L’Astre d’Orient : Oum Kalthoum et la naissance de la diva arabe
Née Fatima Ibrahim es-Sayyed un 18 décembre 1898 dans un petit village du delta du Nil en Égypte, la fillette qui allait devenir Oum Kalthoum s’est fait un nom grâce à sa voix puissante avec laquelle elle chantait des odes religieuses.
Son père, un récitant du Coran, interprétait des chansons religieuses lors de mariages et d’occasions spéciales pour compléter les revenus de sa famille. Lorsque le talent de sa fille est devenu évident, il a commencé à l’emmener avec lui pour qu’elle se produise.
À l’époque, il était rare de voir des filles assister à de tels rassemblements, et a fortiori y chanter, en particulier au sein des communautés conservatrices. Néanmoins, le père d’Oum Kalthoum, qui avait remarqué la voix prodigieuse de sa fille, la déguisait en garçon pour lui permettre de se produire.
(Illustrations : Mohamad Elaasar)
Malgré les tabous sociaux empêchant les femmes de chanter, Oum Kalthoum impressionnait son père par sa capacité à distinguer les différentes tonalités et par sa profondeur musicale, capable de captiver le public. Pour donner à sa fille toutes les chances de développer son potentiel, il l’a installée au Caire en 1923, où elle s’est formée auprès de certains des meilleurs poètes, musiciens et professeurs d’Égypte.
Au Caire, Oum Kalthoum a commencé à diversifier sa palette de chansons, passant de chants exclusivement religieux à des titres arabes classiques. Son style vestimentaire a également changé : les tenues traditionnelles ont laissé place à des tenues davantage influencées par les courants européens.
Tout le monde au Caire ne s’est pas immédiatement attaché à Oum Kalthoum, en raison de ses origines paysannes et de son comportement considéré comme vulgaire et rustre. Mais la force de sa voix et ses dons d’interprète ont peu à peu gagné le cœur des sceptiques.
Ses prestations dans des lieux plus modestes lui ont permis de chanter sur des scènes plus importantes, jusqu’à être invitée à se produire sur la radio d’État égyptienne dans les années 1930. Elle a ainsi gagné sa place parmi les meilleures chanteuses du monde arabe : avant l’avènement de la télévision dans les années 1940 et 1950, il était courant de voir des familles patienter devant la radio pour ne pas manquer ses chansons.
Les passages d’Oum Kalthoum à la radio étaient hebdomadaires et ses concerts diffusés duraient parfois jusqu’à cinq heures d’affilée. Ils étaient l’occasion pour son public d’échapper aux problèmes de la vie quotidienne et à l’instabilité politique. Même si elle était avant tout une chanteuse, Oum Kalthoum a également joué dans un certain nombre de films, principalement des comédies musicales.
Si ses chansons étaient principalement influencées par la poésie arabe traditionnelle et les thèmes de l’amour et de la nostalgie qui y sont associés, la seconde moitié de sa carrière a été fortement marquée par les sentiments nationalistes dominants.
Le président égyptien Gamal Abdel Nasser, deuxième dirigeant républicain du pays, diffusait souvent ses discours sur fond de chansons d’Oum Kalthoum, tandis que la chanteuse elle-même effectuait des tournées en Europe afin de lever des fonds pour son pays lors des conflits avec Israël.
Oum Kalthoum a continué de se produire jusque dans les années 1970. La chanteuse commençait alors à souffrir de problèmes rénaux. Elle est décédée en 1975 des suites d’une insuffisance rénale. Environ quatre millions de personnes ont assisté à ses funérailles en Égypte. Les participants ont porté son cercueil sur leurs épaules pendant des heures dans les rues.
Plusieurs décennies après sa mort, son héritage reste inégalé et à bien des égards, la chanteuse égyptienne demeure l’archétype de toutes les divas arabes. Ses chansons sont encore régulièrement diffusées à la télévision et à la radio, tandis que de nombreux chanteurs tentent de remixer ses titres pour le public moderne.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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