« Mon hijab me rend puissante » : le portrait d’une musulmane noire qui sera exposé au Capitole américain
Au départ, Sally Almaklani hésitait à participer au concours d’art du Congrès américain, n’ayant réalisé que deux œuvres formelles de toute sa vie.
Cette élève de seconde de New York gribouille depuis d’aussi loin qu’elle s’en souvienne – sur les coins de ses cahiers, des bouts de papier et même des serviettes en papier.
Dessiner la calme et l’apaise, confie-t-elle, mais elle n’en était pas moins réticente à l’idée de soumettre sa troisième peinture à un concours jugé par les membres du Congrès.
Encouragée par un enseignant qui avait repéré son potentiel, elle a finalement décidé de participer.
Le thème du concours était le mois des femmes dans l’Histoire ; et si bon nombre de ses camarades de classe ont choisi de représenter des femmes noires célèbres telles que Michelle Obama et Rosa Parks, Sally Almaklani a choisi quant à elle de peindre une musulmane.
Cette peinture lui a été inspirée par une photographie d’une femme vue sur le site de partage d’images Pinterest.
« J’ai choisi cette œuvre à cause de son visuel frappant et du contre-discours de l’artiste sur le hijab : outil d’expression de soi, le hijab peut émanciper les jeunes femmes. Le rendu par l’artiste d’une jeune musulmane radieuse lutte de manière saisissante contre les stéréotypes islamophobes contre le hijab »
- Alexandria Ocasio-Cortez, élue démocrate de New York
« J’ai vu cette belle musulmane. C’était une vraie fille. Ce n’était pas un dessin, c’était une vraie fille », explique l’adolescente de 16 ans à Middle East Eye. « Et je me suis dit : “Oh mon Dieu, elle est trop belle.” Je suis tombée amoureuse. C’était comme si j’avais besoin de la dessiner immédiatement sur ma toile. Alors je l’ai dessinée. »
Sa peinture, qui montre donc une jeune musulmane noire portant le hijab et se tenant fièrement devant un fond orné de tournesols sous la phrase « Mon hijab me rend puissante » en arabe, a été sélectionnée par le 14e district de New York.
Celui-ci est représenté par la démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, qui a partagé l’œuvre avec ses 1,4 million d’abonnés.
Sally Almaklani sera distinguée lors d’une cérémonie de remise de prix annuelle à Washington D.C. Les œuvres gagnantes sont exposées au Capitole américain pendant un an, et cette année, la peinture de Sally y sera également.
« J’ai choisi cette œuvre à cause de son visuel frappant et du contre-discours de l’artiste sur le hijab : outil d’expression de soi, le hijab peut émanciper les jeunes femmes », explique Alexandria Ocasio-Cortez à Middle East Eye.
« Le rendu par l’artiste d’une jeune musulmane radieuse lutte de manière saisissante contre les stéréotypes islamophobes contre le hijab », ajoute-t-elle.
« Cette belle esthétique associée au message puissant parle assurément à mon district. »
Transformer l’insécurité en force
Car ce qui est un épisode inspirant pour les adolescentes américaines de confession musulmane intervient dans un contexte de harcèlement islamophobe devenu bien trop familier pour de nombreux jeunes musulmans.
Sally Almaklani était au collège lorsqu’elle a souffert d’islamophobie pour la première fois ; c’était lors d’une séance de basket dans le gymnase de son école.
L’équipe de l’adolescente yéméno-américaine a gagné, mais l’une de ses camarades de classe dans l’équipe adverse s’est énervée et a commencé à lui hurler dessus ainsi que sur ses camarades de classe, traitant Sally en particulier de « terroriste ».
Personne n’a soufflé le moindre mot et même ses amies ne l’ont pas défendue, bien qu’elle sache qu’elles n’étaient pas d’accord avec ce qui était dit. Sally était bouche bée.
De nombreux élèves musulmans ont vécu de telles expériences. Selon le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) qui cite un sondage auprès d’élèves musulmans dans l’État du Massachusetts, 61 % d’entre eux ont été harcelés à cause de leur religion à un moment donné de leur vie.
Cela intervient dans un contexte d’attitude hostile aux musulmans dans la société américaine, telle que l’islamophobie au sein de l’establishment républicain et de certains médias conservateurs.
Ce sentiment s’est principalement développé après le 11 septembre 2001 et les guerres qui ont suivi en Afghanistan, en Irak et en Syrie.
Dans le même temps, on a assisté à un boom de la représentation musulmane dans la culture populaire, avec l’ascension de célébrités musulmanes telles que le comédien Hasan Minhaj et l’acteur Riz Ahmed ainsi que l’essor de politiciens musulmans tel que les représentantes du Congrès Ilhan Omar et Rashida Tlaib.
Ces personnalités sont remarquables parce qu’elles ne se dérobent pas devant l’observance de leur religion, et au contraire, en font une source de fierté.
Les adolescentes comme Sally Almaklani sont également enclines à montrer qu’abandonner leurs symboles religieux n’est pas une option.
« J’ai dessiné ça en toute confiance et je porte mon hijab avec confiance. Je veux que les filles sachent qu’elles peuvent le porter en toute confiance et ne pas avoir peur », affirme-t-elle.
« Le hijab est ce qui nous rend puissantes et c’est ce qui compte »
- Sally Almaklani
« Qu’elles doivent se sentir déterminées et, plus important encore, se sentir puissantes. Elles doivent savoir qu’elles bénéficient d’un large soutien et qu’elles doivent être fières de se dire musulmanes. »
Sally Almaklani veut que les jeunes filles, en particulier américano-yéménites comme elle, découvrent que le meilleur moyen de faire face aux insécurités est d’en faire une force.
« Il est possible qu’elles manquent de confiance en elles, mais ce ne sont que des opinions. Ce ne sont pas des faits. C’est juste l’opinion de gens et elle ne compte pas vraiment », estime-t-elle.
« Le hijab est ce qui nous rend puissantes et c’est ce qui compte. On doit sentir que nous sommes protégées et en sécurité. Et plus que tout, que nous sommes aimées. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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