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L’Égypte mise sur les pèlerins pour développer la ville de Sainte-Catherine

Un ambitieux plan de réhabilitation vise à stimuler le tourisme dans une région longtemps négligée et universellement sacrée du Sinaï Sud
Des chameaux attendent le long d’un sentier menant à Sainte-Catherine, monastère orthodoxe grec du VIe siècle, près de la ville égyptienne du même nom, le 19 octobre 2018 (AFP)
Des chameaux attendent le long d’un sentier menant à Sainte-Catherine, monastère orthodoxe grec du VIe siècle, près de la ville égyptienne du même nom, le 19 octobre 2018 (AFP)
Par Amr Emam

L’Égypte a annoncé vouloir se lancer dans le développement de Sainte-Catherine, dans le Sinaï Sud, prêtant enfin attention à une zone précieuse négligée depuis des siècles. 

Le développement de la ville comprendra un grand nombre de projets visant à placer Sainte-Catherine sur la carte du tourisme international, presque pour la première fois. 

De son monastère, le plus ancien du monde ayant conservé sa fonction initiale, aux montagnes saintes de la ville, notamment le mont Sinaï et les incomparables sources de Moïse, Sainte-Catherine a beaucoup à offrir à ce monde.

« Sainte-Catherine a quelque chose à offrir aux croyants de toutes les religions célestes », affirme à MEE Ahmed Idriss, membre de la commission du tourisme au Parlement égyptien. « Elle peut être un symbole de tolérance et de coexistence entre toutes les religions et toutes les cultures. » 

Le plan de développement de Sainte-Catherine a été dévoilé pour la première fois par le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi fin septembre. 

Les consignes du président pour le développement de la région surviennent deux mois après la visite de différents quartiers de la ville par le Premier ministre Moustafa Madbouli. 

Sissi a ordonné aux agences concernées au sein de son gouvernement d’élaborer un projet pour développer pleinement la ville, un projet préservant sa spécificité religieuse tout en correspondant à son importance religieuse, culturelle et touristique. 

Peu d’hôtels et un aéroport vétuste

Malgré sa valeur pour les croyants de toutes les religions monothéistes, Sainte-Catherine a été négligée par les gouvernements successifs égyptiens pendant des décennies. 

La ville est située à environ 200 km au nord-ouest de Charm el-Cheikh, de loin la station balnéaire la plus développée et la plus célèbre d’Égypte. Toutefois, son emplacement n’a pas réussi à convaincre les gouvernements successifs d’allouer des fonds pour son développement. 

Sainte-Catherine dispose de peu d’hôtels, son aéroport est vétuste, et ses routes ont besoin d’être réparées.

Par ailleurs, le manque d’hébergement dans la ville prive ses visiteurs de la possibilité d’y faire un séjour prolongé. 

En raison du délabrement de son aéroport, il est également difficile pour les visiteurs étrangers de s’y rendre directement depuis leur pays d’origine. 

Peu de routes relient Sainte-Catherine au reste du Sinaï Sud, sans parler du reste de l’Égypte, la dissimulant au vu et au su de tous, même des visiteurs qui cherchent à s’aventurer hors des sentiers battus.

« Le manque d’hôtels et d’infrastructures adéquats dans cette ville a repoussé les touristes et affecté le niveau de services que la ville est en mesure d’offrir à ses visiteurs », a déclaré à MEE Sami Suleiman, chef de la section tourisme de l’Association des investisseurs, un syndicat d’investisseurs du pays.

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L’Égypte surnomme le plan de développement de Sainte-Catherine « La grande révélation ». 

Il comprendra la remise en état de son aéroport afin qu’il puisse accueillir des vols internationaux, selon les données publiées par le cabinet égyptien à propos du projet. 

Un vol sera opéré quotidiennement vers la ville depuis la capitale égyptienne, Le Caire. Il y aura également des vols hebdomadaires depuis la capitale grecque, Athènes. 

Le monastère Sainte-Catherine, classé au patrimoine mondial depuis 2002, sera restauré. La bibliothèque du monastère, la deuxième plus grande après celle du Vatican, figure également dans ce projet de restauration. La bibliothèque contient des milliers de manuscrits rares et anciens. 

Les vieux lampadaires sur la route menant au monastère seront enlevés et remplacés par un éclairage moderne. 

À l’entrée du monastère, une nouvelle barrière de sécurité sera installée pour surveiller les entrées. 

Un spectacle son et lumière

Le jardin du monastère, qui contient certains des arbres parmi les plus anciens du monde, sera réagencé de manière à sublimer sa beauté naturelle. Les antiques sources et puits d’eau du jardin seront également restaurés. 

