Début de compétition chaotique pour la CAN
Il aura fallu un demi-siècle d’attente et de batailles, notamment lors des derniers mois, pour voir enfin la plus prestigieuse compétition africaine revenir sur la terre des Lions indomptables, le Cameroun.
Un demi-siècle d’attente, dont trente ans avec, à la tête de la Confédération africaine de football (CAF), le grand absent de cette fête, le Camerounais Issa Hayatou.
Le président d’honneur de la CAF et ex-président par intérim de la Fédération internationale de football (FIFA) – suspendu le temps du tournoi de toute activité liée au football par le Comité d’éthique de l’instance internationale dans le cadre d’une enquête autour de l’attribution des droits médias et marketing au groupe Lagardère jusqu’en 2028 – pouvait certainement se présenter au stade d’Olembe pour le coup d’envoi de la 33e édition de la CAN (présomption d’innocence oblige, l’intéressé a interjeté appel de la décision), mais la maison de Zurich lui a fermé toutes les portes.
La peur de faire de l’ombre au président de la FIFA, Gianni Infantino, y est pour beaucoup.
Désigné pays hôte de la compétition en 2014 pour l’édition de 2019, le Cameroun a été écarté de facto de l’organisation de cette édition après la décision de la CAF, en juillet 2017, de faire passer le nombre de participants de 16 à 24.
L'Égypte, pays touristique, pouvait compter sur ses infrastructures pour récupérer la CAN 2019, à six mois du coup d’envoi, et permettre au Cameroun – qui a chichement accepté de recevoir le tournoi à 24 équipes – d’être prêt pour 2021.
La pandémie de COVID-19 est venue tout repousser à 2022. Le pays des Lions indomptables a bénéficié au final de plus de temps, et l’expérience du Championnat d’Afrique (CHAN) 2020, organisé en janvier, notamment son tournoi test, lui a permis de pointer toutes les lacunes.
Infantino, Lekjaa, Hani Rida conspués
Mais à moins d’un mois du début de la CAN (du 9 janvier au 6 février 2022), la pression sur le pays organisateur s’est faite plus grande. La CAF a sorti de son chapeau une série d’insuffisances relevées sur le terrain.
Les clubs européens, toujours défavorables à la libération des joueurs à cette période de l’année, ont mis à leur tour la pression sur la FIFA, soupçonnée de travailler dans l’ombre pour déménager la CAN au Qatar, pays hôte de la prochaine Coupe du monde.
Et les soupçons ont enflé après le coup de gueule de Samuel Eto’o, fraîchement élu à la tête de la Fédération camerounaise de football, l’ex-star du Barça ayant dénoncé la « trahison » de certains dirigeants du comité exécutif de la CAF et de la FIFA, sans les citer.
Plusieurs médias algériens ont ciblé trois membres du comité exécutif de la CAF – le ministre marocain délégué au budget, Fawzi Lekjaa, l’Égyptien Hani Abu Rida et le Burkinabé Sita Sangaré –, les accusant d’avoir « magouillé » contre le président de la CAF
Plusieurs médias algériens ont ciblé trois membres du comité exécutif de la CAF – le ministre marocain délégué au budget, Fawzi Lekjaa, l’Égyptien Hani Abu Rida et le Burkinabé Sita Sangaré –, les accusant d’avoir « magouillé » contre le président de la CAF, le Sud-africain Patrice Motsepe, pour « un report de la CAN ».
Cette révélation a eu l’effet d’une bombe et a obligé le responsable du football africain et vice-président de la FIFA à se rendre en urgence au Cameroun pour rassurer les autorités camerounaises et mettre fin à toutes les manipulations.
Soupçonné d’être à la manœuvre, le président de la FIFA, Gianni Infantino, a été largement conspué lors du match d’ouverture Cameroun-Burkina Faso au stade d’Olembe. Habitué à s’installer à droite des chefs d’État et des monarques, le protocole l’a cette fois installé à la gauche du président de la CAF, Patrice Motsepe, et à droite de la première dame Chantal Biya.
