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France-Algérie : le président Tebboune accuse Darmanin de « mensonge »

Pour le chef de l’État algérien, qui s’est entretenu dimanche 10 octobre avec des médias locaux, le retour de l’ambassadeur d’Algérie à Paris est « conditionné au respect total de l’État algérien » par la France
Abdelmadjid Tebboune appelle Gérald Darmanin « Moussa Darmanin », le deuxième prénom du ministre, donné en hommage à son grand-père, un tirailleur algérien de la Seconde Guerre mondiale (AFP/Loïc Venance)
Abdelmadjid Tebboune appelle Gérald Darmanin « Moussa Darmanin », le deuxième prénom du ministre, donné en hommage à son grand-père, un tirailleur algérien de la Seconde Guerre mondiale (AFP/Loïc Venance)
Par MEE et agences à ALGER, Algérie

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a accusé dimanche 10 octobre le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin d’avoir proféré un « gros mensonge » quant au nombre d’immigrés clandestins algériens à refouler depuis la France.

« Il n’y a jamais eu 7 000 [Algériens à expulser]. La France a évoqué avec nous plus de 94 [Algériens]. Jamais il n’y en a eu 7 000 », a déclaré le chef de l’État dans un entretien avec plusieurs médias algériens.

Il a par ailleurs souligné que la France ne devrait pas traiter l’Algérie comme la Tunisie et le Maroc dans sa décision de réduire de façon draconienne le nombre de visas accordés aux ressortissants de ces pays.

Alger avait réagi dès le lendemain en convoquant l’ambassadeur français François Gouyette pour lui notifier une « protestation formelle du gouvernement algérien suite à une décision unilatérale du gouvernement français affectant la qualité et la fluidité de la circulation ».

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« La réduction des visas est une question qui relève de la souveraineté de tous les États, y compris pour l’Algérie, à condition qu’elle respecte les accords d’Évian [résultat de négociations entre les représentants du Gouvernement de la République française et du Gouvernement provisoire de la République algérienne pour mettre fin à la guerre d’Algérie] et l’accord de 1968 qui dictent certaines mesures », a fait valoir le président Tebboune.

En vertu de cet accord, les Algériens bénéficient d’un régime spécifique qui facilite leur entrée en France, leur octroie une liberté d’établissement comme commerçant ou indépendant et un accès plus rapide à des titres de séjours valables dix ans.

« Ne nous mélangez pas avec d’autres pays […]. L’Algérie est un pays spécial » pour la France, a-t-il ajouté, en répétant « Il y a des accords qui nous lient », peut-être pour désamorcer les rumeurs laissant entendre que dans l’entourage d’Emmanuel Macron, certains voudraient remettre en cause de manière unilatérale l’accord de 1968.

Le retour de l’ambassadeur d’Algérie à Paris sous condition

Le chef de l’État algérien a détaillé les demandes d’expulsion présentées par Paris. « La liste qui nous est parvenue en 2020 et les trois listes en 2021 comptaient 94 cas parmi lesquels 21 ont été acceptés et 16 autres rejetés », a assuré le président Tebboune.

« Ils ne vont pas rentrer [en Algérie] car ils sont liés au terrorisme. Ils sont venus de Syrie […] Il y a des binationaux qui n’ont pas de famille ici », a-t-il expliqué.

« Moussa Darmanin a bâti un gros mensonge », a accusé Tebboune, à l’adresse du ministre de l’Intérieur français dont Moussa est le deuxième prénom donné en hommage à son grand-père, un tirailleur algérien de la Seconde Guerre mondiale. 

« Ces choses-là ne se règlent pas par le biais de la presse », a encore asséné le président algérien, en ajoutant : « Je ne vais pas pérorer dans un journal pour le populisme et la campagne électorale. Il n’y a jamais eu 7 000 [clandestins algériens], c’est complètement faux. »

Par ailleurs, Abdelmadjid Tebboune a conditionné le retour de l’ambassadeur d’Algérie à Paris, rappelé au début du mois à Alger après des propos critiques du président Emmanuel Macron, au « respect total de l’État algérien » par la France.

« On oublie qu’elle a été un jour une colonie française […] L’histoire ne doit pas être falsifiée », a insisté le président algérien.

Emmanuel Macron avait déclenché la colère d’Alger après des propos rapportés samedi 2 octobre par le journal français Le Monde accusant le système « politico-militaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle » en servant à son peuple une « histoire officielle » qui « ne s’appuie pas sur des vérités ». 

Il s’était également interrogé sur l’existence d’une « nation algérienne » avant la colonisation française.

« L’État est debout avec tous ses piliers, avec sa puissance, la puissance de son armée et son vaillant peuple », a poursuivi le président Tebboune, également chef suprême des forces armées et ministre de la Défense.

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Au sujet de la fermeture du ciel aux avions militaires français, le 2 octobre, il a précisé : « Il n’y a rien d’irréversible dans les relations diplomatiques entre les États. Actuellement, nous sommes agressés dans notre chair, dans notre histoire, dans nos martyrs, nous nous défendons comme nous le pouvons. Si les choses se dissipent, il n’y aura plus de problèmes. Ce n’est pas avec les adeptes du Kärcher que les relations algéro-françaises redeviennent calmes », a répondu Tebboune.

Mardi 5 octobre, le président Macron a dit souhaiter un « apaisement » sur le sujet mémoriel entre la France et l’Algérie, appelant à « cheminer ensemble » et à « reconnaître toutes les mémoires ».

Enfin, le président algérien a exigé de la France que « le chef de file des terroristes du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie [MAK] Ferhat Mehenni » soit livré à l’Algérie.

Tebboune a « assuré que des preuves existent sur l’achat d’armes de la part du MAK, avec l’aide de parties étrangères, dont le Maroc », rapporte le site d’informations TSA.

La justice algérienne avait lancé, il y a un mois, un mandat d’arrêt contre Ferhat Mehenni, installé en France, dans le cadre de l’enquête sur le lynchage à mort du jeune Djamel Bensmail début août à Larbaâ Nait Irathen, alors que la Kabylie était confrontée à des incendies meurtriers.

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