de méthane qui dépasse le niveau qu’elle prétendait avoir déjà atteint en 2022.

Le groupe de recherche Climate Action Tracker a dénoncé la stratégie énergétique des Émirats arabes unis pour 2050, la jugeant « insuffisante », dans la mesure où ses engagements en matière d’énergies renouvelables sont éclipsés par l’expansion prévue de ses investissements dans les services pétroliers et gaziers.

Consciente des critiques qui lui sont adressées concernant l’organisation du sommet et la présidence de Jaber, la société émiratie a engagé des lobbyistes américains pour redorer son blason.

L’équipe des Émirats arabes unis n’a pas nié utiliser les négociations de la COP pour des réunions d’affaires, affirmant que « les réunions privées sont privées ».

Dans une déclaration à la BBC, elle a déclaré : « Le Dr Sultan al-Jaber se concentre singulièrement sur les affaires de la COP et sur la production de résultats climatiques ambitieux et transformateurs lors de la COP28. »

Selon le communiqué, suggérer que le travail qu’il a entrepris n’a pas « été axé sur une action climatique significative » serait une « distraction ».

Traduit de l’anglais (original).

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