« Les frontières tuent » : des manifestations en Espagne et à Rabat pour protester après le drame de Melilla
À Barcelone, Malaga, Vigo, Saint-Sébastien ou La Corogne ou dans la ville même de Melilla où s’est déroulée la tragédie, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à l’appel de nombreux collectifs qui voulaient dénoncer « les politiques migratoires, matérialisées dans la brutalité policière et la militarisation des frontières ».
Dans la capitale marocaine, quelques dizaines de représentants du Collectif des communautés subsahariennes au Maroc et d’associations d’aide aux migrants ont manifesté devant le parlement pour que Rabat « cesse de jouer le rôle du gendarme de l’UE ».
« Nous demandons l’arrêt de la politique migratoire financée par l’Union européenne, l’ouverture d’une enquête indépendante et la restitution des corps aux familles », a expliqué le militant Mamadou Diallo.
« Les Européens nous ont colonisés et nous ont tout pris pour se développer. Aujourd’hui, si nous partons chez eux, c’est que nous avons le droit de partir », a estimé M. Diallo.
La justice marocaine a engagé des poursuites contre 65 migrants en situation irrégulière, en majorité des Soudanais, accusés d’avoir pris part à la tentative d’entrée massive il y a une semaine dans l’enclave de Melilla à partir du Maroc.
Cette tentative de passage en force a fait 23 morts parmi les migrants, selon les autorités marocaines, « au moins 37 », selon des ONG.
Ce bilan humain est le plus lourd jamais enregistré aux frontières entre le Maroc et Ceuta et Melilla, les seules frontières de l’UE sur le continent africain, et il a provoqué l’indignation internationale, avec notamment des propos d’une sévérité rare de la part de l’ONU, ainsi que l’ouverture de deux enquêtes en Espagne et une mission d’information au Maroc.
Le « gendarme de l’UE »
À Madrid, plusieurs centaines de personnes ont repris les slogans du mouvement Black Lives Matter et scandé « Aucun être humain n’est illégal ! », « Les antiracistes sont là ! » ou encore « Union européenne, responsable criminelle ! » et brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Les frontières tuent ».
« Ce pays me fait honte », a lâché Carmen Reco, 77 ans présente après cette « injustice qui a donné lieu à l’assassinat de migrants parce qu’ils essayaient d’entrer en Espagne ».
Renzo Rupay, qui travaille dans les transports, a été choqué par « les images de la frontière » : « Moi aussi, je suis un migrant, arrivé avec des papiers enfant. Tout le monde n’a pas la possibilité d’arriver légalement en Espagne », explique cet homme de 28 ans, énervé que Madrid « rejette la faute » sur des pays comme le Maroc.
« Ce n’est pas normal qu’autant de gens meurent. On parle de vies humaines, de gens qui fuient la guerre et on les tue à la frontière », surenchérit Eva Ruiz, une étudiante de 24 ans.
Selon Rabat, les victimes ont péri « dans des bousculades et en chutant » du haut de la grille métallique qui sépare le Maroc de Melilla, au cours d’un « assaut marqué par l’usage de méthodes très violentes de la part des migrants ».
Mais des images étaient rapidement apparues, celles de « corps jonchant le sol dans des mares de sang, de membres des forces de sécurité marocaines frappant des gens et de membres de la Garde civile espagnole tirant du gaz lacrymogène sur des hommes accrochés à des grillages », selon l’ONG Human Rights Watch (HRW).
Ce nouveau drame migratoire aux portes de l’UE survient après que Madrid et Rabat ont normalisé à la mi-mars leurs relations à la suite d’une brouille diplomatique de près d’un an à propos de la question du territoire disputé du Sahara occidental.
Pour Madrid, cette normalisation a pour but principal de s’assurer de la « coopération » de Rabat dans le contrôle de l’immigration illégale.
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