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Face à l’Union européenne, Rabat réaffirme sa souveraineté sur Ceuta et Melilla

Dans une lettre de protestation à la Commission européenne, le ministère marocain des Affaires étrangères affirme que les deux enclaves espagnoles « sont des villes marocaines »
Vue générale de l’enclave nord-africaine espagnole de Ceuta prise depuis la ville marocaine de Fnideq (AFP/Fadel Senna)
Vue générale de l’enclave nord-africaine espagnole de Ceuta prise depuis la ville marocaine de Fnideq (AFP/Fadel Senna)
Par MEE

Les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla sont encore une fois au cœur de tensions entre Madrid et Rabat.

Dans une lettre datée du 17 mai, adressée à la Commission européenne, révélée par le quotidien espagnol El País, le ministère marocain des Affaires étrangères déclare que Ceuta et Melilla « sont des villes marocaines ».

La missive intervient en protestation contre le vice-président de la Commission européenne chargé de l’immigration, Margarítis Schinás, pour « avoir à plusieurs reprises défendu que les deux villes nord-africaines sont la frontière entre l’Espagne et l’Union européenne », selon des médias.

D’après le journal El País, la note de protestation marocaine indique que Margarítis Schinás a fait une dizaine de « déclarations hostiles » à propos du Maroc « et des villes marocaines de Ceuta et Melilla ».

Cette déclaration, selon El País, viole l’engagement marocain à « éviter tout ce qui offense l’autre partie, d’autant plus que cela affecte les attentes respectives de souveraineté ».

Colère marocaine 

Une semaine avant l’envoi de cette lettre, et lors d’un forum européen sur la sécurité et la défense à Bruxelles, le vice-président a accusé le Maroc de recourir aux « menaces hybrides » et d’utiliser les immigrés comme « une arme », rapporte le média El Faro de Melilla.

Des sources diplomatiques européennes ont confié à El País leur « mécontentement » vis-à-vis de Rabat : « Ce n’est pas le comportement de respect et de subtilité qu’on attend d’un pays qui reçoit beaucoup d’aide [de l’Union européenne] ».

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La lettre du ministère des Affaires étrangères a affirmé que le responsable européen de nationalité grecque était l’auteur de « plusieurs déclarations hostiles envers le Maroc ».

« Au lendemain de l’afflux de milliers de Marocains vers Ceuta, enregistré les 17 et 18 mai 2021, Schinás avait assuré dans une interview accordée à une radio publique espagnole que ‘’Ceuta, c’est l’Europe, cette frontière est européenne, et ce qui se passe là-bas n’est pas seulement le problème de Madrid, c’est le problème de tous [les Européens]’’. Et d’ajouter que ‘’personne ne peut intimider ou faire chanter l’Union européenne’’ », rappelle le site d’information marocain Yabiladi.

La qualification par le Maroc de Ceuta et de Melilla comme « marocaines » contredit, selon des sources citées par El País, la Déclaration conjointe du 2 février qui avait sanctionné la 12e réunion de haut niveau Maroc-Espagne et qui insistait sur « le respect mutuel » entre Madrid et Rabat.

Tensions Rabat-Madrid

Les villes de Melilla et Ceuta, revendiquées par le Maroc, sont sous souveraineté espagnole depuis, respectivement, les XVIe et XVIIe siècles. Elles sont les seuls vestiges des territoires africains anciennement contrôlés par l’Espagne. Leur statut a, à plusieurs reprises, provoqué des tensions entre les deux pays.

En décembre 2020, par exemple, Madrid avait convoqué en urgence l’ambassadrice du Maroc à Madrid après des déclarations de l’ancien Premier ministre marocain sur Ceuta et Melilla.

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Dans des propos tenus sur la chaîne saoudienne Al-Sharq, le chef du gouvernement marocain, Saâdeddine el-Otmani, avait proposé d’ouvrir la question de la souveraineté sur ces territoires. « Ceuta et Melilla est une question qui doit s’ouvrir », avait déclaré le Premier ministre, « elle reste en suspens depuis cinq ou six siècles, mais un jour elle pourrait s’ouvrir. »

Le ministère espagnol des Affaires étrangères avait immédiatement convoqué l’ambassadrice du Maroc à Madrid, Karima Benyaich. « L’Espagne attend de tous ses partenaires le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de notre pays et elle a demandé [à l’ambassadrice] des explications sur les déclarations du Premier ministre marocain », indiquait le ministère espagnol dans un communiqué publié à la suite de l’entretien.

Plus récemment, en septembre 2022, et en réponse à la demande du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme concernant la mort, le 26 juin, de dizaines de migrants alors qu’ils tentaient d’accéder à Melilla, le ministère de l’Intérieur marocain a affirmé que « le Maroc n’a pas de frontières terrestres avec l’Espagne ».

La souveraineté espagnole sur Ceuta et Melilla n’est reconnue ni par l’Union africaine, ni par l’Organisation de la coopération islamique, ni par la Ligue arabe, ni par l’organisation de l’Union du Maghreb arabe

La souveraineté espagnole sur Ceuta et Melilla n’est reconnue ni par l’Union africaine, ni par l’Organisation de la coopération islamique, ni par la Ligue arabe, ni par l’organisation de l’Union du Maghreb arabe.

Ces organisations considérent que l’Espagne doit décoloniser ces territoires et les restituer au Maroc. Cette souveraineté espagnole est, en revanche, reconnue par les textes d’adhésion de l’Espagne à la Communauté européenne.

Les terres espagnoles en Afrique du Nord ne font cependant pas partie des territoires à décoloniser selon la liste officielle de l’ONU.

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