Football : Alger, capitale des étoiles africaines et de la rivalité USMA-MCA
Samedi 3 juin au stade du 5-Juillet dans la capitale algérienne, l’Union sportive de la médina d’Alger (USMA) a inscrit son nom dans le très sélect cercle des clubs de football champions d’Afrique. Une victoire que le club algérois, rival du Mouloudia d’Alger (MCA), sacré dès 1976, attend depuis l’indépendance du pays en 1962.
Près d’un demi-siècle (47 ans) après l’historique triplé du Mouloudia d’Alger (vainqueur de la Coupe des clubs champions africains, de la Coupe et du championnat d’Algérie), l’USM Alger a réussi à accrocher cette fameuse étoile africaine sur son maillot.
Cette distinction a souvent été une source de complexe pour l’USMA et de moquerie de la part du club voisin. Mais depuis samedi, « al-nedjma » (l’étoile en arabe) figure en bonne place sur le maillot rouge et noir, les couleurs de l’USMA.
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— USMA Xtra (@USMAXtra) June 5, 2023
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Victorieux (1-2) lors de la finale aller en Tanzanie face aux Young Africains emmenés par le technicien tunisien Nasreddine Nabi, les protégés de Azzedine Bencheikha ont concédé une courte défaite (0-1) à domicile dans un stade du 5-Juillet plein à craquer (plus de 60 000 spectateurs).
Juste ce qu’il faut pour soulever un trophée, la Coupe de la Confédération africaine de football (CAF), remportée à trois reprises par la JS Kabylie au début des années 2000.
L’indépendance, un projet bien plus grand que le football
L’Union sportive de la médina a été créée en 1937, sous la colonisation française, seize ans après le doyen des clubs musulmans et grand rival, le Mouloudia d’Alger.
La formation de Soustara (quartier de la Casbah d’Alger) est venue accentuer le maillage territorial des formations musulmanes qui s’organisaient et se créaient en opposition aux clubs européens, pour un projet bien plus grand que le football.
La lutte pour l’indépendance était encore loin (elle commencera le 1er novembre 1954) lorsque l’USMA voit le jour. Mais grâce à de jeunes militants nationalistes visionnaires, les jalons d’une mobilisation populaire à venir, capable de s’emparer de la révolution armée le moment venu, étaient déjà posés.
« Jetez la révolution dans la rue, le peuple s’en emparera », disait le grand dirigeant nationaliste Larbi ben M’hidi, exécuté par l’armée française en 1957.
Le sport et le football en particulier ont parfaitement rempli ce rôle de mobilisation des masses et de la jeunesse. Un projet qui restait pourtant à définir et à imaginer avant 1954.
Mais c’est aussi certainement un des aspects qui font la particularité des deux clubs rivaux de la capitale que sont le Mouloudia d’Alger et l’USM Alger.
En plus de partager le même espace géographique, les mêmes quartiers – où des trottoirs d’une même rue affichent tant le rouge et noir de l’USMA que le vert et rouge du Mouloudia –, les inconditionnels du doyen aiment à rappeler que ce sont les dirigeants du MCA qui ont accueilli ceux de l’USMA et les ont encouragés à créer leur club.
🇩🇿⚽️ Algerian clubs have reached 5 African finals in the last 10 years, an average of 1 final every 2 seasons
— Algeria FC (@Algeria_FC) June 5, 2023
2014: Wifak Setif 🏆
2015: USM Algiers 🥈
2016: Mouloudia Bejaia 🥈
2021: JS Kabylie 🥈
2023: USM Algiers 🏆 pic.twitter.com/9FBJmZEyCM
Traduction : « Les clubs algériens ont atteint cinq finales africaines au cours des dix dernières années, une moyenne d’une finale toutes les deux saisons. »
Une proximité et une filiation dont les effets se font encore sentir aujourd’hui. La formation de Soustara, qui célèbre son 86e anniversaire cet été (le 5 juillet prochain), s’est enfin mise au niveau de sa rivale à l’échelle africaine après avoir échoué en 2015 en finale de la Ligue des champions de la CAF, face au TP Mazembe (République démocratique du Congo).