En dehors du monastère et dans d’autres quartiers de Sainte-Catherine, de nouveaux hôtels seront créés pour répondre aux goûts et aux budgets des futurs visiteurs. 

Il y aura également un certain nombre de bazars qui feront étalage des marchandises produites par les Bédouins de Sainte-Catherine, des restaurants servant la cuisine bédouine locale ainsi que d’autres restaurants et des points de vente répondant aux besoins des touristes. 

« Ce projet de développement vise à aider Sainte-Catherine à occuper la place qu’elle mérite sur la carte du tourisme international »

- Abdel Rahim Rihan, ministère du Tourisme et des Antiquités dans le Sud-Sinaï

« Ce projet de développement vise à aider Sainte-Catherine à occuper la place qu’elle mérite sur la carte du tourisme international », a déclaré à MEE Abdel Rahim Rihan, chef de la section recherche et études du ministère du Tourisme et des Antiquités dans le Sinaï Sud. 

Les administrations chargées du tourisme ont élaboré de nombreux projets pour la région, y compris l’introduction d’un spectacle son et lumière dans les environs du monastère Sainte-Catherine, tirant profit de la montagne et du caractère géographique unique de la ville.

Ils veulent aussi établir un téléphérique au-dessus des montagnes des différents sites de Sainte-Catherine. 

Une grande mosquée, appelée mosquée de la Révélation, a été affectée à la région. Le ministère des Dotations religieuses et les autorités du Sinaï Sud ont déjà alloué 30 millions de livres égyptiennes (presque 2 millions d’euros) à la construction du site. 

Le nouveau projet de développement de Sainte-Catherine survient alors que l’Égypte tente d’augmenter les revenus du secteur touristique et de miser sur les différents produits qu’une croissance de ce secteur peut offrir. 

Le tourisme est d’une extrême importance pour l’économie égyptienne. Elle contribue à hauteur de 11,9 % au produit intérieur brut de l’Égypte et emploie 12 % des 29 millions d’actifs. 

Les autorités touristiques espèrent que l’accent mis sur le tourisme religieux pourra attirer différents types de visiteurs.

« Avec la diversification de l’offre touristique, nous pourrons nous adresser à davantage de touristes », a déclaré à MEE Alaa al-Ghamri, un expert indépendant du tourisme. 

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L’Égypte tente depuis longtemps de puiser dans ses nombreux sites religieux, y compris ceux du Sinaï. Elle a lancé un forum pour la tolérance religieuse à Sainte-Catherine pour rassembler les croyants de toutes les confessions.

Intitulé « Ici, nous prions ensemble », le forum vise à lutter contre le sectarisme religieux et à encourager les croyants à vivre en paix les uns avec les autres. 

« Sainte-Catherine est qualifiée pour être un point de rencontre pour toutes les religions », estime Abdel Rahim Rihan. « Cette ville est unique en ce qu’elle a des antiquités qui incarnent la grandeur de toutes les religions célestes. »

Les autorités égyptiennes ont également essayé de raviver le chemin de la Sainte Famille en Égypte pour encourager les chrétiens de toutes les régions du monde à explorer des sites présumés visités par Jésus-Christ et Marie quand ils sont arrivés ici. 

Un trésor religieux

Sainte-Catherine est un trésor religieux qui compte une longue liste de sites incontournables, notamment l’ancien monastère Sainte-Catherine, sa bibliothèque et son jardin.

Le mont Sinaï est l’un des endroits les plus sacrés de la ville. La montagne qui culmine à 2 285 m – également appelée mont Horeb dans l’Ancien Testament et Jebel Musa chez les musulmans – est vénérée par les adeptes du judaïsme, du christianisme et de l’islam comme le lieu où Dieu a révélé les Dix Commandements à Moïse.

La ville abrite également les sources de Moïse, un ensemble de douze sources d’eau autour desquelles tournent différentes histoires sur Moïse.

Seules sept des douze sources d’origine existent encore. Elles avaient souffert de négligence et de détérioration pendant longtemps jusqu’en 2015, lorsque le gouvernement égyptien a lancé un projet de restauration.

Le nouveau projet permettra à l’Égypte d’attirer des touristes de partout, affirme Sami Suleiman. 

« Le développement de Sainte-Catherine permettra à la ville d’attirer des touristes de toutes les régions du monde, y compris d’Israël qui n’est pas très loin. »

En 2019, plus d’un million de touristes israéliens ont visité différentes régions du Sinaï.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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