Les membres du comité exécutif de l’instance continentale n’ont, quant à eux, pas eu droit aux honneurs et ont été installés sous la tribune présidentielle. Hani Abu Rida et Fawzi Lekjaa n’étaient pas les bienvenus en présence du président de la République, Paul Biya, et n’ont donc assisté ni à la cérémonie ni au match d’ouverture.
Mais alors que le président de la FIFA, Gianni Infantino, reprenait, très remonté, son jet privé, une agression à l’arme blanche à Douala a jeté un coup de froid.
Trois journalistes algériens, Mohamed Aissani, de l’agence officielle APS, Mohamed Smaïl Amokrane du quotidien Compétition, et Mehdi Dahak, du site internet DZFoot, ont été dépouillés de leurs effets personnels et de leurs téléphones portables.
« C’est malheureux que la sécurité ne soit pas assurée »
Ce fait divers a rapidement fait le tour des rédactions du monde entier et place toujours la question de la sécurité au centre de la CAN.
« J’ai voyagé un peu partout en Afrique, je sais que ce genre de choses peuvent arriver à tout le monde et n’importe où. C’est la première fois que cela m’arrive en plein tournoi et contrairement à ce que disent les organisateurs, nous n’avons enfreint aucune règle. On a été agressés à dix mètres de notre hôtel situé en ville », raconte Mehdi Dahak, une des victimes de l’agression, à Middle East Eye. « C’est malheureux que la sécurité ne soit pas assurée. La police a mis du temps pour intervenir. »
Quarante-huit heures après, plusieurs vidéos circulaient et montraient une opération des forces spéciales camerounaises à Limbe (ouest), où sont domiciliés les matchs du groupe F (Tunisie, Mauritanie, Gambie et Mali).
L’accrochage a duré une heure environ sans qu’aucun bilan officiel ne soit communiqué.
Autre source d'inquiétude, la pandémie de COVID-19. Même si le Cameroun demeure, à l’image d’autres pays africains, relativement préservé, l’indisponibilité des tests laisse craindre le pire.
Les stades restent désespérément vides même si la CAF et les autorités camerounaises ont instauré une jauge de 80 % pour les rencontres des Lions indomptables et 60 % pour les autres matchs.
Erreur d’arbitrage
Pour couronner le tout, alors que les polémiques autour de la CAN 2022, ne concernaient, jusqu’au mercredi 12, que les aspects extra sportifs et que la première journée de la phase de poule prenait fin dans la sérénité, l’arbitre zambien Janny Sikazwe commettait une double boulette lors de la rencontre Mali-Tunisie (1-0).
Une première fois, il a sifflé la fin de la rencontre à la 85e minute de jeu, avant d’être corrigé par son quatrième arbitre et permettre au jeu de reprendre non sans transformer cet arrêt en pause fraîcheur (autorisée par la réglementation).
À peine cinq minutes plus tard, il sifflait cette fois-ci la fin de la rencontre sans permettre au quatrième arbitre d’indiquer le temps additionnel, alors que les deux équipes avaient effectué les cinq changements autorisés de part et d’autre.
Janny Sikazwe a dû quitter le terrain sous bonne escorte après avoir semé le chaos sur le terrain. Après plusieurs minutes de négociations et alors que le sélectionneur du Mali se trouvait en salle pour la conférence de presse d’après match, il a été rappelé avec son équipe pour permettre au match d’aller à son terme.
Une option refusée par la Tunisie, qui souhaitait rejouer la rencontre. Le quatrième arbitre, l’Angolais Hélder Martins de Carvalho, chargé de diriger les quelques minutes de temps additionnel, a ainsi constaté le forfait de la Tunisie après plusieurs minutes d’attente. Les Aigles de Carthage étaient, pour certains, déjà dans le bus...
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