États-Unis : YouTube accusé de complicité dans les attentats de 2015 à Paris
Un procès blâmant YouTube, notamment pour les attentats de 2015 à Paris, doit se tenir à la Cour suprême fin février, ouvrant la voie à une discussion devant la plus haute cour des États-Unis sur le rôle des entreprises de réseaux sociaux dans l’aide aux attaques à grande échelle contre des civils.
La famille de Nohemi Gonzalez, la seule Américaine tuée dans les attentats de 2015 à Paris, a porté plainte contre Google, la maison mère de YouTube, l’accusant de « complicité dans les attentats ».
La famille de la victime indique que l’algorithme de la plateforme « recommandait aux utilisateurs de visionner des vidéos incendiaires créées par [le groupe] État islamique [EI], des vidéos qui ont joué un rôle clé dans le recrutement de combattants pour l’EI dans sa politique d’asservissement d’une grande partie du Moyen-Orient, et pour commettre des actes terroristes dans leur pays d’origine ».
Plaidoiries fixées au 21 février
Au cœur de cette affaire : la section 230 du Communications Decency Act de 1996, une loi américaine interprétée de telle manière que les opérateurs de services internet ne peuvent pas être considérés comme des éditeurs, et ne sont donc pas légalement responsables des propos tenus par les tiers qui utilisent leurs services.
Les juridictions inférieures ont précédemment statué en faveur de Google, amenant les avocats de la famille de Nohemi Gonzalez à faire appel jusqu’à la Cour suprême, qui a annoncé en octobre qu’elle entendrait l’affaire. Les plaidoiries sont fixées au 21 février.
« Si certains changements peuvent être apportés pour empêcher ces terroristes de continuer à tuer des êtres humains, alors c’est important », a déclaré Beatrice Gonzalez, la mère de Nohemi Gonzalez, dans une interview accordée à ABC News lundi.
Nohemi, 23 ans, suivait des études en France lorsqu’elle a été tuée dans l’attaque.
Selon Beatrice Gonzalez, les algorithmes YouTube de Google, qui déterminent les vidéos proposées aux utilisateurs, ont contribué à promouvoir les documents produits par l’EI auprès des combattants qui ont tué sa fille.
YouTube précise qu’il interdit sur sa plateforme « tout contenu incitant à commettre des actes de violence contre des individus ou un groupe de personnes en particulier » et que ses algorithmes aident à intercepter et à supprimer les vidéos qui encouragent la violence, tout en soulignant que 95 % des vidéos supprimées l’année dernière ont été automatiquement détectées, et que la plupart ont été supprimées avant de recevoir moins de dix vues.
« Amoindrir la portée de la section 230 rendrait ce travail plus difficile pour les sites internet », a déclaré à ABC la porte-parole de YouTube, Ivy Choi.
« Les sites internet filtreraient excessivement tous les contenus et créateurs potentiellement controversés, ou fermeraient les yeux sur les contenus répréhensibles tels que les escroqueries, la fraude, le harcèlement et l’obscénité, pour éviter toute responsabilité, rendant les services beaucoup moins utiles, moins ouverts et moins sûrs. »
Middle East Eye a contacté Google pour un commentaire mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.
Protection des musulmans
Ce procès n’est pas une première. Des géants des réseaux sociaux ont déjà été accusés d’inciter à la violence et d’être complices d’actes de violence, en particulier contre des communautés marginalisées à travers le monde.
En 2021, des dizaines de réfugiés rohingyas au Royaume-Uni et aux États-Unis ont poursuivi Facebook, accusant le géant des réseaux sociaux de permettre la propagation de discours de haine à leur encontre.
Plus de 150 milliards de dollars d’indemnisation ont été réclamés. On estime que 10 000 musulmans rohingyas ont été tués lors d’une répression militaire au Myanmar, à majorité bouddhiste, en 2017.
En plus des Rohingyas, Facebook a été accusé de fournir une plateforme pour l’incitation à des attaques violentes contre les musulmans du monde entier, notamment les attaques de Christchurch en Nouvelle-Zélande et la violence contre les musulmans en Inde.
En avril 2021, un groupe américain de défense des droits civiques a intenté une action en justice contre Facebook, affirmant que le prétendu manquement de l’entreprise à appliquer ses propres politiques de modération était responsable d’une vague d’abus antimusulmans.
Un audit indépendant sur les droits civiques mené au sein de la société de réseaux sociaux et publié en juillet 2022 a souligné que, malgré des politiques prohibant les discours de haine contre les groupes religieux, les incidents liés à des discours de haine continuaient de persister sur Facebook.
En 2019, YouTube a annoncé qu’il adopterait une « position plus ferme » contre les menaces et les attaques personnelles faites sur le site de partage de vidéos.
Les groupes de défense des musulmans ont salué la nouvelle, survenue après des critiques contre YouTube qui avait refusé de supprimer une vidéo homophobe, ajoutant que la politique anti-harcèlement devrait s’étendre à la protection des musulmans.
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