Pas de message de félicitations !
Après les campagnes de moqueries orchestrées par les fans du Mouloudia durant les premières années de l’indépendance, en raison des sept finales de Coupe d’Algérie perdues par l’USMA, le sacre de samedi dernier est venu raviver la rivalité, notamment sur les réseaux sociaux.
Les fans de l’USMA, en particulier les plus jeunes, se disent fiers « de vivre ça ». « Nous, on ne nous l’a pas raconté », soulignent-ils en référence au sacre de 1976 du Mouloudia d’Alger que les quadras d’aujourd’hui n’ont pas vécu.
En retour, les Chnaoua (surnom des supporters du Mouloudia) rappellent que le MCA a remporté la prestigieuse Ligue des Champions de la CAF, à une époque où la concurrence, notamment subsaharienne, était bien plus relevée.
D’ailleurs, au moment où les messages de félicitations et les célébrations pleuvent, le Mouloudia d’Alger est l’un des rares clubs à n’avoir pas publié le sien.
Mais il n’y a pas que sur les terrains ou dans les rues de la capitale, particulièrement le quartier de la Casbah et Bab El Oued, que les deux équipes s’opposent.
La musique et les chants sont aussi au centre de la rivalité des deux équipes, qui chacune a son répertoire et ses chanteurs attitrés. Les grands maîtres du chaâbi (musique populaire algéroise), à l’image de Hadj Mrizek (partisan du MCA) et El Hachemi Guerouabi (partisan de l’USMA), ont chanté respectivement leur amour pour leur club.
Dans le cas des chanteurs El Hadj Mohamed El Anka et Amr Ezzahi, les deux camps revendiquent leur appartenance à leur équipe respective.
Et lorsque le Mouloudia revendique le titre du club le plus populaire du pays et à l’international, ainsi que le club des martyrs (ces Algériens morts pour la lutte de libération nationale), l’USMA se revendique d’une citadinité plus raffinée.
Pendant les matchs, les Usmistes n’hésitent pas à brandir les tifos du héros du film La Bataille d’Alger, Yacef Saadi, militant du Front de libération nationale (FLN), patron de la zone autonome d’Alger en 1957.
Les supporters de l’USMA qui s’identifient au Milan AC, en référence aux couleurs du club, sont aussi connus sur l’ensemble du territoire algérien pour leurs chants riches et variés.
L'ambiance de FEU au stade 5 juillet avant la finale de coupe d'Afrique 🔥🔴⚫️
— We love Algerian football 📐 (@lucarne_dz) June 3, 2023
Allez l'USMA #TeamDZ #TotalEnergiesCAFCC pic.twitter.com/3kRcW34vHx
L’USM Alger, qui affiche fière allure avec sa nouvelle étoile, attend la grande explication le 16 juin face au MCA, une rencontre qui compte pour la 23e journée du championnat de L1. Un rendez-vous très attendu par les fans des deux équipes.
Le derby MCA-USMA est l’un des plus réputés de la planète football. Il est souvent classé parmi les plus chauds et les plus disputés, notamment dans les tribunes, où les deux camps font preuve de beaucoup d’imagination pour habiller le stade du 5-Juillet.
La confrontation entre les deux voisins, qui rythme le quotidien des Algérois depuis l’indépendance du pays, est aussi à l’origine de divergences, voire de divisions au sein d’une même famille, où le père, le fils ou les frère et sœurs peuvent s’opposer lorsqu’il s’agit des deux équipes.
Une situation que l’entraîneur de l’USMA fraîchement auréolé de son titre africain est venu raconter sur le plateau d’une chaîne télé.
« Mon fils Yacine est allé en Tunisie. Il aime le Mouloudia, il est à Tunis, il m’a dit : ‘’Papa, inch’Allah vous allez la remporter [la coupe de la CAF,] mais laisse-moi aller en Tunisie, je ne veux pas assister à votre joie !’’ », a raconté l’ancien sélectionneur d’Algérie.
Une anecdote loin d’être un cas isolé, qui résume parfaitement la place qu’occupent les deux clubs de la capitale et leur importance dans la ville d’Alger et au-delà.
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